Un conteneur en fer sur lequel des inscriptions font état de la présence de matières radioactives, abandonné sur une plage d’Ouzaï (banlieue sud), sème la panique au Liban depuis mardi. Une enquête a été ouverte par les forces de l’ordre pour déterminer la provenance du baril, avec le concours du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), dont la Commission libanaise de l’énergie atomique (LAEC) réglemente toutes les matières radioactives présentes sur le territoire.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Mouïn Hamzé, secrétaire général du CNRS, précise d’emblée que le conteneur trouvé était heureusement intact, et qu’aucune fuite n’a été détectée dans les environs de l’endroit où il avait échoué. Il est actuellement stocké en lieu sûr. « Nous ne savons pas d’où il vient, poursuit-il. Il est clair que ce baril n’est pas entré légalement au Liban, puisque toute matière radioactive importée est nécessairement enregistrée auprès des autorités sous la supervision de la LAEC. Il s’agit donc de ce qu’on appelle une “source orpheline”. Nous pensons qu’il s’agit de matières utilisées dans l’industrie pétrolière, une industrie qui existe dans les pays voisins, mais il peut difficilement s’agir d’un objet qui se serait échoué sur la plage, puisqu’avec ses trente kilos, il aurait coulé. »
Une seule possibilité donc : le trafic de ferraille usagée vendue au Liban comme matière première, et même exportée vers des pays où elle est recyclée. « Ces commerçants de ferraille importent les produits des pays voisins, où il existe des activités pétrolières, des hôpitaux, des usines… explique Mouïn Hamzé. Vu la quantité très importante de matières premières qui est exportée à partir du Liban, on peut facilement en déduire que ces matières ne proviennent pas toutes du marché libanais, mais d’un trafic florissant de contrebande. Nous savons que de grandes zones de stockage de ces ferrailles existent dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila (Beyrouth), ainsi qu’en grand nombre dans la Békaa, dans le Sud et le Nord. »
Le problème se pose quand les commerçants tentent d’exporter les produits. « Toutes les ferrailles destinées à l’exportation sont examinées par la LAEC avant de quitter le territoire, souligne Mouïn Hamzé. En cas de détection de radiations, nous sommes tenus d’empêcher son exportation et de l’acheminer vers notre propre aire de stockage de tels produits, qui est parfaitement sécurisée suivant les normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il est en effet interdit d’exporter toute matière radioactive. Or quand nous découvrons la présence de radiations et demandons des explications aux commerçants sur la provenance des objets, ceux-ci tombent dans l’embarras. »
Selon Mouïn Hamzé, cet état de fait a donné lieu à une situation inquiétante : les commerçants finissent par se munir de détecteurs de radiations, sachant que cela est illégal. Ils découvrent eux-mêmes les produits radioactifs et décident de s’en débarrasser dans la nature, de peur d’être découverts. « Nous leur avons pourtant plusieurs fois demandé de contacter les autorités, leur assurant que personne ne préconise leur pénalisation s’ils déclarent tardivement leur marchandise, mais c’est peine perdue », assure-t-il.
« Prévenir les forces de l’ordre »
Pour limiter les risques, il n’y a donc pas d’autre choix que de s’attaquer à ce trafic illicite. « Si le pire a été évité cette fois, étant donné que le conteneur en fer est resté intact, ce ne sera pas toujours le cas, explique Mouïn Hamzé. Un coup de trop et les fuites seront inévitables. Ce sera alors la catastrophe, pour ces commerçants comme pour toute la société. » Il appelle donc les commerçants à déclarer les objets suspects s’ils en trouvent dans la nature, sans s’en approcher ou les toucher.
Pour ce qui est du conteneur trouvé à Ouzaï, les indications qu’il porte montrent qu’il a été fabriqué aux États-Unis, ce qui ne donne en aucun cas une précision sur sa provenance directe. « Les forces de l’ordre examinent actuellement les caméras pour tenter d’identifier la personne qui l’a déposé là, souligne le secrétaire général du CNRS. Il faut sévir pour une fois, parce que le risque de contamination est bien réel, à tout instant. » Nous avons tenté de contacter les Forces de sécurité intérieure (FSI), sans succès.