Pour la deuxième soirée du Festival le Printemps de Beyrouth, les frères Rami et Bachar Khalifé se produisaient dans le jardin Samir Kassir au centre-ville de Beyrouth. Un voyage explosif entre musique classique et compositions originales.
On connait les frères Khalifé pour leur faculté à explorer la musique, bousculer les codes pour accoucher de mélodies aussi surprenantes qu’inventives. Chacun à sa manière. Quand l’aîné Rami, soliste dans quelques-uns des orchestres les plus réputés du monde (le Globalis Orchestra, l’Orchestre philarmonique du Qatar et l’Orchestre philarmonique de Liverpool) se démarquait avec ses versions revisitées des classiques, le cadet Bachar composait, en groupe ou en solo, des morceaux éclectiques, mélanges de jazz, d’électro, de hip-hop et d’influences orientales.
Sur la scène installée au cœur du jardin Samir Kassir au pied de la statue de bronze du journaliste assassiné en 2005, les deux frères ont livré une prestation à la hauteur de leur héritage culturel. Riche en diversité. Passé d’une première partie classique (Brahms, Debussy) réalisée à quatre mains – un répertoire que jouaient les deux frères à leurs débuts -, le duo de pianistes a pris l’assemblée de court en se lançant dans une seconde partie plus transgressive, un condensé énergique et explosif de leurs compositions originales respectives porté par la voix aérienne de Bachar Khalifé et le violoncelle de Sari Khalifé, cousin de la famille.
‘‘Ils ont su mieux que personne puiser dans la tradition orientale libanaise et la mêler à tous les styles de musique internationaux : qu’il s’agisse du jazz, de l’électro, de la musique classique’’, se réjouit Ayman Mehanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir qui organise depuis 2008 le festival Le Printemps de Beyrouth (Beirut Spring Festival). Un événement que la fondation veut pluridisciplinaire (danse, musique, théâtre..) et ouvert au plus grand nombre grâce à son accès gratuit. ‘‘Nous attachons chaque année beaucoup d’importance aux artistes libanais, poursuit Ayman Mehanna. Les frères Khalifé ont été choisis d’abord pour leur talent, mais aussi pour ce vent de nouveauté qu’ils apportent avec eux et auquel le public libanais n’est pas habitué’’.
Au terme d’une heure et demie de concert, les quelque quatre-cents spectateurs semblent s’être laissé envoûter par ce cocktail détonnant. ‘‘C’est la première fois que je voyais les deux frères sur scène, c’est très inventif’’ indique Rana, Tunisienne installée depuis trois ans au Liban pour qui le nom des Khalifé évoque davantage le oud et la voix du père. ‘‘J’aime beaucoup la musique de Marcel, ses inspirations culturelles et poétiques, complète sa fille Eya, 22 ans. Ses fils sont pour moi ses héritiers, ils s’inscrivent dans sa continuité’’. Pour l’occasion, l’intéressé avait pris place dans le public. ’’C’était génial. J’aime la musique mais je ne peux pas l’expliquer, il faut l’écouter, réagit Marcel Khalifé. Ce soir, c’était un concert entre deux frères, le père était là pour rester assis dans la salle’’, balaie-t-il soucieux de rester dans l’ombre le temps du récital.
Le 30 juin, Marcel Khalifé sera face au public en compagnie de Rami à Beitmisk pour le Summer Misk Festival. Il pourra alors s’exprimer. Sur scène et en famille.