Lors de la conférence internationale sur la Syrie organisée mercredi à Bruxelles, qui doit faire le point sur les promesses d’aides financières, le Liban, qui accueille plus d’un million de réfugiés entend bien demander plus de soutien aux Européens.
Pour Saad Hariri, le calcul est simple: la communauté internationale verse au Liban l’équivalent de 1000 dollars par an par réfugié syrien, alors que leur accueil en Europe coûterait au moins trente fois plus. C’est donc un effort supplémentaire que le premier ministre libanais va demander aux participants à la conférence internationale de Bruxelles, qui s’ouvre mercredi sur la Syrie.
«Nous voulons une dizaine de milliards de dollars pour notre plan d’investissements sur cinq à sept ans», plaide-t-il, invoquant la générosité dont le Liban – «devenu un grand camp de réfugiés» – a fait preuve jusqu’à présent en accueillant plus d’un million de Syriens, qui représentent près du quart de sa population, un record. «On a longtemps salué notre résilience, mais celle-ci n’est pas extensible à l’infini, le Liban est proche du point de rupture», avertit le chef du gouvernement, qui espère en particulier le soutien de Paris. Élevant lundi Saad Hariri au rang de commandeur de la légion d’honneur, François Hollande lui a réaffirmé «l’amitié éternelle» de la France, sans l’assortir pour autant d’engagement chiffré à ce stade.
Le précédent de la conférence de Londres
La précédente conférence internationale pour la Syrie organisée en février 2016 à Londres s’était soldée par des promesses de dons de plus de 10 milliards de dollars pour l’ensemble des pays d’accueil des déplacés. Un fonds spécial supervisé par la Banque mondiale a été mis en place pour recueillir les aides au Liban – essentiellement des prêts subventionnés – mais ses caisses sont restées presque vides. En partie en raison de la crise qui a paralysé les institutions: la présidence de la République est restée vacante pendant plus de deux ans en raison des dissensions internes, notamment alimentées par la crise syrienne.
Cette page est tournée, affirme Saad Hariri, selon qui l’État libanais est à nouveau en ordre de marche. «Le Liban a certainement besoin de passer d’une logique d’aide humanitaire stricto sensu à une logique d’aide au développement, mais la question de sa capacité d’absorption continue de se poser», relève toutefois l’économiste Kamal Hamdan. Davantage que la disponibilité des fonds, c’est la façon dont ils seront utilisés qui suscite des inquiétudes. «Si des réformes structurelles ne sont pas entreprises, en termes de gouvernance, le risque est que cette aide internationale contribue, certes à soutenir l’effort du Liban en faveur des réfugiés, mais qu’elle renforce par la même occasion le système oligarchique au pouvoir qui étouffe le pays et contribue à l’enfoncer dans la crise», analyse Karim Bitar, professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.
Plutôt que sur des promesses de réformes, c’est sur l’angoisse européenne face aux flux migratoires que Saad Hariri semble compter pour convaincre les bailleurs potentiels: «nous pourrions laisser les réfugiés partir vers l’Europe», glisse-t-il. Ainsi que sur la crainte d’une déstabilisation du Liban, sous l’effet des tensions accrues entre réfugiés syriens et communautés hôtes – le chômage libanais a explosé – et de la radicalisation potentielle d’une population «privée d’espoir».