Selon une source généralement bien informée, l’ancien ambassadeur américain à Beyrouth, Jeffrey Feltman, aurait effectué il y a une quinzaine de jours une visite rapide au Liban. Devenu l’adjoint du secrétaire général de l’Onu pour les questions politiques, M. Feltman a été récemment chargé de suivre l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité après le passage à la retraite de son prédécesseur, Terjé Roed-Larsen.
M. Feltman ne se serait pas contenté de rencontrer des personnalités politiques convoquées au siège de l’ambassade des États-Unis à Awkar, il se serait aussi rendu en tournée d’inspection dans la zone frontalière dans le nord du Liban. Pour certaines figures du 14 Mars, cette nomination et cette visite sont perçues comme une bonne nouvelle, l’indice d’un retour de l’influence directe américaine au Liban. Par contre, pour les figures du 8 Mars, il s’agit au contraire d’une mauvaise nouvelle, le nom de M. Feltman restant lié à la période 2004-2005-2006, lorsque les problèmes se sont abattus sur le pays avec l’adoption de la résolution 1559, l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, la naissance du 14 Mars et tout ce qui a suivi en matière de divisions et de crises.
Bien que portant désormais la casquette d’un responsable de l’Onu, M. Feltman est considéré comme un des « faucons » de la politique étrangère américaine et sa désignation comme responsable de l’application de la résolution 1559 ainsi que sa visite-éclair au Liban pourraient donc être annonciatrices d’une nouvelle phase compliquée pour ce pays. S’il est vrai, et les responsables américains sollicités par la classe politique libanaise ne cessent de le répéter, que les États-Unis sont soucieux de maintenir la stabilité au Liban, le parapluie si souvent invoqué et destiné à préserver la sécurité au Liban pourrait cependant avoir quelques trous.
Selon une source sécuritaire, un des trous serait justement la période de paralysie américaine officielle pour cause de campagne présidentielle. En général, les derniers mois d’un mandat présidentiel américain qui ne peut pas être renouvelé (ce qui est le cas actuellement, Barack Obama achevant son second mandat) sont mis à profit par ceux qui veulent provoquer une crise en sachant que l’administration américaine n’aura pas les moyens de réagir. C’est ce que font les Israéliens quand ils ne peuvent pas obtenir un feu vert direct américain pour une agression ou un plan quelconque au Moyen-Orient. Ils préfèrent alors attendre un contexte qui leur permettrait de s’en passer. La source sécuritaire précitée estime qu’aujourd’hui, la situation est favorable aux Israéliens, d’abord parce que le mandat du président Obama est en fin de course et parce qu’un faucon a été nommé par l’Onu pour suivre les développements dans la région. Les Israéliens ne cessent d’ailleurs de répéter qu’aujourd’hui le principal danger qui les menace, c’est bien le Hezbollah, qui arrive en tête de liste, bien loin devant l’État islamique et les autres formations extrémistes. Les Israéliens expliquent, dans leurs rapports et dans leurs médias, combien la guerre en Syrie a permis au Hezbollah d’acquérir une nouvelle dimension militaire en se transformant en force offensive après s’être spécialisé dans la défense. De plus, le fait de combattre sur le terrain aux côtés des Russes, des Iraniens et des Syriens lui a permis de s’entraîner au maniement de nouvelles armes, et alors qu’on croyait que sa participation aux combats en Syrie devait l’affaiblir militairement, politiquement et socialement, elle n’a fait que le renforcer.
Chaque jour, les médias israéliens expliquent que la prochaine guerre avec le Hezbollah devrait être d’une violence inouïe, préparant leur opinion publique à des bombardements généralisés et même à des possibilités d’infiltrations dans certaines régions au nord de la Galilée. Ce qui montre bien que pour les Israéliens, la menace que constitue le Hezbollah est prise très au sérieux et la lutte contre ce dernier constitue une priorité. Toutefois, cette lutte peut prendre différentes formes, et au lieu de combattre frontalement le Hezbollah, les Israéliens auraient, selon la source sécuritaire, décidé de recourir à la discorde interne au Liban en prélude à une nouvelle guerre civile qui serait destructrice pour le Liban mais surtout pour le Hezbollah. Toujours selon la source sécuritaire, ce qui se passe actuellement au Liban n’est qu’un début, une manière comme on dit « de chauffer la salle » pour la préparer aux développements à venir. Les sanctions américaines auraient ainsi été prises à la demande du lobby sioniste aux États-Unis pour mettre en difficulté le Hezbollah et monter contre lui sa base populaire. Les incidents qui se multiplient, tantôt dans le cadre d’un match de foot et même la dernière explosion devant le siège de la Blom Bank, indépendamment de l’identité des auteurs, s’inscrivent dans ce cadre. À chaque fois, il s’agit d’un test pour mesurer la montée des dissensions confessionnelles et la capacité des différentes formations politiques à les absorber ou à les maintenir sous contrôle.
Et à chaque fois, la mission d’empêcher les débordements devient de plus en plus difficile, sachant qu’une partie de la classe politique ne se prive pas de jeter de l’huile sur le feu, consciemment ou non, pour des raisons populistes ou autres. Selon la source sécuritaire, en multipliant les déclarations incendiaires, la classe politique joue avec le feu, convaincue qu’elle peut tout se permettre puisqu’il y a un plafond sécuritaire imposé par la communauté internationale. Mais elle oublie que ce plafond n’est pas tout à fait solide, surtout s’il y a un véritable plan pour susciter une discorde sanglante en profitant d’un moment où la communauté internationale est occupée ailleurs.