À la recherche des racines libanaises de Fidel Castro

La photo du révolutionnaire cubain publiée dans le journal égyptien à côté de ce titre : « La famille libanaise de Castro ».

La mère du leader cubain récemment décédé était libanaise, de la famille Rousse, originaire de Tripoli.
Fidel Castro, l’ancien président cubain décédé vendredi dernier à plus de 90 ans, aurait-il eu des racines libanaises ?
L’affaire n’a rien d’un canular, le leader révolutionnaire communiste de Cuba serait bien de mère libanaise.
Au début du siècle dernier, en pleine époque mouvementée, une des vagues d’émigration du Liban a mené la jeune Lina Rousse et sa famille de leur Tripoli natale en territoire espagnol, puis vers Cuba. Engagée comme cuisinière dans la maison familiale de Castro père, elle finit par devenir sa seconde femme et lui donner Fidel, qui devait marquer l’histoire de son pays.
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« La mère de Castro est libanaise », titre du reportage fait par des journalistes égyptiens dans les années 50. Photos fournies par Antoine Courban

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Les photos de famille prises par des journalistes égyptiens lors de leur voyage au Liban dans les années 50. Sur la photo de famille en bas, à la deuxième rangée, debout à l’extrême droite, une des tantes maternelles de Buenos Aires, Marie Rousse, qui était venue voir sa mère cette année-là. Sur la photo du haut, on voit, assise sur son lit, la grand-mère d’Antoine Courban, Anastasia Boutary-Rousse, femme de Jean Rousse, le cousin de Lina.

C’est cette « vieille histoire de famille » que nous raconte le Dr Antoine Courban, dont le grand-père était le cousin de Lina Rousse. « Une grande partie de notre famille avait effectivement émigré au début du siècle vers le territoire espagnol, puis vers l’Amérique latine et centrale, dont Cuba, explique-t-il. Notre famille la plus proche, mes oncles et mes tantes notamment, se trouvait en Argentine. Cette branche argentine a gardé le contact avec la branche de Cuba, contrairement à nous. Une de mes tantes a d’ailleurs fait le voyage pour visiter sa cousine Lina à La Havane, comme je devais l’apprendre plus tard. »
Cette parenté inattendue avec le président cubain de l’époque, la famille d’Antoine Courban devait l’apprendre de manière impromptue. « Des journalistes d’un magazine égyptien ont débarqué du Caire dans les années 50 pour interviewer ma grand-mère Anastasia, raconte-t-il. Ces journalistes ont révélé à ma famille qu’ils recherchaient les origines de la mère de Fidel Castro, qui était de la famille Rousse de Tripoli. Ma grand-mère s’est souvenue distinctement de Lina Rousse qui avait son âge, donc née à la fin du XIXe siècle. »

Le Dr Courban affirme que cette parenté libanaise ne fait pas de doute, même si dans les biographies de Fidel Castro, on précise souvent que sa mère était espagnole. « L’explication est simple, dit-il. À l’époque, on enregistrait les nouveaux arrivants selon leur lieu de provenance (la famille Rousse était passée en territoire espagnol) plutôt que leur lieu d’origine. Mais les preuves existent : outre les souvenirs de ma grand-mère et les liens entretenus par la branche argentine avec les cousins de Cuba, Fidel Castro a lui-même déclaré à une délégation libanaise du Parti communiste, présidée par Georges Haoui (ancien secrétaire général du Parti communiste libanais, assassiné en 2005), que sa mère était libanaise et originaire de Tripoli ! »
Aucun membre des branches libanaises de la famille n’a cependant essayé de se rapprocher de ces « cousins cubains », comme nous l’affirment autant Antoine Courban que l’ancien député Gabriel Murr, dont l’épouse Hoda est la cousine du premier et donc apparentée elle aussi à l’ancien président cubain. Selon Gabriel Murr, le fils de l’ancien président cubain, Fidelito, a néanmoins fait le voyage au Liban il y a sept ans, et a déjeuné avec son propre fils ainsi qu’avec l’un de ses cousins de la famille Rousse.

Quel regard l’homme d’affaires jette-t-il sur le révolutionnaire communiste ?
Gabriel Murr avoue avoir un avis assez mitigé sur le personnage. « D’un côté, je suis résolument anticommuniste, reconnaît-il. Mais d’un autre côté, je suis pour la révolte des peuples opprimés contre leurs oppresseurs. Ici, au Moyen-Orient, nous pouvons bien comprendre cela, étant nous-mêmes entourés de dictatures. En Syrie, ce sont non moins de trois dictatures alliées qui massacrent la population, notamment à Alep. Voilà pourquoi je ne peux qu’avoir un avis partagé sur le personnage, étant donné que je respecte la volonté de libération du peuple cubain de l’époque. »

Pour le Dr Courban, la question de la parenté avec Castro n’a jamais été plus qu’anecdotique dans sa vie comme celle de sa famille. Lui-même a d’ailleurs très peu de sympathie pour le personnage. « Je le vois comme un dictateur violent qui a réprimé les libertés dans son pays, affirme-t-il sans ambages. Il est vrai qu’avec le recul, certains le considèrent comme un révolutionnaire idéaliste, mais c’est un révolutionnaire qui a fait beaucoup de mal. »
Qui aurait dit que Fidel Castro avait des racines libanaises ? La légendaire communauté d’émigrés libanais dans le monde recèle encore bien des surprises.