Gestion des déchets au Liban : entre crises environnementales et sanitaires et possibles solutions (2/2)

Le 3 avril dernier, Odiaspora.org vous proposait un reportage sur les risques sanitaires et environnementaux causés par l’absence au Liban d’infrastructures adaptées à la gestion des déchets. Odiaspora.org met aujourd’hui la lumière sur un fléau environnemental des plus dangereux: les millions de sacs plastiques disséminés à travers tout le territoire libanais.

Parce que le Liban n’est ni la Suisse, ni la Suède, Odiaspora.org a enquêté dans ce deuxième volet sur des solutions adaptées au contexte politico-économique libanais.

Enquête sur un fléau environnemental, mais pas irréversible.

La prolifération des sacs plastiques dans la nature est un fléau qui touche les différentes régions du Liban. Cette triste réalité est due à plusieurs facteurs : d’une part la grande consommation des sacs plastiques au sein de la population ; d’autre part le manque de revalorisation et de conscience écologique.

Les sacs plastiques usagés sont jetés dans la nature, ou encore incinérés, causant ainsi la libération de fumée toxique pour l’homme et l’environnement.

Six millions de sacs plastiques dans la nature

Selon l’Agence Universitaire de la Francophonie, qui a organisé en 2012 la journée «Mon écolo heurte ! Stop aux sacs plastiques», le Pays du Cèdre serait submergé par les sacs plastiques. L’agence Universitaire de la Francophonie avance ainsi le chiffre de 6 millions de sacs plastiques distribués annuellement au Liban puis jetés en pleine nature.

Ces millions de sacs plastiques qui mettent de 100 ans à 500 ans à se dégrader, polluant non seulement les plages et les côtes maritimes, mais également les bords de routes et les forêts, tuent chaque année des milliers de poissons, de tortues ou d’oiseaux, qui s’étouffent en les avalants.

Son impact à court et long terme

Les sacs plastiques sont une source de pollution considérable, durant tout leur cycle de vie. Leur production consomme des produits pétroliers, de l’eau, de l’énergie, et émet des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. La fin de vie des sacs plastiques est elle aussi particulièrement nocive pour l’environnement.

En effet, lors des incinérations sauvages qui ont lieu aux bords des routes au Liban,  les sacs à usage unique sont mélangés aux fermentescibles (résidus alimentaires), émettant des dioxines extrêmement cancérigènes.

De plus, 80 % des sacs plastiques au Liban ne sont ni triés ni recyclés : entre 100 et 500 années sont alors nécessaires pour qu’ils puissent se dégrader. Comme ils sont légers, ils ont tendance à s’envoler, et on les retrouve partout dans les milieux naturels : champs, rivières, montagne et mer, où ils contribuent à la dégradation des paysages et à la destruction de la biodiversité.

Une possible seconde vie

On l’a vu précédemment, le sac plastique est très nocif pour l’environnement car, il met entre 100 et 500 ans pour disparaître dans la nature. S’il est incinéré, il dégage des fumées chimiques qui provoquent cancers et maladies respiratoires. Les produits chimiques qui le composent sont également très mauvais pour les sols et le vivant.

Si le recyclage des sacs plastiques usagés à un impact écologique, il subsiste toutefois des alternatives au recyclage, qui se sont développées depuis quelques années. Car le sac plastique est en fait un matériau qu’il faut réutiliser. Partant de ce constat, divers entreprises se sont développées aux quatre coins du monde, utilisant des sacs plastiques comme matière première.

Des associations, labels et ONGs produisent ainsi artisanalement des accessoires de mode et des objets ménagers utilitaires, tels des tapis, des corbeilles, des sacs à main, des trousses, des sacs à dos ou des sacs cabas. Cela permet donc de protéger l’environnement en diminuant la pollution plastique.

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L’ Upcycling de sacs plastiques usagés dans le monde

De tout temps, les artistes des pays en voie de développement, et notamment africains ont su magnifier les plus banals des objets. Récupérer ce qui ne sert plus, valoriser ce qui est fait main et retraiter des matières à partir de déchets …

Les exemples sont nombreux d’artistes, d’associations, de collectifs qui ont intégré l’Upcycling* dans leur vie de tous les jours et qui ont su mettre en avant leur savoir-faire local et traditionnel.

À Accra, capitale du Ghana, les rues sont jonchées des petits sachets en plastique, comme partout en Afrique. Ces sachets vendus dans les boutiques ou à la sauvette dans la rue servent de récipients pour boire l’eau. Très bon marché et pratique, ils sont jetés par terre tout de suite après leur utilisation. C’est alors qu’un entrepreneur anglais, Stuart Gold eut l’idée de fonder une ONG dans le but de nettoyer les rues, les arbres et cours d’eau de ces sachets et créer par la même occasion de l’emploi pour la population.

Ainsi est né Trashy bags qui fabrique aujourd’hui 350 modèles de sacs, porte-monnaie, imperméables … produits à partir des quelques 20 millions de sachets collectés. Trashy Bags encourage les citoyens à leur rapporter les sachets usagés, moyennant 2 £ les 1000 sachets.

Les sachets sont lavés, séchés, aplatis, découpés et finalement assemblés par une soixantaine de tailleurs pour prendre leur aspect final, des accessoires de mode trendy, colorés et uniques.

D’autres ONGs aux quatre coins du monde surfent sur la vague de l’upcycling de sacs plastiques usagés, à l’instar de l’association du Docteur Fatima au Maroc, ou l’association Gafreh au Burkina Faso.

Recyclage du plastique au Liban

Au pays du Cèdre, l’Upcycling de sacs plastiques usagés n’existe pas encore. Ceux-ci sont donc recyclés avec d’autres matériaux en plastique par l’ONG Eco Environment qui les transforme en panneaux «Eco Bord» qui remplacent les panneaux en verre ou en bois et qui durent 500 ans.

A noter que, vingt usines recyclent le plastique au Liban. Certaines le transforment en boîtes ou cageot et d’autres le transforment en granules de plastique qu’elles exportent vers la Chine principalement. Ainsi, la société Lefico recycle 6000 tonnes de plastique. Quant à la Lebanese Recycling Works, elle exporte 8000 tonnes de granules par an.

Depuis quelques années, cinq sociétés recyclent les pneus en caoutchouc et les transforment en tapis qui couvrent les sols des aires de jeux ou les murs.

 

* «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Cet aphorisme que l’on prête à Lavoisier prend tout son sens dans le concept d’ «Upcycling», c’est-à-dire transformer un matériau, quel qu’il soit, en objet qui a de la valeur. En d’autres termes, il s’agit de recycler «par le haut», en produisant des objets dont la qualité est supérieure au matériau d’origine.