Depuis quelques jours, le flou total plane sur la future loi électorale. À mesure que le 15 mai se rapproche, les cartes semblent de nouveau se mélanger, comme s’il s’agissait d’arriver à cette date sans avoir décidé d’une nouvelle loi électorale. Dans ce cas, le chef de l’État – qui a décidé, le 12 avril, d’utiliser pour la première fois la prérogative prévue par l’article 59 de la Constitution qui lui a permis de suspendre les activités du Parlement pendant un mois –sera au pied du mur.
Le président de la Chambre a sciemment convoqué une séance plénière le 15 mai pour voter ou rejeter le projet de loi prévoyant une prorogation d’un an du mandat du Parlement, présenté par le député Nicolas Fattouche, neutralisant ainsi la décision présidentielle qui était destinée à éviter cette prorogation qui aurait dû être votée le 13 avril. Le chef de l’État, qui répète devant ses visiteurs qu’il refuse la prorogation, la vacance parlementaire et l’organisation des élections sur la base de la loi actuelle, avait voulu, à travers cette initiative, donner plus de temps aux différentes parties pour qu’elles s’entendent sur un projet de loi électorale et soient ainsi à la hauteur de leurs responsabilités nationales et des attentes de la population.
Mais depuis le 13 avril, et en dépit des déclarations qui se veulent positives, les négociations font du surplace. Plus même, la commission ministérielle qui avait été formée dans ce but ne s’est pas réunie, et au lieu d’étudier les projets déjà existants, voilà que le PSP en a proposé un nouveau, inspiré du premier projet mixte qu’il avait proposé l’an dernier en accord avec les FL et le courant du Futur, après avoir toutefois augmenté les sièges élus sur la base du scrutin proportionnel pour qu’ils deviennent 64 comme ceux élus sur la base du scrutin majoritaire. Le Hezbollah, par la voix du chef de son bloc parlementaire Mohammad Raad, a immédiatement déclaré son rejet de ce projet, estimant que le système qui mixe entre la proportionnelle et le mode majoritaire « est contraire à la logique ». Maintenant, on annonce un nouveau projet qui serait préparé par le président de la Chambre et ses conseillers et qui devrait être soumis aux différentes parties, « au moment opportun ».
Justement, la question qui se pose est la suivante : quand donc les parties concernées estimeront-elles que « le moment opportun » est arrivé ? Avant ou après le 15 mai ?
Selon des sources parlementaires, ce qui se passe aujourd’hui montre que le président de la Chambre avait raison lorsqu’il affirmait que l’élection présidentielle doit se faire dans le cadre d’un accord global. Sinon, à chaque étape, il y aura des problèmes. Selon ces mêmes sources, c’est justement ce que nous vivons depuis le 31 octobre, date de l’élection du général Aoun à la présidence. Et aux dissensions internes, il faudrait ajouter les pressions externes, en particulier occidentales et arabes, pour pousser le président Aoun et son camp à s’éloigner du Hezbollah avec lequel il a conclu une entente (critiquée par l’Occident) en février 2006.
S’il faut en croire les sources parlementaires précitées, ce plan serait en train de réussir, puisque aujourd’hui, les tiraillements entre le CPL et le Hezbollah sont apparus au grand jour avec les positions divergentes sur les projets de loi électorale présentés par le chef du CPL, le ministre Gebran Bassil. Selon des sources proches du Hezbollah, celui-ci aurait été pris de court par les projets de Bassil, sachant que le CPL et le général Aoun avaient répété pendant des années qu’ils étaient en faveur d’un projet de loi basé sur le mode de scrutin proportionnel total. Le CPL et Aoun avaient même accepté officiellement le projet de loi préparé par le gouvernement de Nagib Mikati, en suggérant toutefois un découpage de 15 circonscriptions au lieu des 13 prévues. Ce changement de position est inexplicable pour le Hezbollah, à moins qu’il ne soit dû à l’alliance entre le CPL et les FL, laquelle aurait modifié l’approche électorale du CPL.
Le ministre Bassil a avancé des explications sur sa volonté de permettre aux électeurs chrétiens d’élire le maximum de députés par leurs propres voix, dans une période aussi critique pour leur présence dans la région. Mais il est clair que le Hezbollah n’a pas été convaincu, et encore moins le président de la Chambre qui, selon les sources parlementaires, ne se priverait pas de dire à son allié : « Vous avez voulu Aoun à la présidence, voilà le résultat ! »…
Dans ce contexte, il reste à se demander quels sont les scénarios possibles : un miracle peut se produire et pousser les parties à s’entendre sur un projet de loi avant le 15 mai. Mais si cela ne se produit pas, le CPL et les FL annoncent qu’ils vont tout faire pour empêcher la tenue de la séance du 15 mai. Le président pourrait alors se saisir du projet de prorogation et le renvoyer au Parlement, gagnant ainsi un délai de 5 jours, au bout duquel le gouvernement pourrait décider de l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire (la session ordinaire se termine le 31 mai). Ce qui prolongerait le délai accordé aux députés pour s’entendre sur un projet de loi électoral jusqu’au 19 juin, le mandat prorogé du Parlement expirant le 20. D’ici là…