Aoun à Riyad puis Doha, deux étapes incontournables pour réchauffer les relations libano-arabes

Le président de la République Michel Aoun s’apprête à prendre ses marques en matière de diplomatie régionale, puisqu’il est attendu dès la semaine prochaine à Riyad puis à Doha, deux capitales incontournables avec lesquelles les relations avaient été mises à mal depuis plus d’un an. En effet, la politique de distanciation du Liban pratiquée lors du dernier sommet arabe réuni en urgence au Caire – à la suite de l’attaque à Téhéran de l’ambassade d’Arabie saoudite – a largement perturbé les relations libano-saoudiennes. Son double impact, politique et économique, s’est fait ressentir de manière accrue, puisque, d’une part, aucun successeur à l’ambassadeur d’Arabie saoudite Ali Awad al-Assiri n’a été nommé après le retour de ce dernier à Riyad, et, d’autre part, depuis un an les ressortissants des pays du Golfe se sont vus « conseiller » d’éviter le Liban comme destination touristique, avec les conséquences économiques que l’on connaît.

À l’agence al-Markaziya, le ministre de l’Économie et du Commerce Raed Khoury a affirmé hier que l’Arabie est « le premier pays à avoir invité le président à effectuer une visite à l’étranger ». Il a ajouté que « les deux pays sont frères et il nous importe de redynamiser des relations qui ont récemment été assez froides, même si elles n’ont jamais été interrompues ». M. Khoury a confié que des entretiens sont prévus avec le roi Salmane ben Abdel Aziz, mais aussi avec un certain nombre d’hommes d’affaires saoudiens et libanais. « Nous allons faire en sorte que les ressortissants du Golfe reviennent au Liban. M. Aoun a toujours eu cela à cœur, et aujourd’hui, le climat y est favorable, ce qui nous permet d’affirmer que cette visite aura un impact positif sur les deux pays. »

Le retour des ressortissants arabes en ces temps de stagnation financière représenterait pour Beyrouth une manne inespérée. D’autre part, et sur le plan diplomatique, la visite de M. Aoun à Riyad pourrait peut-être entraîner la nomination d’un nouvel ambassadeur saoudien à Beyrouth. Certains milieux informés pensent qu’il pourrait s’agir de Thamer al-Sabhan, actuellement ministre d’État pour la Région du Golfe, et ancien ambassadeur saoudien en Irak.

Pratiquement, le soutien apporté par le président du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, à Michel Aoun, et la validation de sa candidature par Saad Hariri permettent au président élu de se rendre à Riyad avec un capital sympathie non négligeable. Preuve en est, et dès l’annonce de l’élection de Michel Aoun, Riyad a dépêché à Beyrouth le très influent – et très proche du roi Salmane ben Abdel Aziz – gouverneur de la région de la Mecque, Fayçal ben Abdel Aziz. Une manière comme une autre « d’adouber » le nouveau président, alors même que le royaume s’était auparavant clairement distancié du processus destiné à rendre possible l’élection d’un nouveau chef de l’État au Liban, après plus de deux années de vacance présidentielle.

L’Arabie, bien que parfaitement consciente de l’étroite relation qui existe entre M. Aoun et le Hezbollah, entend bien peser de tout son poids pour tenter de rééquilibrer les rapports avec la nouvelle présidence libanaise. De son côté, Michel Aoun a déclaré hier que cette visite a pour objectif de développer les relations entre les deux pays à plus d’un niveau, raison pour laquelle un nombre important de ministres vont l’accompagner à Riyad. Des propos en ce sens ont été tenus alors qu’il recevait à Baabda le consul libanais à Djeddah Ziad Atallah ainsi qu’une délégation d’hommes d’affaires libanais basés en Arabie. De nombreux projets communs aux deux pays attendent de voir le jour, a affirmé M. Aoun, « et cela nécessite coopération et collaboration » entre Beyrouth et Riyad. M. Atallah a estimé de son côté que la visite présidentielle permettra aux expatriés libanais en Arabie « d’ouvrir une nouvelle page (…) et de se sentir à nouveau sereins » quant à leur présence dans le royaume.

Au Sérail, M. Atallah a rappelé que le Liban bénéficie désormais d’un nouveau consulat à Djeddah, un imposant bâtiment érigé grâce aux contributions d’hommes d’affaires libanais et saoudiens, estimé à 15 millions de dollars, « ce qui en fait la mission la plus importante du Liban à l’étranger » (…). « Nous espérons que les relations entre le Liban et l’Arabie saoudite retrouveront leur statut antérieur et que les ressortissants saoudiens seront autorisés à venir au Liban », a souligné le consul libanais.

Saad Hariri a pour sa part tenu à s’adresser aux représentants de la communauté libanaise en ces termes : « Votre présence dans le Golfe est importante et vitale pour le Liban. Vous avez payé à un moment donné le prix de certaines pratiques politiques, mais cette division est finie, et je vais faire mon possible pour que cela ne se reproduise plus. Le pays aujourd’hui se porte mieux, politiquement et même psychologiquement, et nous espérons que cela se reflétera positivement à tous les niveaux. Je considère la visite du président Michel Aoun en Arabie saoudite importante, surtout que le royaume y attache également beaucoup d’importance (…). Le président a également voulu que ce soit sa première visite à l’étranger, et cela se reflétera positivement sur vous, espérons-le. »

Aoun convié au sommet arabe à Amman
C’est dans ce contexte que le ministre jordanien des Affaires étrangères Nasser Judeh est arrivé hier à Beyrouth afin de remettre au président de la République une invitation écrite du roi de Jordanie Abdallah II à prendre part au 28e sommet de la Ligue arabe qui doit se tenir à Amman le 29 mars prochain. Depuis le salon d’honneur de l’aéroport, M. Judeh a déclaré d’emblée que « la participation de Michel Aoun au sommet arabe sera de nature à enrichir le sommet ». À Baabda, le ministre jordanien des AE a remis sa missive à M. Aoun, soulignant que la présence du chef de l’État au sommet arabe aura « un énorme impact sur les travaux du sommet et son succès ». Le président a quant à lui mis l’accent sur « l’importance des relations libano-jordaniennes », mais également sur la nécessaire collaboration entre les pays arabes « pour lutter contre le terrorisme et en traiter les causes ».

Nasser Judeh s’est également rendu hier au Sérail où il a remis au Premier ministre Saad Hariri une invitation similaire à prendre part au prochain sommet arabe. Le ministre jordanien a fait part, à l’issue de son entretien avec M. Hariri, de « son espoir certain de voir le Liban recouvrer sa force et jouer le rôle qu’il mérite ».