Au Moyen-Orient, les chrétiens, à l’instar de plusieurs minorités, subissent de nos jours plusieurs formes de persécutions allant de l’exclusion politique, économique et sociale jusqu’aux attaques armées ainsi que d’autres formes de violences. Les libanais chrétiens ne font pas exception.
Par sa diversité culturelle, ethnique et religieuse, le Liban constitue un territoire ouvert à toutes formes de tensions. Actuellement, les chrétiens libanais sont à l’épicentre d’un conflit quasiment mondial qui se joue en Syrie voisine. Cependant, la violence qu’ils subissent ne prend pas une forme armée ou militaire, mais elle demeure tacitement grave et omniprésente.
Nombreuses sont les minorités culturelles et religieuses qui luttent au Moyen-Orient pour leur avenir. Les Libanais chrétiens luttent aussi contre des politiciens de la même obédience religieuse qui s’alignent totalement et sans condition sur des politiques dictées par l’étranger, consistant explicitement à exclure les chrétiens du processus politico- économique. Ce manque de solidarité, ainsi que les divisions fondamentales au sein de la communauté libanaise chrétienne, nuisent aux intérêts stratégiques du pays. Ces ambiguïtés comportementales rendent la situation des chrétiens libanais de plus en plus difficile.
Les multiples tentatives d’exclure les Libanais chrétiens du processus politique s’expriment également à travers l’empêchement de la tenue des élections présidentielles. Depuis environ deux ans, la présidence de la République libanaise est inoccupée. Cette vacance n’est pas due à l’absence de candidats fiables, mais au refus des pétromonarchies d’accepter un Président de la République au Liban qui ne répond pas à leurs aspirations. Cependant, l’élection présidentielle libanaise fait partie du conflit global au Moyen-Orient qui n’a rien de religieux comme le prétendent certains, mais qui est de nature économico-énergétique.
Le Général Michel Aoun, candidat favori à la présidence de la République libanaise, ne parvient pas à y accéder à cause de son alliance avec le Hezbollah et les relations de ce dernier avec l’Iran. Monsieur Sleiman Frangié également favori à la présidence, n’arrive pas à atteindre son but et à se faire élire puisqu’il est proche du clan Hariri pro-saoudien. Néanmoins, l’élection présidentielle au Liban a toujours été un sujet de discussions, de litiges, de conflits et de consensus. C’est le seul poste de l’exécutif libanais qui suscite autant de négociations à chaque fois que l’échéance se présente.
Toutefois, l’élection d’un président fort et populaire tel que le Général Aoun peut contribuer à donner un souffle positif aux libanais chrétiens, leur remontant le moral, leur donnant un élan psychologique qui ne peut être que bénéfique pour le Liban. Mais le Général Aoun risquerait d’être enchaîné d’avance par un certain nombre de conditions qui contribueraient à son élection.
Les prérogatives du président de la République libanaise ont été largement limitées suite aux accords du Taëf2 au profit du premier ministre de confession sunnite. De ce fait, il ne suffit pas d’élire un président fort, honnête et populaire, mais il faut par la suite former un gouvernement, chose qui peut prendre aussi beaucoup de temps au Liban. Un consensus est en train de prendre forme en ce moment au Liban. Il consisterait à élire le Général Aoun comme président de la République libanaise à condition d’avoir comme Premier ministre M.Saad Hariri3. Il convient de préciser que ce dernier a déjà entamé des négociations avec le Général Aoun concernant la présidence de la République, après avoir abandonné le processus de négociations au profit de M. Sleiman Frangiè qui se voit aujourd’hui mis de côté. L’accélération des négociations entre le Général Aoun et Saad Hariri est aussi tributaire de plusieurs facteurs extérieurs aux frontières libanaises.
Le Liban et ses chrétiens sont placés aujourd’hui devant le fait accompli. Alors que le Général Aoun deviendra probablement le prochain président de la République libanaise, il est obligé de composer avec les corrompus, les féodaux ainsi que ses adversaires qui voteraient pour lui, en espérant qu’il arrivera à redresser le pays. Cela sans négliger le manquement à la Démocratie dans le processus électoral, où le peuple n’a pas son mot à dire, où il faut s’entendre sur le nom du Président avant de l’élire et dans le cas actuel sur le nom du Premier ministre.
Enfin, les chrétiens du Liban mènent l’ultime bataille qui va peser sur leur avenir, sans pour autant que la présidence de la République cesse d’être dans les années à venir un sujet de grands litiges.
1Le Pacte national de 1943 octroie la présidence de la République aux chrétiens maronites, le poste du premier ministre aux musulmans sunnites, la présidence du parlement aux musulmans chiites, la vice-présidence aux chrétiens orthodoxes et le chef de l’armée aux chrétiens maronites. Ce schéma se décline sur toute la fonction publique de l’Etat libanais.
2 Les accords du Taëf est un accord inter-libanais qui a été signé le 22 octobre 1989 mettant fin à la guerre libanaise.
3 Saad Hariri, homme politique libanais, ancien premier ministre nommé le 16 septembre 2009, jusqu’à fin à son mandat le 12 janvier 2011 suite à la démission d’un tiers des ministres de son gouvernement