La bataille d’Alep annoncée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, depuis presque un mois est désormais engagée. Avec la reprise par le régime et ses alliés des fermes al-Mallah, puis de la zone dite du Castello et du croisement de Layramoun et enfin du quartier de Bani Zeid, l’étau s’est totalement resserré autour des combattants retranchés dans le secteur est et sud-est de la ville.
Des couloirs sécurisés ont été aménagés pour permettre aux 100 000 habitants qui résident encore dans ces lieux de s’en aller. Les chaînes de télévision ont d’ailleurs montré hier des files de civils quittant la ville à travers ces passages gardés ouverts dans ce but. De même, le ministère russe de la Défense a annoncé qu’une voie a été laissée ouverte pour permettre aux combattants qui le désirent de se rendre avec leurs armes. Il est clair que les forces du régime et leurs alliés ont voulu cette fois éviter d’avoir tous les médias et les organisations internationales à dos parce qu’ils sont sur le point de reprendre le contrôle d’une ville à la fois stratégique et symbolique.
Ce qui avait commencé comme une offensive pour reprendre le contrôle par le feu des routes de ravitaillement stratégique des rebelles à partir de la Turquie s’est désormais transformé en contrôle réel et physique de toutes les entrées de la ville. Selon toute probabilité, il n’y aura pas d’invasion militaire, mais un encerclement systématique qui devrait aboutir à un règlement sous l’égide de l’Onu, dans le style de celui qui avait permis en 2015 la reprise par les forces du régime du dernier quartier de la ville de Homs, al-Waër, restée entre les mains des rebelles. Selon une source proche de l’armée syrienne, lorsque les médias proches des rebelles commencent à parler de catastrophe humanitaire, c’est qu’ils cherchent à détourner l’attention de l’opinion publique internationale d’une défaite imminente. Hassan Nasrallah a évoqué cette question dans son dernier discours, affirmant que l’encerclement des derniers quartiers d’Alep encore entre les mains des rebelles est un tournant stratégique dans la guerre en Syrie et montre que le rêve turc d’établir une zone d’influence dans le nord de la Syrie est cette fois bel et bien mort.
Avec la fermeture des chemins de ravitaillement des rebelles en armes, munitions et combattants à partir de la Turquie, c’est une page de la guerre en Syrie qui dure depuis cinq ans qui se tourne. Car les plus importantes interventions étrangères dans la guerre syrienne se sont faites par la frontière turque. En coupant les liens entre la Turquie et les rebelles, le régime syrien et ses alliés marquent un point important, car ils privent les combattants de l’opposition des aides qui leur venaient de l’étranger. Avec la sécurisation d’une grande partie de la frontière libanaise depuis la reprise par le régime syrien et le Hezbollah de Qousseir puis du Kalamoun, il ne reste plus que l’Irak et la Jordanie comme voies possibles pour aider les rebelles. Or, en Irak, la guerre est déclarée entre l’armée et les groupes islamistes. Il ne reste donc plus que la Jordanie. Les médias occidentaux parlent d’ailleurs de la possibilité de lancer une vaste offensive contre le régime à partir du Sud, notamment à Deraa et dans les zones proches du Golan, mais la fragilité de la situation intérieure jordanienne empêche le royaume hachémite de s’impliquer trop ouvertement dans le conflit syrien…
La guerre en Syrie est certes loin d’être terminée, mais depuis le déclenchement de cette nouvelle offensive à Alep, les forces du pouvoir et leurs alliés affichent une grande confiance dans l’avenir. Le président syrien Bachar el-Assad a annoncé une amnistie pour les éléments armés qui souhaitent se rendre aux forces du régime, dans ce qui ressemble à un début de victoire. D’ailleurs, des personnalités libanaises qui ont rencontré récemment le président syrien rapportent sa satisfaction face aux derniers développements. Il aurait même déclaré devant ces personnalités que les Russes sont des alliés sûrs, ajoutant que toutes les décisions sont prises d’un commun accord avec eux. Il aurait aussi parlé de l’attitude des Européens à l’égard de son pays, révélant que de nombreux États européens cherchent à rétablir les relations sécuritaires avec la Syrie, mais que celle-ci exige en même temps le rétablissement des relations diplomatiques et politiques. Les personnalités libanaises qui ont rencontré récemment le président syrien précisent que ces développements n’auraient probablement pas été aussi rapides sans le récent rapprochement entre le président turc Erdogan et Vladimir Poutine. Les deux hommes doivent d’ailleurs se rencontrer le 9 août. Selon ces mêmes personnalités, le président russe souhaiterait aller vite en Syrie pour créer un fait accompli avant l’élection présidentielle américaine en novembre. La reprise du contrôle d’Alep par le régime devrait donc constituer un changement stratégique dans la donne syrienne et dans le rapport des forces régional. Mais cela ne voudra pas nécessairement dire que les dossiers régionaux en suspens pourraient se diriger vers un règlement. Au contraire, cette nouvelle donne pourrait aboutir à un durcissement des positions. Le dernier discours du secrétaire général du Hezbollah, assez violent contre les dirigeants saoudiens (tout en laissant toutefois une petite porte ouverte…), pourrait être considéré comme un indice dans ce sens