« Je viens chez vous avec la loi pour la restitution de la nationalité et la prochaine fois, je viendrai avec une loi qui vous permettra de choisir vos représentants au Parlement. » Au cours de ses multiples étapes australiennes et néo-zélandaises, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a réitéré cette promesse aux émigrés. Il a même affirmé qu’il compte réclamer une vingtaine de sièges pour les Libanais de la diaspora, au lieu des six dont il a été question dans les médias. Pour lui, il serait préférable de revenir au chiffre de 108 députés prévu initialement dans l’accord de Taëf auquel seraient ajoutés vingt députés de la diaspora, puisque les Libanais résidant au Liban sont largement inférieurs en nombre à ceux qui vivent à l’étranger. Et si l’on veut vraiment resserrer les liens entre les deux, il faut à ses yeux donner aux émigrés le droit d’intervenir dans la vie politique libanaise, un peu selon le modèle français.
Même si le ministre est actuellement plongé dans des dossiers plus urgents, celui-ci lui tient à cœur, car il s’inscrit dans l’objectif qu’il s’est fixé au ministère de pousser les Libanais d’origine à retrouver leurs racines et à investir au Liban. À ce stade, Gebran Bassil peut d’ailleurs s’estimer satisfait du résultat de ses tournées successives à la rencontre des émigrés d’origine libanaise, puisque selon la Fondation maronite dans le monde, le mouvement d’enregistrement des Libanais d’origine dans les consulats à l’étranger a connu une hausse, en particulier chez les chrétiens. C’est la représentante de cette organisation à Sydney, Fadia Ghossein, qui l’a affirmé au cours d’un déjeuner donné en l’honneur du ministre, en présence de notables d’origine libanaise établis à Sydney.
Depuis l’adoption de la loi sur la restitution de la nationalité, il y aurait eu près de 2 000 demandes enregistrées auprès de la Fondation maronite mondiale en Australie, celle-ci se chargeant de faciliter les formalités. Mais dans les villes où elle n’a pas de bureaux, ce sont les consulats qui tentent de faire ce travail directement. Et lorsqu’il n’y a pas de consulat, comme c’est le cas à Wellington (en Nouvelle-Zélande) ou à Adélaïde (Australie), c’est le consul honoraire qui se charge de la procédure…
D’ailleurs, la communauté libanaise est différente, selon les villes. À Sydney, la grande ville australienne, elle est élégante et socialement bien cotée. Les Libanais qui vivent dans cette ville ont leur importance dans tous les secteurs de production et leurs moyens sont ainsi plus importants. Pour accueillir le ministre Bassil, ils ont mobilisé de véritables équipes et préparé un programme, où il y avait même un déplacement en bateau dans le superbe port de la ville. Ils voyagent aussi souvent et ont maintenu des liens concrets avec le Liban. Ce n’est pas le cas des Libanais de Brisbane ou de Perth, qui vivent dans la nostalgie du pays, mais un Liban qui ressemble à leurs souvenirs, figé dans le temps. Dans ces villes éloignées du centre politique ou économique d’Australie, les Libanais ont des airs de notables de province, noyés dans une routine confortable et ils considèrent la visite du ministre des Affaires étrangères comme l’événement de l’année.
À Melbourne, la ville la plus européenne d’Australie, les Libanais s’occupent d’affaires mais aussi de culture. Leur émotion est réelle en parlant du Liban, mais ils ne cachent pas leur attachement à cette ville qui, disent-ils, leur a beaucoup donné. L’ambiance est encore totalement différente à Adélaïde, cette ville du sud de l’Australie, à la fois proche de l’océan et du désert central, qui ressemble aux villes californiennes. Les Libanais ont l’air d’y être constamment en vacances, tant elle semble éloignée du stress des grandes cités, avec ses grandes artères, ses maisons avec jardinet et le nombre réduit de ses immeubles.
Mais où qu’ils soient et quelles que soient leurs conditions sociales, les Libanais d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont eu tous le même élan pour accueillir le ministre des Affaires étrangères. Ceux dont les parents ont émigré et ceux qui ont émigré au début de la guerre aussi bien que ceux qui ont quitté le Liban plus récemment, tous ont la même émotion en parlant du Liban. Même chez ceux qui n’y sont pas retournés depuis des années, la plaie du départ est encore ouverte. Si pour certains le ciel de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande a été clément, pour d’autres, il a fallu consentir de nombreux sacrifices et faire tous genres de travaux avant d’atteindre un niveau social acceptable. Mais aucun d’eux ne garde rancune au Liban. Au contraire, ce pays reste pour eux un ancrage et un phare. Et c’est précisément sur ce sentiment que mise Gebran Bassil pour les empêcher de tourner définitivement la page du Liban. « Ce pays a besoin de vous, leur a-t-il dit. Je ne vous demande pas d’y revenir, mais ne l’abandonnez pas non plus. »
Un appel qui apparemment trouve un écho positif chez ces Libanais du bout du monde…