Histoire de plantes: les cèdres du chapeau de Jussieu

Daniel Lejeune, responsable de la bibliothèque de la Société nationale d’horticulture de France raconte comment le célèbre botaniste, ramena d’Angleterre, les deux premiers cèdres du Liban de France.

La dynastie des Jussieu, dont les Parisiens connaissent bien la station de métro et la faculté du même nom, a bien mérité de la patrie. Ils étaient quatre fils. Christophe reprit l’officine apothicaire familiale en région lyonnaise. Joseph partit avec La Condamine en Amérique du Sud pour mesurer le méridien terrestre. Antoine, médecin et professeur de botanique au Jardin du Roi, l’actuel Jardin des plantes, joua un rôle important dans l’acclimatation de plantes à vocation agricole dans les Antilles, comme le café. Enfin, Bernard créa, pour le roi Louis XV, une école de botanique à Trianon et élabora à cette occasion une nouvelle classification végétale, beaucoup plus naturelle que celle de Linné.

Sur le pavé parisien

C’est lui qui, en 1734, lors d’un voyage en Angleterre, se vit remettre par Sloanne, curateur des jardins de Kew, deux jeunes plants de cèdre du Liban, espèce encore rarissime en Europe. Bernard de Jussieu survécut à la traversée du Channel et arriva à Paris, muni de sa modeste, mais précieuse cargaison. Le Jardin du Roi était en vue lorsque… patatras! Les jeunes cèdres et leur pot s’écrasèrent sur le pavé parisien. Le botaniste associa promptement ses talents à ceux du jardinier qui sommeillait en lui. Il sauva les deux jeunes conifères en les replantant dans son… chapeau, promu au noble rang de poterie horticole.

Le plus vieux cèdre du Liban de France

L’un fut donné à Daniel-Charles Trudaine, alors intendant général des finances et directeur des pépinières royales qui le planta dans le parc de son château de Montigny-Lencoup, en Seine et Marne. Il s’y développa superbement jusqu’en 1935 où une tempête l’abattit. L’autre fut planté au Jardin du Roi, au pied de la colline du Labyrinthe près de l’entrée donnant sur la rue Geoffroy-Saint-Hilaire. Il y est toujours. Âgé de 284 ans, c’est même le plus vieux cèdre du Liban de France.