Jamais le taux de chômage au Liban n’a autant fait l’objet de controverse. Au manque chronique de statistiques officielles sur le marché du travail s’est greffé, depuis le début de la guerre en Syrie, le déferlement des réfugiés qui a fini par brouiller tout le paysage.
La première brèche réside, à la base, dans l’abstention du ministère du Travail d’entreprendre un recensement de la présence syrienne au pays du Cèdre, en passant au crible ceux qui sont présents pour y travailler, neutralisant ainsi tous les outils permettant de se faire une idée précise du phénomène de substitution de la main-d’œuvre libanaise par la syrienne.
La seule carte de contrôle aux mains du ministère du Travail est la prérogative contraignante aux employeurs d’obtenir un permis de travail préalable à l’entrée au Liban de l’employé étranger. Pour le moment, le ministère du Travail ne fait pas usage de ce pouvoir, du moins à l’égard des Syriens, au nom de la politique de distanciation que les gouvernements successifs ont suivie. De même, l’autorité de tutelle ne prend pas la peine d’établir un décompte des adhérents à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), qui retirent leurs indemnités de fin de service avant d’atteindre l’âge de la retraite, un indicateur des licenciements liés au ralentissement économique et, par conséquent, au nombre de chômeurs.
Les données de la Banque mondiale ont estimé le taux de chômage au Liban à 11% en 2010, un taux qui s’est accru au cours des dernières années pour atteindre 25%. Les Syriens et les Palestiniens représentent, aujourd’hui, 55% de la population du Liban, alors que le taux de force active parmi eux serait de 53%. Ceci signifie qu’il existe près de 1 150 000 mains-d’œuvre syriennes et palestiniennes qui concurrencent illégalement la main-d’œuvre locale. Sachant que les faibles opportunités de travail offertes aux diplômés libanais et l’étroitesse du marché local représentent en ce moment une raison principale qui pousse les jeunes à l’émigration bien plus que la situation sécuritaire dans le pays.
Le nombre des jeunes émigrés a représenté plus de 38 000 par an contre 25 000 en rythme annuel entre 1975 et 2000