Le CPL : manifester pour exister

Selon toute probabilité, la séance consacrée à l’élection d’un président prévue le 28 septembre connaîtra le même sort que les précédentes, les différentes parties libanaises n’ayant toujours pas réussi à s’entendre sur un package deal qui favoriserait un déblocage politique.

Mais cette fois, le CPL est décidé à ne pas rester les bras croisés face à ce qu’il considère comme une politique délibérée d’exclusion. Le siège central du parti connaît une animation annonciatrice de mouvements populaires, même si les détails du plan d’action sont gardés secrets pour maintenir l’effet de surprise. Les partisans du CPL sont gonflés à bloc et ils veulent montrer à tous ceux qui avaient annoncé des scissions au sein du parti, ou l’affaiblissement de la motivation des militants, qu’ils sont plus décidés que jamais à défendre leur conception du partenariat politique, dont le droit à élire un président représentatif de sa communauté, tout en ayant une assise nationale. Ils veulent aussi montrer à ceux du camp adverse qui ont tendance à tourner en dérision la volonté du CPL de recourir à la rue que leur mouvement de protestation n’est pas une goutte d’eau dans la mer mais qu’il contribue, au contraire, à discréditer encore plus un pouvoir de plus en plus isolé. Chez les militants, on ne se demande plus à quoi va servir le mouvement de protestation populaire, mais pourquoi il a tellement tardé, face à l’arrogance d’un système et d’une partie de la classe politique qui ne veut absolument pas tenir compte de la volonté des autres partenaires.

« Qu’on ne nous demande pas pourquoi nous descendons dans la rue, mais pourquoi on nous y a poussés. »
Telle est la phrase qui revient souvent chez les militants. Ceux-ci ne cachent pas leur irritation face au refus de l’autre camp de toutes les propositions qu’ils ont avancées. Pour ces militants, c’est une injustice de réduire le combat politique du général Michel Aoun à la seule volonté d’être élu à la présidence. Selon eux, tout ce que propose « le général » est immédiatement rejeté, qu’il s’agisse de la volonté de procéder à des nominations administratives ou militaires, comme le veut le cours normal de la vie publique, ou de l’exigence de l’adoption d’une nouvelle loi électorale qui soit plus juste pour toutes les composantes du tissu social libanais, ou encore de la volonté d’instaurer de la transparence dans la gestion des différents dossiers. À chaque fois que Michel Aoun faisait une proposition, elle était aussitôt rejetée sans avoir été examinée. Plus encore, alors que les différentes parties maintiennent un dialogue, même pour la forme, entre elles, le courant du Futur refuse d’ouvrir publiquement un dialogue avec Aoun, comme si le fait de discuter avec lui était déjà considéré comme une concession, alors que cela devrait être l’attitude normale entre les différents partis et courants politiques. Et quand des contacts ont lieu, ils sont gardés secrets ou entourés d’un flou suspect, perçu par la base aouniste comme une volonté de porter atteinte à la crédibilité de leur chef. Les militants considèrent aussi que la violence des attaques dont ils sont la cible est injustifiée, tout comme la condescendance dont font preuve à leur égard certains leaders ou figures politiques. Ils se sentent ostracisés et pratiquement considérés comme « un ennemi à abattre » alors qu’ils ne sont pas impliqués dans des affaires de corruption. Ils n’appuient pas non plus des terroristes et n’ont pas d’alliances cachées qui pourraient nuire au Liban. Ils ne sont qu’un parti qui réclame la transparence et le partenariat et pourtant ils sont traités comme des trublions voire comme des militants infréquentables. Selon eux, rien ne justifie le rejet dont ils font l’objet et qui n’est pas seulement le fait des adversaires politiques, mais aussi celui des alliés présumés, comme le président de la Chambre Nabih Berry et le chef des Marada Sleiman Frangié.

Pour les militants aounistes, vouloir que « le général » soit élu à la présidence est légitime, d’autant qu’il est à la tête du plus grand bloc parlementaire chrétien à l’Assemblée, sans parler de son assise populaire élargie. En même temps, Aoun a proposé plusieurs formules qui vont de l’adoption d’une loi électorale et l’organisation d’élections législatives avant l’élection présidentielle jusqu’à l’élection d’un président de la République au suffrage universel. Personne n’a pris la peine d’examiner ces propositions. En même temps, le courant du Futur est en train de donner des signaux contradictoires. D’une part, certains indices montrent que Saad Hariri pourrait accepter un accord qui amènerait Aoun à Baabda, moyennant son propre retour au Sérail, et d’autre part, des ténors de ce courant annoncent qu’il n’acceptera jamais d’élire Aoun à la présidence. Ce qui signifie, pour la base aouniste, que le blocage vient d’un problème interne au Futur. L’attitude condescendante, voire méprisante, de certaines parties politiques à son égard et le refus de discuter franchement et avec responsabilité des dossiers en suspens ne laissent donc plus au CPL d’autre choix que celui de descendre dans la rue. Il s’agit désormais pour lui d’une bataille destinée non seulement à faire entendre sa voix, mais aussi à rappeler à tous ceux qui veulent l’oublier qu’il existe. C’est pourquoi, toujours selon les militants, il n’est plus possible de revenir en arrière