Chose promise, chose due. Depuis le printemps, le président de la République avait promis aux Libanais que les décrets d’attribution du droit de commencer les travaux de prospection à des compagnies pétrolières et gazières seraient signés avant la fin de l’année. C’est désormais chose faite. Après des années d’atermoiement, le Liban va commencer à extraire ses ressources pétrolières et gazières en vue de les exploiter. Bien entendu, tous les détails ne sont pas encore réglés et les modalités de fonctionnement du fonds souverain qui devrait être créé pour accueillir les recettes de ce secteur (qui ne devrait commencer à être productif que dans cinq ans environ) n’ont pas été mises au point ainsi que celles de la Compagnie nationale du pétrole et du gaz à la formation de laquelle le chef de l’État tient beaucoup.
Mais au moins, le processus d’exploitation des ressources pétrolières et gazières du Liban a été déclenché par l’attribution de deux blocs à un consortium formé de trois compagnies, Total, la française, Novatek, la russe, et Eni, l’italienne. Même si des interrogations existent sur l’efficacité de la compagnie russe, dans laquelle par ailleurs Total a des parts, l’attribution de l’adjudication a un côté opérationnel et réaliste qui laisse croire qu’il y a une volonté sérieuse de démarrer rapidement les opérations d’exploration et de forage. Selon des sources ministérielles, l’idée principale serait de donner à la compagnie russe la responsabilité du bloc situé au large de Naqoura, les Russes ayant de bonnes relations avec les Israéliens et pouvant donc venir à bout des problèmes éventuels qui pourraient surgir dans le cadre des travaux de prospection. En même temps, la compagnie française se chargerait du bloc du Nord, situé au large de Batroun, ce qui lui permettrait de se rapprocher de la Syrie, sur laquelle elle pose un œil intéressé dans le cadre du chantier de la reconstruction qui devrait s’ouvrir bientôt là-bas. La compagnie italienne devrait avoir un pied dans les deux blocs et, en principe, les travaux de prospection devraient donc commencer dans les plus brefs délais.
C’est une grande première pour le Liban et elle ouvre pour ce pays de nouvelles perspectives économiques. Le dossier du pétrole était d’ailleurs à l’ordre du jour du Conseil des ministres avant le feuilleton qui a commencé avec la démission du Premier ministre à partir de Riyad, le 4 novembre. À ce moment-là, certaines parties avaient estimé que la démission est intervenue à point nommé pour retarder une fois de plus le lancement du dossier du pétrole et du gaz. Ces parties s’étaient même empressées d’affirmer que ce dossier sera désormais reporté aux calendes grecques. Mais c’était compter sans la détermination du chef de l’État et du Premier ministre qui ont sciemment décidé de placer ce dossier à l’ordre du jour de la première réunion du gouvernement après la relance de son action.
En quelques minutes donc, et sans les discussions habituelles, la décision a été prise. Les travaux devraient désormais commencer au plus tôt. Ce « dénouement heureux », après des années de tiraillements et d’accusations réciproques, n’aurait pas été possible sans le climat d’entente qui règne actuellement au Liban entre la plupart des composantes politiques, en particulier le camp du chef de l’État, celui du Premier ministre, celui du président de la Chambre (et avec lui le Hezbollah) et celui du chef du PSP, Walid Joumblatt.
Au sein du gouvernement, seules les Forces libanaises semblent aujourd’hui faire cavalier seul. En dépit de leurs dénégations, les FL se sentent visées par les menaces du Premier ministre Saad Hariri de « vider son sac » pour dénoncer ceux qui l’ont trahi pendant la période controversée et pleine de zones d’ombre de l’annonce de sa démission à partir de Riyad. Mais elles ne sont pas les seules. Des listes de noms circulent sur les réseaux sociaux, sans qu’il soit possible d’obtenir des confirmations. D’ailleurs, des sources proches du courant du Futur précisent désormais que M. Hariri a renoncé à « déballer ce qu’il a sur le cœur » (pour l’instant tout au moins) afin justement de ne pas entraver l’action du gouvernement et pour permettre à celui-ci de reprendre un rythme accéléré de travail après la dernière période de quasi-paralysie. Les mêmes sources font aussi remarquer que la déclaration du Premier ministre sur son intention « de procéder à un grand déballage » a déjà fait son effet, sans qu’il ait besoin d’en dire plus. C’est pourquoi il ne compte pas aller plus loin pour le moment, sa priorité étant à l’heure actuelle de préserver le gouvernement et de relancer son action, dans cette période préélectorale. Selon les sources précitées, c’est à travers les élections législatives, prévues en mai 2018, que devrait sonner l’heure de vérité. D’ailleurs, la bataille électorale s’annonce féroce et le camp des « détracteurs de Saad Hariri » sera sans doute déterminé à utiliser tous les moyens pour l’empêcher de faire le raz-de-marée électoral escompté. C’est donc à ce moment-là que sonnera l’heure des règlements de comptes. Mais d’ici-là, priorité à l’action gouvernementale.