Des milieux diplomatiques craignent une explosion prochaine sur le plan militaire qui viendrait pourfendre le climat de stabilité dans le pays, en raison de l’escalade du discours politique sur le plan local et régional, notamment au lendemain de la menace lancée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, contre Israël, et la riposte du représentant d’Israël à l’ONU, Dany Danon.
Pour Tel-Aviv, les positions de Hassan Nasrallah représentent en effet une menace claire visant les intérêts vitaux en Israël, surtout en ce qui concerne la portée de ses missiles, qui peuvent atteindre le réacteur nucléaire de Dimona, les plateformes de prospection du gaz et les navires transportant du pétrole. Pour ces milieux diplomatiques, l’échange qui s’est produit la semaine dernière a provoqué un regain de tension à la frontière. La confrontation est désormais inéluctable, estiment-ils. Chacun des deux camps se garde cependant de décider du timing et du lieu de la confrontation, refusant que celle-ci lui soit imposée.
Les positions du secrétaire général du Hezbollah ont laissé des séquelles en Israël, si bien qu’il a fallu que plus d’un responsable lui réponde. L’impact s’est également fait ressentir au plan intérieur, aux niveaux politique et économique, avec l’apparition d’une crainte liée à l’effondrement du compromis présidentiel et de l’équilibre précaire qui s’en est suivi. Cette crainte porte aussi sur une déstabilisation, avec le blocage des tentatives d’ouverture sur le monde arabe initiées par le régime et une renonciation des investisseurs à se rendre au Liban. L’élan qui portait le régime Aoun a donc été quelque peu enrayé, surtout en ce qui concerne le climat positif instauré avec l’Arabie saoudite et les pays arabes en général, notamment après la visite du président de la République à Riyad et celle de l’émissaire saoudien Thamer el-Sabhan à Beyrouth.
Ce n’est pas un hasard si le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), Mohammad Choucair, a estimé hier que les positions du secrétaire général du Hezbollah « ont ramené à zéro » les relations du Liban avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Des milieux des Forces libanaises expriment leur étonnement face à la campagne surprenante initiée par Hassan Nasrallah contre l’Arabie, qui a tout l’air d’une déclaration de guerre en bonne et due forme. Pour atténuer quelque peu la force de ces positions, une source ministérielle estime que le secrétaire général du Hezbollah n’a pas voulu adresser de messages aux parties intérieures ou au régime, mais à l’extérieur, à la lumière des développements en Syrie et de l’arrivée de l’administration Trump au pouvoir. Le ton vise donc à minimiser la démarche du leader du Hezbollah au plan local, et à ne pas lier ses propos au bras de fer en cours sur la loi électorale ou aux forces politiques qui soutiennent le mandat et les nouvelles alliances politiques.
Cependant, certains milieux politiques proches de l’alliance de Meerab n’écartent pas la possibilité que Hassan Nasrallah ait voulu adresser des messages aux parties libanaises, d’autant que son escalade intervient après la visite de l’émissaire Sabhan et celle du chef de l’État en Arabie saoudite, toutes deux à succès. Les responsables saoudiens avaient reçu à ces deux occasions des messages selon lesquels ils ne seraient plus la cible d’attaques à partir du Liban, notamment de la part du Hezbollah – un point qui ferait partie intégrante du consensus interlibanais sur la présidentielle.
Les dernières positions de Donald Trump au sujet de l’Iran, ainsi que les développements sur la scène syrienne après la conférence d’Astana et l’unilatéralisme russe concernant ce dossier, ont fortement influencé les positions de Hassan Nasrallah, qui suit minutieusement un agenda iranien, sans prendre en considération les intérêts du Liban et des Libanais. Ainsi, plusieurs conférences prévues au Liban avec la participation d’investisseurs arabes pourraient être annulées en raison des propos du leader du Hezbollah et du communiqué du président de la République. Ce qui pousse certains à faire la comparaison avec la situation de juillet 2006 et les tristement célèbres propos de Hassan Nasrallah au sujet de la guerre : « Si j’avais su… ». Si bien qu’un ancien responsable estime que la réaction israélienne à ces propos et le communiqué de Baabda suggèrent qu’une frappe se prépare contre le Hezbollah avant l’éclatement d’une guerre globale contre le Liban.
Des sources gravitant dans les milieux du Hezbollah estiment pour leur part que Hassan Nasrallah visait en fait à adresser un message virulent à l’encontre de l’administration Trump, dont la teneur est que le parti pourrait désormais prendre pour cible des intérêts américains dans la région en frappant Israël. De plus, le ton dur vis-à-vis de Tel-Aviv viserait à placer des lignes rouges face à M. Trump et son équipe contre toute action menaçant le Liban ou la présence du Hezbollah en Syrie. Les propos du secrétaire général du Hezbollah – et ceux du président Aoun concernant la légitimité des armes du Hezbollah en tant que résistance complémentaire à l’armée – ont été suivis de positions internationales appelant à l’adoption d’une stratégie de défense au Liban et au respect des résolutions internationales. Elles ont également été suivies de condamnations israéliennes et de mises en garde contre le Liban, ainsi que du communiqué du président de la République à l’encontre de l’État hébreu. Le Premier ministre Saad Hariri a remis pour sa part la position libanaise dans son contexte vendredi dernier en Conseil des ministres, soulignant l’importance du triptyque entre l’État, les Arabes et la résolution 1701, qui immunise le Liban contre les dangers en provenance de l’extérieur et qui constitue le pilier de la politique suivie par Baabda et le Grand Sérail. Le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, a lui aussi fait paraître sa propre mise au point, affirmant que l’armée est capable de protéger le pays et de garantir la sécurité des prochaines élections législatives.
À la lumière de tous ces développements, des sources diplomatiques n’excluent pas un acte militaire qui pourrait viser le Hezbollah en Syrie. Si ce dernier répond par une opération contre Israël, Tel-Aviv répondra par une guerre contre le Liban, justifiant cela par les dernières positions de l’État et du Hezbollah. D’où l’appel de parties internationales soucieuses de préserver le compromis présidentiel et la stabilité en respectant le principe de distanciation adopté par le chef de l’État dans son discours d’investiture, et en adoptant au plus vite une stratégie de défense pour profiter des capacités du Hezbollah au service de l’État.