“Promotion Aoun” : la tension n’a pas baissé entre Baabda et Aïn el-Tiné

Le président libanais, Michel Aoun (d.), serrant la main au patriarche maronite, Béchara Raï, sous le regard du patriarche Nasrallah Sfeir, le 25 décembre 2017 à Bkerké, à l'occasion de la messe de Noël. Photo Ani

Riachi et Kanaan insistent à Bkerké sur la solidité de l’alliance entre le CPL et les FL.

La tension reste palpable entre le président de la République, Michel Aoun, et le chef du Législatif, Nabih Berry, au sujet de la polémique portant sur l’avancement octroyé à la promotion 1994 des officiers entrés à l’École militaire à l’époque où le chef de l’Etat était à la tête du gouvernement militaire de transition.

Lors d’un tête-à-tête lundi à Bkerké avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à l’occasion de Noël, le président Aoun a affirmé que “l’année d’avancement de cette promotion est un droit, et que ceux qui ont des objections s’adressent à la justice”.

Les officiers en question, connus sous le nom de la “promotion Aoun”, avaient subi des préjudices liés au fait qu’ils n’avaient pas été promus comme leurs camarades au sein de l’armée. Selon des sources proches du milieu aouniste, ce décret vient réparer une injustice qui date de 23 ans.

Sachant que le décret avait été signé samedi dernier par le chef de l’Etat et par le Premier ministre, Saad Hariri, sans la signature du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, une véritable épreuve de force entre Baabda et Aïn el-Tiné s’en est suivie. Le président du Parlement a jugé en effet que l’adoption du décret nécessite quatre signatures, en l’occurrence celles du président de la République, du chef du gouvernement, du ministre concerné (le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf), et du ministre des Finances.

Le président Aoun a dans ce contexte dénoncé lundi une “injustice politique qui a empêché cet avancement”. Il a également affirmé que le décret d’avancement ne requiert que la signature du chef de l’Etat et du Premier ministre.

Réagissant aux propos du chef de l’Etat, Nabih Berry, en réponse à une question du quotidien an-Nahar, s’est contenté de dire qu'”aujourd’hui est un jour de fête. La réponse viendra plus tard”.

Sur un autre plan, Michel Aoun a commenté l’affaire Marcel Ghanem, le journaliste vedette de la chaîne LBCI poursuivi pour avoir laissé s’exprimer dans son émission Kalam el-Nass deux journalistes saoudiens qui s’étaient livrés à des attaques personnelles contre Michel Aoun, Nabih Berry, et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, les accusant d’être “partenaires du Hezbollah dans le terrorisme”.

“La liberté de la presse est protégée et la convocation pour témoigner n’est pas une atteinte à cette liberté et n’est pas prohibée par une quelconque immunité. Le journaliste Marcel Ghanem a été convoqué pour être écouté. Même un député peut l’être. Il s’agit d’une procédure judiciaire qu’il faut respecter”, a expliqué le président. “Combien de journalistes sont en prison?”, a-t-il demandé.

En l’espace d’un mois, un journaliste a été arrêté, un autre a été convoqué pour une audience devant la justice, un artiste a été arrêté dans le cadre d’une affaire de collaboration avec Israël aux contours encore obscurs, et une enquête a été ouverte suite à des propos tenus par du député Samy Gemayel.

“L’unité nationale se base au Liban sur la diversité. C’est pour cela que le pays a besoin des efforts de toutes les composantes, par respect pour le système démocratique et le principe de l’opposition”, a pour sa part insisté le patriarche Raï, lors de son homélie. “L’objectif commun doit être le renforcement de l’intérêt national suprême par respect du Pacte national et de la Constitution”, a insisté Mgr Raï.

CPL-FL

Sur un autre plan, le ministre de l’Information, Melhme Riachi, s’est lui aussi rendu à Bkerké lundi : “La réconciliation inter-chrétienne qui a eu lieu après l’accord de Meerab est toujours en vigueur et tiendra la route, car elle est là pour de bon”, a-t-il confié aux journalistes à sa sortie. “Personne ne peut éliminer les Forces libanaises”, a assuré le ministre, en référence au parti dirigé par Samir Geagea auquel il est affilié.

Les FL et le Courant patriotique libre avaient scellé en 2016 une alliance qui a pavé la voie à l’accession de Michel Aoun à la présidence de la République, grâce au soutien de son ancien rival. Toutefois, des tensions sont récemment apparues entre les FL et le CPL, sur fond de divergences autour de plusieurs dossiers traités au sein du gouvernement.

“Nombreux sont ceux qui tentent de faire tomber l’entente inter-chrétienne. Mais ce sont eux qui vont s’effondrer. Cette alliance ne tombera pas, et la réconciliation va perdurer”, a pour sa part assuré Ibrahim Kanaan, député membre du CPL, qui s’est également rendu à Bkerké.

Interrogé ensuite sur une éventuelle rencontre entre M. Geagea et M. Hariri, alors que les relations entre les deux sont au plus bas, Melhem Riachi s’est contenté de répondre : “Tout chose en son temps”.

Toujours à Bkerké, Taymour Joumblatt s’est entretenu avec le patriarche maronite afin de lui transmettre les voeux de son père, le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à l’occasion de Noël.

Par ailleurs, le métropolite de Beyrouth pour les grecs-orthodoxes, Mgr Élias Audi, s’est élevé contre la corruption, lors de son homélie. Il a appelé à “reconstruire le Liban uni, libre et indépendant, loin des marchandages, des marchés douteux et du rabibochage”.