Le président de la République, Michel Aoun, entame aujourd’hui une visite d’État de trois jours en France, qui marque, selon l’Élysée, « la relation particulière entre le Liban et la France ».
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui devait faire partie de la délégation qui accompagne le président Aoun, a fini par y renoncer pour protester contre l’entretien qui a eu lieu jeudi à New York entre le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, et son homologue syrien, Walid Moallem.
Hier, des drapeaux libanais et français ont été hissés sur les Champs-Élysées et plusieurs artères de Paris, comme sur les sièges des institutions officielles françaises.
M. Aoun, premier président étranger à être reçu en visite d’État en France depuis l’élection d’Emmanuel Macron, rencontrera son homologue français à l’Élysée, à 17h, pour un entretien en tête à tête, qui sera par la suite élargi à leurs délégations. Les deux chefs d’État tiendront une conférence de presse conjointe avant de se rendre à l’Institut du monde arabe pour inaugurer l’exposition « Chrétiens d’Orient. Deux mille ans d’histoire ».
Le premier jour de la visite sera clôturé par un dîner officiel offert par M. Macron en l’honneur de Michel Aoun et de la délégation qui l’accompagne, en présence de quelque 220 convives. Demain, M. Aoun sera reçu par le Premier ministre français, Édouard Philippe, et le chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le président du Sénat, Gérard Larcher. Il rencontrera, ensuite, la communauté libanaise vivant en France. Au troisième jour de la visite, il rencontrera le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy.
M. Aoun sera accompagné de son épouse, Nadia Chami Aoun, et d’une délégation composée de Gebran Bassil, du ministre d’État pour les Affaires présidentielles, Pierre Raffoul, de l’ambassadeur du Liban à Paris, Rami Adwan, et du directeur des affaires politiques au palais Bustros, Ghadi Khoury.
À l’ordre du jour de cette visite notamment la crise des réfugiés syriens au Liban, l’organisation à Paris, début 2018, d’une conférence internationale de soutien au Liban, dite « Paris IV », pour stimuler les investissements internationaux, ainsi que la relance de la coopération bilatérale militaire, économique et culturelle entre Paris et Beyrouth. L’un des enjeux dans ce cadre reste la relance du programme d’aide saoudien de trois milliards de dollars qui prévoyait la livraison de différents types d’armement en provenance de la France. Cette aide avait été interrompue début 2016 par Riyad pour protester contre des prises de position « hostiles résultant de la mainmise du Hezbollah sur l’État ».
Le Hezbollah « respecte » la souveraineté du Liban
À la veille de son départ pour Paris, M. Aoun a accordé des entretiens à plusieurs médias français. Au Figaro, il a affirmé que grâce à l’accord qu’il avait scellé en 2006 avec le Hezbollah, « nous avons pu échapper à un conflit interne au Liban ». « Sincèrement, je crois que j’ai sauvé l’État libanais », a-t-il estimé, soulignant qu’« il y a parfois eu, au sein du monde sunnite, des tendances à l’hégémonie ». Selon lui, le Hezbollah, après cet accord, « a modifié sa ligne politique et a respecté la souveraineté libanaise », ajoutant que le parti chiite « a renoncé à son projet d’instaurer une république islamique » au Liban.
À une question sur la légitimité de l’armement du Hezbollah, M. Aoun a déclaré qu’« on ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu’Israël ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ».
Interrogé sur les chrétiens du Liban, le chef de l’État a déclaré qu’« ils se sentent bien, pour le moment ». « Je pense que les guerres civiles, qui ravagent actuellement la Syrie et l’Irak, ont eu beaucoup de conséquences (…), a-t-il noté. À Damas (où le gouvernement baassiste me semble avoir gagné la guerre), à Bagdad, au Caire, et dans les autres capitales arabes, on me tient le même langage : tous sont attachés au maintien de la présence chrétienne au Liban, et même ailleurs dans le monde arabe ». À la question de savoir si l’armement des chrétiens s’impose au Liban, M. Aoun répond par la négation. « Nous renforçons l’armée, pour protéger tout le pays, y compris les chrétiens », a-t-il précisé.
En ce qui concerne la politique du Liban vis-à-vis de la Syrie, il a expliqué qu’elle repose sur deux piliers : « Garder les frontières libanaises pour nous protéger du terrorisme » et « la distanciation par rapport aux problèmes politiques internes à la Syrie ». Enfin, M. Aoun a déclaré que le Liban devait « beaucoup à la France ». « Nous sommes un pays francophone et fiers de l’être », a-t-il conclu.
Assad restera au pouvoir
À Paris Match, M. Aoun a expliqué que le jour où il a signé l’accord avec le Hezbollah, le parti chiite « s’est engagé à n’utiliser ses armes que pour défendre le Liban contre des agresseurs, et jamais de façon offensive ou agressive ». « Il ne participe à aucune opération terroriste, ni au Liban ni ailleurs, a-t-il poursuivi. Il est vrai que l’Iran a fourni des armes au Hezbollah… » Interrogé sur ce qui va se passer en Syrie, le chef de l’État a assuré que « la guerre va bientôt se terminer » et qu’« il reste à trouver une solution politique ». « Je pense que le président (Bachar) el-Assad restera en place, a-t-il répondu à une question. Le gouvernement syrien cherche à faire la paix avec ceux qui l’ont combattu. La réconciliation nationale est déjà à l’œuvre. »
M. Aoun avait également accordé un entretien au magazine Valeurs actuelles, dans lequel il a affirmé que « les Libanais ont la volonté de vivre », qu’ils sont « soudés » et qu’ils peuvent « vaincre tous les défis ».