C’est en 1982, l’année de l’occupation par Israël de la première capitale arabe, en l’occurrence Beyrouth, que Moustafa Badreddine a entamé sa carrière de résistant.
Il faisait alors partie des moujahidines qui ont contré la progression des chars israéliens dans la région de Khaldé, à l’entrée sud de Beyrouth.
L’un des précuseurs
Une bataille célèbre pour avoir rassemblé les précurseurs du projet de la Résistance islamique au Liban contre l’entité sioniste. Le jeune Moustafa, né en 1961, fut l’un d’entre eux.
Depuis cette date, il s’est lancé dans la formation et l’entrainement des groupes de combattants pour lutter contre l’occupation israélienne. Après s’être retirée de la capitale et de la montagne en 1983, l’armée israélienne s’est installée au sud Liban.
En 1992, il a été désigné à la tête de l’Unité militaire Centrale où il se devait de mettre au point les formations et des plans militaires. C’est lui qui a planifié de nombreuses opérations héroïques effectuées par la Résistance au sud du Liban, aussi bien contre des positions israéliennes, que contre celles de leur collaborateur, la milice de l’Armée du Liban Sud. Elles sont poursuivies sans arrêt jusqu’à la libération en l’an 2000.
Durant cette étape, il s’est alors fait remarquer en commandant la confrontation contre l’agression israélienne contre le Liban en 1993 : cette année là, l’ancien Premier ministre israélien Isaak Rabin avait avoué pour la première fois qu’Israël a perdu face au Hezbollah.
Le martyr a également participé à la gestation de la bataille contre l’offensive des Raisins de la Colère, qui aura lieu trois années plus tard, celle d’avril 1996. Année où pour la première fois dans le conflit arabo-israélien des colonies israéliennes en Palestine occupée étaient bombardées en riposte aux attaques menées contre des cibles civiles sur le sol libanais.
En 1997, il a joué un rôle important dans la planification et l’exécution de la célèbre opération Ansariyyeh au cours de laquelle la totalité des membres d’un commando israélien qui s’est infiltré dans cette région sur le littoral sud du Liban ont été traqués puis décimés.
Homme de l’ombre
A l’instar de ses pairs dans la résistance islamique, c’est un homme de l’ombre. Très peu le connaissait sous son vrai nom, et un peu plus par son patronyme, Zoul-Fikar. En allusion à la célèbre épée de l’Imam Ali, aux deux têtes. Un sobriquet qui rejoint l’appellation que ses pairs se plaisaient à lui donner, « l’aventurier sage », tellement il avait rejoint dans son caractère un grand courage à une grande prudence. Il était surtout connu pour être intolérant avec les fautes.
Il apparaissait très rarement dans les cérémonies organisées par le Hezbollah. Exception faite pour celle des condoléances de son compagnon de route, le martyr commandant de la Résistance, Imad Moughniyyeh, assassiné dans un attentat à la voiture piégée en 2008, dans une banlieue de la capitale syrienne Damas.
Homme des missions difficiles
A partir de cette date, il a été désigné dans le minuscule cercle des proches assistants du secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah, avec pour mission d’administrer et de gérer le Conseil du Jihad. C’est le principal organe du Hezbollah, lequel rassemble toutes les instances liées à la Résistance. D’autres missions difficiles lui étaient assignées.
En même temps, il s’est chargé d’enquêter sur les circonstances de l’assassinat de Moughniyyeh, dont il a pu constituer un dossier énorme dans tous ses détails : depuis la planification, en passant par le processus d’infiltration sécuritaire de la personne de Moughniyyeh, et jusqu’à son exécution . Toutes ses données remontent aux Israéliens, dont un commando est entré au cœur de la Syrie, puis en est ressorti après avoir accompli sa mission. Son dossier comporte aussi une identification des parties qui les ont aidés aussi bien en renseignements que logistiquement.
Durant cette période, l’une de ses missions principales a été aussi de s’enquérir sur le rôle des services de renseignements occidentaux et arabes au Liban, lesquels opéraient activement au Liban, et s’attelaient à traquer les hommes de la Résistance.
Homme de terrain : la Syrie
C’est un homme de terrain aussi, dans le sens qu’il cherchait toujours à le scruter avant de passer à la planification et ne se contentait jamais des données exposées par les cartes topographiques.
Ce qui doit expliquer la raison pour laquelle il a été chargé de se rendre en Syrie, où il a mis en exécution toute son expertise militaire et sécuritaire contre les milices takfiristes, promu au rang de fer de lance du projet américano-sioniste dans la région, selon le Hezbollah..
Il s’est rendu sur place dans toutes ses régions chaudes, que ce soit à Alep, à Homs, al-Quneitra, al-Qalamoune, al-Ghouta et autres.
Ce qui l’a amené à dire que l’environnement syrien est totalement différent du Libanais aussi bien politiquement, démographiquement que géographiquement, rapporte le journal libanais assafir.
Environnement fatal?
Un environnement qui a pu lui être fatal ?
Sur les derniers instants de sa vie, le quotidien rapporte que quelque temps après l’arrivée de son convoi dans un siège ou une maison située dans la Ghouta, non loin de l’aéroport de Damas -lequel renfermait aussi un dépôt d’armements de l’armée syrienne-, un grand bombardement a eu lieu entre 21h30 et 22h. Il l’a tué sur le champ et blessé deux ou trois de ses compagnons. La cause de sa mort, selon le diagnostic médical, est la puissance de la détonation de l’explosion qui a dû lui causer une hémorragie interne.
Selon assafir, quelques kilomètres séparent les positions des milices de ce siège, dont la zone est totalement découverte à l’aviation et qui a fait souvent l’objet de tirs d’artillerie, selon des habitants de la zone.
Ce fut sa dernière destination.
J’ai conduit une moto sans casque
En fait, ces dernières années, la Syrie était devenue sa principale demeure et il ne lui arrivait que très rarement de venir au Liban.
Lors de l’une de ses dernières venues, il s’était excusé auprès de ses voisins, pour ne pas les avoir vus depuis longtemps.
Il a lancé à l’un d’entre eux, non sans ironie : « pardonnez-moi, je ne peux plus beaucoup me balader parce que le commissariat de Ghobeiri (son lieu de naissance et quartier de résidence) a lancé un mandat d’arrêt contre moi parce que j’ai conduit une moto sans casque ».
Selon le rédacteur en chef du journal libanais al-Akhbar, Ibrahim al-Amine qui a recueilli ce témoignage, le martyr Moustafa faisait allusion au mandat décrété contre sa personne par le Tribunal spécial pour le Liban, qui l’a accusé lui et trois autres membres du Hezbollah d’être impliqués dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.
Al-Amine qui connaissait Badreddine rappore qu’il se moquait de ses ennemis qui ont usé des moyens les plus abjects pour ternir son image et celle de la résistance.
Porté en martyr, ou portant la victoire
« Ils pensent que ces campagnes vont nous pousser à nous enfuir et à nous cacher dans nos maisons. Mon devoir et ma mission réside dans le fait d’affronter leurs projets. Où que ce soit. Je ne quitterai jamais ni le Liban, ni la Syrie ni toute autre scène. Sauf porté comme martyr, sinon, je porterai la bannière de la victoire », avait été son objection.
Depuis son martyre, ces propos viennent d’être rendus publics, ainsi que certains épisodes de la vie et de l’héroïsme du martyr Moustafa.
Lui et tous les résistants qui l’ont précédé dans cette voie, ne sont connus qu’après leur trépas. Quelques étapes de leur vie seront surement dévoilées. Mais d’autres resteront enfouis à jamais.
Les résistants, on ne les connait jamais assez !