Les relations américano-russes au cœur des enjeux régionaux

À quelques jours de l’entrée du président américain élu Donald Trump à la Maison-Blanche, les relations entre l’administration sortante et la Russie semblent se détériorer. Selon une source diplomatique étrangère à Beyrouth, c’est un peu comme si l’administration Obama souhaitait multiplier les problèmes avec les autorités russes avant de partir, pour empêcher Trump de se rapprocher de Moscou, comme il en avait exprimé l’intention.

Depuis l’élection du nouveau président des États-Unis, le président sortant Barack Obama n’a en effet pas cessé d’exprimer ses craintes au sujet d’un changement significatif de la politique étrangère américaine sur le plan notamment des relations avec la Russie. D’ailleurs, le choix de la plupart des conseillers ou figures importantes de l’administration Trump montre une nette tendance vers un rapprochement avec le président russe Vladimir Poutine. Ce qui n’a pas manqué de confirmer les appréhensions d’Obama et de « l’establishment » politique et militaire américain qui considère (jusqu’à nouvel ordre) le nouveau président comme étant « hors système ».

Selon la source diplomatique étrangère à Beyrouth, depuis novembre, l’administration Obama et même « l’establishment » militaire et sécuritaire ont tout fait pour rendre difficile, voire impossible, un accord avec la Russie sur le dossier syrien. C’est ainsi que la partie américaine a mis en échec un premier accord sur Alep avant la reprise de contrôle par les forces du régime et leurs alliés des quartiers d’Alep-Est. En même temps, la partie américaine n’a cessé de jouer un double jeu en Syrie, non seulement avec la Russie, mais aussi avec la Turquie (en utilisant notamment la carte kurde), dans une volonté claire de maintenir la crise ouverte et le statu quo sur le terrain, en attendant un éventuel changement dans les rapports de force. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la source diplomatique précitée place la dernière déclaration du secrétaire d’État américain sortant John Kerry dans laquelle il a affirmé que le maintien de Daech visait à pousser le régime syrien à négocier en position de faiblesse…

Les choses ne se sont toutefois pas exactement déroulées comme l’escomptait l’administration américaine, puisque les autorités russes ont finalement décidé de ne plus attendre la conclusion d’un accord avec les Américains et de donner le feu vert aux forces du régime syrien et à leurs alliés pour reprendre le contrôle total de la ville d’Alep, après avoir plus ou moins neutralisé la Turquie, principale partie étrangère concernée par la région d’Alep.

La source diplomatique étrangère à Beyrouth estime que le prix à payer a été assez cher, puisqu’au lendemain de la victoire stratégique d’Alep pour Moscou et ses alliés en Syrie, l’ambassadeur de la Russie à Ankara a été assassiné d’une façon spectaculaire. Selon la source précitée, André Karlov (l’ambassadeur assassiné) était un des stratèges russes de la victoire d’Alep. Il faisait partie d’une cellule diplomatico-sécuritaire qui supervise les développements sur le terrain syrien et il était connu sous un nom de code précis. L’assassinat de Karlov serait donc en liaison directe avec les développements du terrain syrien, mais aussi avec le rapprochement russo-turc qui s’est traduit par la reprise du contrôle d’Alep par les forces du régime syrien et leurs alliés. Il y a trois jours, c’était au tour du consul russe à Athènes Andréï Malanine d’être retrouvé mort dans son appartement et selon la source précitée, il ferait partie du même groupe que celui de l’ambassadeur Karlov.

Même si, jusqu’à présent, peu de détails ont été donnés sur les deux enquêtes, la source diplomatique étrangère à Beyrouth estime que les deux affaires seraient liées et qu’il s’agirait d’une guerre sécuritaire menée contre la Russie, d’une part pour lui faire payer le prix de son intervention déterminante en Syrie et d’autre part, pour l’empêcher d’aller trop loin dans des ententes régionales, notamment avec la Turquie, au sujet du dossier syrien. En principe, après l’assassinat de son ambassadeur à Ankara, le président russe aurait dû prendre des mesures contre la Turquie, ou en tout cas lui adresser des critiques publiques et violentes. Mais au lieu de cette réaction qui aurait été compréhensible, il a préféré prôner le calme et attendre le résultat de l’enquête menée par les autorités turques.

Il a aussi réagi de la même façon après l’annonce de l’assassinat du consul russe à Athènes, pour justement éviter de tomber dans ce que la source diplomatique précitée considère comme un piège visant à le pousser à se retirer de la Syrie et à remettre en question ses nouvelles relations régionales, sachant que la Grèce est l’un des pays européens les plus favorables à l’assainissement des relations entre l’Union européenne et Moscou.

Selon la source diplomatique précitée, le président russe aurait décidé de ne rien entreprendre avant l’entrée à la Maison-Blanche du nouveau président et la prise de fonctions de la nouvelle administration américaine. Vladimir Poutine pourra-t-il attendre encore jusqu’au 20 janvier, alors que, chaque jour, un nouvel élément vient rendre les relations entre Moscou et Washington plus compliquées ? C’est en tout cas une situation bien complexe qui l’attend, lui et l’équipe qu’il a choisie