Cette année, le second anniversaire de la réconciliation entre le CPL et les FL, conclue le 18 janvier 2016, est passé totalement inaperçu. L’an dernier, en effet, les deux pionniers de cette réconciliation, le président de la commission parlementaire des Finances Ibrahim Kanaan et le ministre de l’Information Melhem Riachi, avaient multiplié les interventions dans les médias pour célébrer cette grande réalisation. Cette année, pas un mot sur la question, comme si les pères de cette réconciliation refusaient désormais de revendiquer cette paternité.
Vantée comme un événement historique, cette fameuse réconciliation n’aurait-elle donc pas survécu à la première année du mandat du président Michel Aoun ? Aussi bien du côté aouniste que de celui des FL, on refuse toutefois d’annoncer la mort de l’entente entre les deux formations chrétiennes. Même si les deux parties ne cachent pas les divergences entre elles et une certaine amertume chacune à l’égard de l’autre.
Tout avait commencé, après plus de dix mois de tractations, par l’adoption par le chef des FL Samir Geagea de la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République dans le cadre d’une cérémonie à Meerab, le 18 janvier 2016. L’événement avait été présenté comme un grand pas en avant dans le sens de l’unité, de la part des deux formations rivales, après une guerre fratricide qui avait laissé des blessures saignantes chez les partisans de l’une et de l’autre, suivie de longues années de confrontations politiques féroces. Les deux formations avaient même voulu donner une dimension morale à leur réconciliation, même si certains analystes avaient estimé à l’époque qu’il s’agissait surtout d’une rencontre d’intérêts, Michel Aoun ayant intérêt à être soutenu par la formation chrétienne qui lui était la plus hostile et Samir Geagea ayant besoin de Michel Aoun pour couper la voie à la candidature de Sleiman Frangié, adoptée à l’époque par Saad Hariri.
Ce marchandage paraissant un peu médiocre face à la grande idée du renforcement du rôle des chrétiens au sein de l’État libanais, les parties présentaient leurs divergences comme des choix politiques régionaux contradictoires. En réalité, et selon les informations qui ont filtré des réunions successives du gouvernement, les divergences sont essentiellement apparues sur des dossiers sociaux ou administratifs, les ministres FL ne soulevant que des problèmes relevant des ministres du CPL (électricité, environnement, etc.), alors que dans les dossiers conflictuels entre les ministres proches de Nabih Berry et ceux du CPL, les FL s’abstenaient de se prononcer. Au fur et à mesure que les conflits se précisaient, le fossé se creusait de nouveau entre les deux formations. Au point qu’aujourd’hui, les divergences ne peuvent plus être dissimulées et les médias s’interrogent de plus en plus sur l’avenir de l’entente conclue à Meerab en 2016. Le tandem qui aurait dû mener côte à côte les élections législatives se retrouve dans la plupart des circonscriptions dans des listes opposées.
Comme le dit un cadre du CPL : « Heureusement que la loi ne favorise pas les alliances entre formations ayant la même assise confessionnelle. Sinon, il aurait été difficile de sauver la face ! » En dépit de ce constat peu encourageant, les états-majors des deux formations continuent à affirmer que l’entente conclue à Meerab devrait survivre à ces secousses, car c’est la rue chrétienne qui la souhaite. Et les divergences, aussi importantes soient-elles, ne dépasseront pas le plafond qui a été fixé et qui a interdit les conflits ouverts. D’ailleurs, dans certaines circonscriptions, les FL et le CPL pourraient s’allier si l’intérêt des électeurs chrétiens est en jeu. Ce sera peut-être le cas à Zahlé par exemple. Rien n’est encore définitif, mais de toute façon, il n’y aura pas un retour aux relations heurtées de l’avant-18 janvier 2016. Concernant le partage des postes, les deux formations estiment que l’issue des élections législatives devrait déterminer la part de chacune. C’est pourquoi aujourd’hui, la priorité est aux élections, les FL espérant obtenir un bloc parlementaire d’au moins 14 députés (c’est-à-dire 6 de plus que le bloc actuel) et le CPL espérant garder un bloc de plus de 22 (il en a actuellement 23 si on compte les deux députés du Tachnag et Émile Rahmé).