Les avions russes soutenant les forces du régime syrien ont freiné mardi par d’intenses raids au sud d’Alep l’offensive, vue comme celle “de la dernière chance”, des rebelles qui cherchent à desserrer le siège imposé à leurs quartiers.
Le ton est en outre monté entre Washington et Moscou, qui soutiennent respectivement l’opposition et le régime mais luttent contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a exhorté les protagonistes à Alep à faire preuve de retenue. “Il est évidemment essentiel que la Russie se maîtrise et freine le régime Assad dans ses attaques, tout comme il est de notre responsabilité d’obtenir de l’opposition qu’elle évite de s’engager dans ses opérations”.
Un appel qui a été jugé “inacceptable” par Moscou. “Dès qu’il y a des progrès dans les combats contre les terroristes, grâce à l’armée syrienne avec notre soutien, les Américains (…) nous demandent d’arrêter de combattre les terroristes”, a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergei Ryabkov à l’agence Ria Novosti.
Le président américain Barack Obama a assuré qu’en dépit d’une relation “difficile” avec la Russie, les Etats-Unis cherchaient toujours à coopérer pour trouver des solutions diplomatiques aux conflits comme en Syrie.
Dans la bataille d’Alep, les rebelles sont soutenus par le groupe jihadiste Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra qui a coupé ses liens avec Al-Qaïda). Le régime est lui aidé par l’aviation russe et au sol par des combattants iraniens et du Hezbollah libanais, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Bataille de la ‘dernière chance’
Selon cette ONG, l’offensive lancée dimanche est la plus importante menée par les rebelles d’Alep depuis celle de 2012 qui leur avait permis de conquérir la moitié de la capitale du nord de la Syrie et de faire vaciller le régime de Bachar al-Assad.
L’objectif est d’ouvrir une nouvelle route d’approvisionnement vers les quartiers rebelles dans l’est de la cité et d’empêcher le régime de s’emparer de la totalité de la métropole, enjeu majeur du conflit qui ravage la Syrie depuis 2011.
Alep est divisée depuis juillet 2012 entre quartiers ouest aux mains du régime et quartiers est contrôlés par les rebelles et totalement assiégés par l’armée depuis le 17 juillet.
“Les frappes russes intenses n’ont pas arrêté toute la nuit (de lundi à mardi)” au sud-ouest d’Alep où se concentrent les combats, a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH.
“Cela a ralenti la contre-offensive et permis au régime de reprendre cinq des huit positions conquises par les rebelles”, a-t-il ajouté. “Les insurgés avaient avancé mais n’arrivent à pas à consolider leurs positions”.
Les combats ont fait au moins “50 morts” dans les rangs des rebelles et jihadistes et “des dizaines de morts” du côté du régime depuis le début de l’offensive, a précisé l’ONG. Une trentaine de civils dans la zone gouvernementale d’Alep ont été tués lundi par des tirs rebelles.
Cas de suffocation à Saraqeb
“C’est une bataille de la dernière chance pour les rebelles. S’ils la perdent, il leur sera difficile de se lancer dans une nouvelle offensive pour briser le siège”, a dit M. Abdel Rahmane.
“Pour le régime aussi, c’est une question de vie ou de mort. Cela fait des mois qu’il prépare cette bataille et ce sera un coup dur (…) s’il la perd”, a-t-il ajouté.
A 50 km au sud d’Alep, dans la ville rebelle de Saraqeb, l’OSDH a fait état de 24 cas de suffocation après le largage de barils explosifs par des hélicoptères du régime, citant la population.
Selon les rebelles, “des hélicoptères du régime Assad ont largué lundi des barrils explosifs contenant du chlore sur des zone résidentielles”. L’ONG n’était toutefois pas en mesure de confirmer mardi soir que du gaz avait été utilisé.
Ailleurs dans la province d’Alep, un raid aérien probablement russe a visé la localité rebelle d’Atareb, causant la mort de 11 civils dont cinq enfants, selon l’OSDH. Depuis le 16 juillet, ce fief des insurgés a été la cible de frappes qui ont fait au total de 76 morts, dont 30 femmes et enfants, affirme l’Observatoire.
Lundi cinq soldats russes ont été tués lorsque leur hélicoptère a été abattu, dans l’attaque la plus sanglante contre eux depuis le début de l’intervention militaire de Moscou en septembre 2015.
Par ailleurs, dans le nord du pays, l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenue par la coalition internationale a avancé à Minbej, un fief de l’EI qu’elle contrôle désormais à 60%, a indiqué l’OSDH.
Le sort de milliers de civils pris au piège des combats à Minbej suscite l’inquiétude des organisations humanitaires.
Plus de 280.000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit en Syrie en mars 2011. Déclenché par la répression de manifestations pro-démocratie, il s’est complexifié avec l’intervention militaire de puissances régionales et internationales et la montée en puissance de groupes jihadistes dont l’EI.