Des pourparlers de la dernière chance sont en cours depuis plusieurs jours pour tenter d’éviter un assaut du régime sur Idleb, ultime grand bastion rebelle en Syrie, qui pourrait selon l’ONU provoquer une nouvelle catastrophe humanitaire.
L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a proposé jeudi d’aller dans cette province du nord-ouest du pays en guerre pour garantir la mise en place d’un “couloir humanitaire” afin d’évacuer la population civile, en cas d’offensive.
Depuis des semaines, le régime amasse des renforts aux abords de cette région frontalière de la Turquie, avant une probable offensive qui s’annonce comme l’ultime bataille d’envergure dans le conflit qui déchire le pays depuis 2011.
Car Idleb est le dernier grand fief insurgé où ont été envoyés des milliers de rebelles et de jihadistes, à mesure que le régime de Bachar al-Assad, aidé par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais, a réussi à reprendre près des deux-tiers du territoire.
La province est contrôlée à 60% par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham, groupe dominé par l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, ainsi que par des factions rebelles. Celles-ci et le groupe HTS se mènent une guerre interne avec assassinats et rapts.
En outre, des cellules dormantes du groupe jihadiste rival Etat islamique (EI) s’y trouvent aussi, alors que le régime a repris des villages à la périphérie sud-est à la faveur d’une opération menée il y a quelques mois. Des troupes turques sont aussi stationnées dans la zone.
La Turquie, parrain de certains groupes rebelles et dont le président a rencontré mercredi un ministre iranien, ne veut pas d’assaut pour prévenir un nouvel afflux de réfugiés vers sa frontière.
“La Russie, elle, exige une dissolution de HTS pour éviter une offensive d’envergure” à Idleb, a affirmé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
“Des discussions indirectes sont en cours entre la Turquie et HTS”, a-t-il ajouté, précisant que le lancement d’une offensive dépendrait “de l’échec ou du succès des pourparlers”.
– “Liquider cet abcès” –
Aucune confirmation de ces discussions n’a pu être obtenue de source turque ou indépendante, mais le HTS, dans des déclarations publiques, a laissé la porte ouverte à une solution négociée.
“Une dissolution de HTS, si elle devait se produire, est une affaire interne qui doit être discutée par le Conseil consultatif du groupe et non dictée par des parties locales ou étrangères”, a affirmé mardi le groupe, en disant qu’il tentait de “trouver une solution” qui protégerait les habitants d’Idleb.
Mais l’influence de la Turquie sur HTS est limitée. “Les rapports de la Turquie avec HTS sont compliqués”, indique Elizabeth Teoman, analyste à l’Institute for study of war (ISW), en évoquant une forme de “coopération” marquée par de “l’animosité”.
Entretemps, la Turquie a renforcé ses 12 postes d’observation dans la province d’Idleb, alors que la Russie a consolidé sa présence militaire au large de la Syrie, disposant désormais du plus gros contingent naval depuis le début du conflit.
Mercredi, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dit espérer que les Occidentaux n’allaient pas “entraver l’opération antiterroriste” à Idleb.
Il a jugé “nécessaire de liquider” HTS qualifié “d’abcès”, tout en faisant état d’une “compréhension” entre Moscou et Ankara pour “dissocier l’opposition modérée des terroristes et de préparer une opération contre ces derniers, en minimisant les risques pour les civils”.
Côté régime, après M. Assad, son ministre de la Défense a récemment affirmé qu'”Idleb va revenir sous la houlette de la nation”. Mais les médias étatiques n’ont pas du tout mentionné une offensive imminente contre la province.
– “Catastrophe humanitaire” –
Dans ce contexte, le président turc Recep Tayyip Erdogan a reçu mercredi le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif pour parler entre autres de la Syrie, alors que le sort d’Idleb inquiète l’ONU et les Occidentaux également.
Une offensive contre Idleb pourrait faire jusqu’à 800.000 déplacés parmi les civils qui vivent déjà dans des conditions précaires, a averti l’ONU. Et le patron de l’ONU Antonio Guterres a mis en garde contre “les risques croissants d’une catastrophe humanitaire”.
La province d’Idleb et les zones insurgées adjacentes accueillent quelque trois millions de personnes, dont la moitié sont des déplacés ayant fui les combats ailleurs en Syrie où la guerre complexe aux multiples acteurs locaux, régionaux et internationaux, a fait plus de 350.000 morts en plus de sept ans.
En outre, les craintes d’une nouvelle attaque chimique ont été brandies; les Occidentaux ont mis en garde contre toute attaque du genre par le régime. Les Russes, eux, ont accusé les Occidentaux de “réchauffer activement” le thème d’une “soit-disant attaque chimique” qui sera imputée au régime.