Ce pays n’est pas que fête et paillettes, ou guerre et souffrance : on trouve au-delà de Beyrouth des havres de beauté, où l’hospitalité libanaise commence trouver ses marques. Une autre manière de découvrir le pays des cèdres, des grottes et des ruines romaines.
A l’heure zénithale, par une chaleur accablante, la poussière de la ville et la violence blanche du soleil rapetissent les colonnades de 20 mètres de haut, les plus hautes de l’Empire romain. Mais, aux petites heures du matin, ou à l’approche du crépuscule, quand le silence retombe, quand les klaxons s’espacent et qu’on entend plus qu’un aboiement perdu dans les faubourgs,le site s’ouvre comme un poème virgilien qui célébrerait la toute-puissance de Rome.
Nous sommes à 100 kilomètres de la frontière syrienne. Si près d’une guerre civile aux proportions cataclysmiques dont on n’entend même pas la rumeur. Et c’est là que se dressent les ruines monumentales de la cité du Soleil, dédiée au roi des dieux. Ce site légendaire n’est pas, comme Palmyre, une cité solitaire au milieu d’un désert. Il n’émerge pas des sables comme un mirage archéologique caché sur les routes de l’Orient. Autour de Baalbek, la ville fait son tapage.
On voit des mosquées chiites, sunnites et des églises chrétiennes. Chacun manifeste sa présence, notamment les chiites, qui rendent un culte voyant à un descendant d’Ali. Cette grandeur romaine, vouée à des dieux païens depuis longtemps délaissés, n’est qu’une note en bas de page dans la vie quotidienne d’une population sédentarisée depuis des siècles. Les rares touristes qui vont jusqu’à Baalbek n’y dorment pas. Ils ont peur. Même les habitants de Beyrouth ne s’y rendent plus.
L’armée islamique est si proche, pensent-ils. Alors ils se pressent au milieu de la journée sous un soleil de plomb pour repartir aussitôt vers Beyrouth, non sans faire escale à Ksara, pour visiter le plus grand vignoble du pays créé par des pères jésuites. La guerre syrienne, la peur du Hezbollah, qui contrôle la ville, ont mis en quarantaine toute une région du Liban. Quelques originaux descendent encore dans le seul hôtel qui se trouve situé devant les ruines. Il a justement été baptisé Le Palmyre, en hommage à la cité où régna Zénobie.
Aussi vénérable au Proche-Orient que Le Baron à Alep, en Syrie. Aujourd’hui, Le Palmyre est une vieille chose poussiéreuse, un camaïeu de couleurs éteintes entre le grège et le gris, une collection de meubles décatis et de vieilles photographies. Il attend son Jacques Garcia pour renaître de ses cendres, son Frédéric Mitterrand pour en psalmodier la légende sur France Télévisions. Le maître d’hôtel, un octogénaire immarcescible, raconte dans un filet de voix la litanie des célébrités qui sont venus s’agenouiller devant les ruines.
Il est lui-même fantomatique dans la pénombre de la grande salle à manger aux volets clos. La propriétaire des lieux, Rima al-Husseini, avocate volubile, dont l’époux est une figure importante d’une famille chiite locale, nous y accueille dans l’excitation générale, en jean délavé et chemise blanche. Elle nous montre le livre d’or, rempli des paraphes de tous les princes d’Europe. C’était l’époque où sévissait en Occident la fièvre des ruines: Pompéi, Baalbek et Palmyre étaient les passages obligés d’une …
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