Le président Recep Tayyip Erdogan a évoqué dimanche soir un possible rétablissement en Turquie de la peine capitale, officiellement abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d’adhésion d’Ankara à l’Union européenne, afin de lutter contre le “virus” factieux.
“En tant que gouvernement et en tant qu’Etat, nous connaissons et entendons cette demande qui est la vôtre. Nous ne pouvons pas ignorer votre demande”, a répondu le chef de l’Etat à des sympathisants qui réclamaient l’exécution des putschistes.
“Je pense que notre gouvernement va en discuter avec l’opposition et qu’une décision sera sans aucun doute prise”, a-t-il ajouté dans un discours à Istanbul.
Il répondait à une foule qui scandait “Nous voulons la peine de mort”, après des obsèques de victimes du putsch raté de la nuit de vendredi à samedi, sur la rive asiatique d’Istanbul.
“En démocratie, la décision, c’est ce que veut le peuple”, a ajouté le chef de l’Etat turc. “Nous ne pouvons pas trop retarder cette décision car dans ce pays ceux qui mènent un coup contre l’Etat sont dans l’obligation d’en payer le prix”.
Un rétablissement de la peine de mort en Turquie serait contraire aux critères d’adhésion d’Ankara à l’UE. Les discussions entre Ankara et Bruxelles sur une adhésion sont enlisées depuis des années.
Les autorités appellent la population à rester mobilisée
Trois jours après le coup d’Etat avorté, les autorités turques ont également appelé la population à rester mobilisée tout en multipliant les arrestations dans l’armée et la justice, sous le regard inquiet des pays occidentaux.
Plusieurs milliers de personnes se sont ainsi à nouveau rassemblées dans la nuit de dimanche à lundi sur la place Taksim, à Istanbul, ou sur la place Kizilay, à Ankara, afin d’apporter leur soutien au président Recep Tayyip Erdogan, qui a pour sa part réitéré son appel à descendre dans la rue malgré la mise en déroute des putschistes.
“Le jour, allons travailler. Le soir, après le travail, poursuivons notre veille sur les places publiques”, a renchéri le Premier ministre turc Binali Yildirim devant la foule dans la capitale.
Les coups de filet continuent dans l’armée
Parallèlement, mettant à exécution ses menaces de faire payer “le prix fort” aux rebelles, le pouvoir a fait procéder dimanche à des interpellations en chaîne.
Au total, quelque 6.000 militaires ont déjà été placés en garde à vue et près de 3.000 mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs, après la tentative de coup d’Etat déclenchée vendredi soir qui a officiellement fait au moins 290 morts, dont plus de 100 putschistes.
103 généraux et amiraux en garde à vue
Cent trois généraux et amiraux turcs ont été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur le putsch manqué, a rapporté lundi l’agence de presse progouvernementale Anadolu.
Selon l’agence, qui dresse une liste détaillée de leurs noms, ces officiers supérieurs proviennent de l’armée de l’air, de terre, de la Marine et des quatre coins du pays.
D’après le quotidien Hürriyet, des officiers ont également été arrêtés sur la base aérienne d’Incirlik (sud), utilisée par la coalition internationale menée par les Etats-Unis pour ses raids contre les takfiristes en Syrie et qui a rouvert dimanche.
Et des “affrontements entre les forces de sécurité et des insurgés résistant à leur arrestation” ont eu lieu dans une autre base importante, celle de Konya (centre), a déclaré un responsable turc.
Près de 9.000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur limogés
Et puis, près de 9.000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur turc ont été limogés après la tentative de coup d’Etat manquée, a rapporté lundi l’agence de presse progouvernementale Anadolu.
Au total, 8.777 personnes, dont 30 cadres, ont été écartées, selon Anadolu qui cite le ministère de l’Intérieur.
Plus de 7.500 personnes en garde à vue
De son côté, le Premier ministre Binali Yildirim a indiqué lundi que plus de 7.500 personnes ont été placées en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur le putsch manqué en Turquie.
Sur les 7.543 suspects en garde à vue figurent notamment 6.038 militaires, 755 magistrats et 100 policiers, a précisé le chef du gouvernement turc, qui a également fait état de 208 “martyrs”, donc d’un bilan total d’au moins 308 morts dans la nuit du putsch manqué.
L’UE et les Etats-Unis appellent Ankara à respecter l’Etat de droit
Yildirim a en outre assuré que les putschistes devraient “rendre des comptes”, mais “dans le cadre du droit”, à l’issue d’un conseil des ministres à Ankara.
“Nous allons demander des comptes pour chaque goutte de sang versée”, a promis M. Yildirim, soulignant toutefois qu’Ankara allait “agir dans le cadre du droit”, alors que l’UE et les Etats-Unis venaient d’appeler la Turquie à respecter l’Etat de droit.
Le secrétaire d’Etat américain a dans ce contexte appelé Ankara présenter “des preuves, pas des allégations” contre l’opposant Gülen, accusé par Erdogan d’être derrière la tentative de putsch.
Réintroduire la peine de mort serait “la fin des négociations d’adhésion” à l’UE
La réintroduction en Turquie de la peine de mort, évoquée dimanche par le président Recep Tayyip Erdogan après le putsch raté, serait “la fin des négociations d’adhésion” d’Ankara à l’UE, a également déclaré lundi le porte-parole du gouvernement allemand.
Steffen Seibert a par ailleurs dénoncé les “scènes révoltantes d’arbitraire et de vengeance” perpétrées à l’encontre de soldats soupçonnés d’avoir participé au putsch contre M. Erdogan.