S’il n’avait pas été assassiné jeudi soir de trois balles dans le thorax alors qu’il se trouvait dans une ruelle de Sfax, en Tunisie, au volant de sa voiture, personne n’aurait sans doute jamais entendu parler de Mohamed Zouari. Cet ancien pilote de la Tunisair de 49 ans était ingénieur en aéronautique, spécialisé dans la conception de drones, et membre des Frères musulmans. Selon ses proches, quand il a résidé en Syrie et au Liban, il aurait aidé le Hezbollah à fabriquer des drones. En tant que sympathisant du Hamas, il s’est aussi rendu plusieurs fois – et clandestinement – dans la bande de Gaza pour dispenser son savoir à la branche armée de l’organisation islamiste à partir de 2009. Grâce à lui, le Hezbollah et le Hamas ont pu développer des drones certes moins sophistiqués que ceux de Tsahal, mais qui ont réussi à violer à plusieurs reprises l’espace aérien de l’Etat hébreu ces dernières années.
Tout cela en faisait donc une cible de choix pour les services de renseignement israéliens. A Jérusalem, on ne trouve personne pour commenter l’assassinat de Sfax. Mais les chroniqueurs militaires affichent un sourire en coin. En privé, plusieurs laissent entendre que leur pays ne serait pas étranger à l’opération. D’autres soulignent que l’Egypte voulait aussi en finir avec l’ingénieur.
Quoi qu’il en soit, la «liquidation» de Zouari a été menée à la James Bond : un camion a bloqué sa voiture alors qu’elle démarrait et deux tueurs de type européen l’ont criblée d’une vingtaine de balles, dont trois mortelles. Selon la police tunisienne, au moins huit hommes seraient impliqués. Quatre suspects, dont un Belge d’origine marocaine et une mystérieuse journaliste hongroise qui aurait rencontré Zouari la veille de son assassinat, sont recherchés. Par ailleurs, quatre voitures liées à l’assassinat ont été retrouvées ainsi que deux pistolets munis de silencieux. Pour effacer les traces de l’opération, des hackeurs se sont introduits dans le système de surveillance d’un restaurant proche du lieu de l’assassinat et ont effacé le contenu des enregistrements vidéo.
Le Mossad dispose d’une unité spéciale de quelques dizaines de personnes pour les dézingages. Baptisée Kidon («baïonnette» en hébreu), elle n’opère que lorsque les dirigeants estiment qu’il en va de la sécurité d’Israël.
Nissim Behar (à Tel-Aviv)