Une liste fournie par l’ONU des sociétés qui ont des relations économiques avec les colonies illégales d’Israël donnerait une impulsion au mouvement mondial pour les droits des Palestiniens. Reste à voir si le projet aboutira. Ce n’est pas la première fois que les Nations unies tentent de sanctionner l’Etat colonial, pour ensuite faire machine arrière. (IGA)
Les représentants de l’ONU évoluent finalement vers l’affirmation de la responsabilité d’Israël dans le non-respect du droit international, en dépit d’une résistance farouche de la part d’Israël et de ses alliés.
« Après des décennies de dépossession palestinienne et d’occupation militaire et d’apartheid par Israël, les Nations Unies ont pris leur première mesure concrète en vue d’établir la responsabilité d’Israël dans ses violations continues des droits humains des Palestiniens » a dit Omar Barghouti, un des fondateurs du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). « Les Palestiniens accueillent chaleureusement cette mesure ».
Mercredi, le journal israélien Haaretz a rapporté le fait que le Bureau des droits humains de l’ONU a commencé des envois de lettres destinées à 150 sociétés dans le monde, les avertissant qu’elles pourraient figurer sur une base de données des entreprises ayant des relations économiques avec les colonies israéliennes des territoires occupés de Cisjordanie, Jérusalem comprise.
Nickolay Mladenov, le chef de la représentation politique de l’ONU à Jérusalem, a dit cette semaine au Conseil de Sécurité de l’ONU que « les activités de colonisation illégale d’Israël ont continué à un rythme élevé » en grave violation des résolutions de l’ONU.
Le consensus juridique se développe selon lequel le droit international exige des gouvernements qu’ils interdisent les échanges économiques avec les colonies.
« Cela pourrait faire boule de neige »
Les représentants d’Israël ont admis que de nombreuses sociétés – sans pour autant en fournir les noms – ont déjà répondu à ces lettres en assurant le bureau des droits humains de l’ONU qu’elles ne renouvelleraient pas leurs contrats en Israël, ni n’en chercheraient de nouveaux.
« Ces entreprises n’arrivent pas à faire la différence entre Israël et les colonies et mettent fin à leurs opérations sur l’ensemble » a dit à Haaretz un représentant israélien de haut niveau. « Les sociétés étrangères ne vont pas investir dans quelque chose qui relève de problèmes politiques, cela pourrait faire boule de neige ».
Ce représentant israélien de haut niveau a confirmé ce qu’un chef de la diplomatie européenne avait confié à des collègues à Bruxelles.
Dans un mémo de juin écrit alors qu’il était ambassadeur de l’UE à Tel Aviv, Lars Faaborg-Andersen a admis que l’UE n’avait pas de moyen fiable de distinguer les exportations des colonies d’autres produits israéliens.
Les commentaires des représentants israéliens font aussi écho à la découverte d’un rapport secret de deux groupes de lobby israéliens influents qui a fuité plus tôt dans l’année dans « Electronic Intifada ».
Le rapport, assumé par le gouvernement israélien, concluait que la plupart des « dommages collatéraux » infligés à Israël par le mouvement BDS sont le résultant d’un « boycott silencieux » – de groupes, d’individus et de sociétés qui décident, sans l’afficher, de s’abstenir de s’engager avec Israël, soit qu’ils soutiennent les droits des Palestiniens, soit simplement qu’ils veuillent « éviter des problèmes et critiques superflus ».
Des noms bien connus
Le mois dernier, le Washington Post a précisé les noms de certaines des sociétés américaines averties par l’ONU qu’elles pourraient être inclues dans la base de données.
On y trouve les noms de sociétés comme Caterpillar, TripAdvisor, Priceline.com et Airbnb.
Selon Haaretz, environ 30 des 150 sociétés sont américaines, d’autres sont allemandes, sud-coréennes et norvégiennes.
Le Washington Post a aussi souligné la forte opposition américaine à cette base de données dont la création a été commandée par un vote de l’an dernier du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. Nikki Haley, l’ambassadeur des États Unis à l’ONU, a qualifié de « honteuse » cette base de données et a dit que son pays envisage de sortir du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
Israël a mis sur pied un groupe de travail gouvernemental pour tenter de faire échouer la liste, mais selon Haaretz, la plupart des représentants qui y sont impliqués croient que la publication en décembre de la base de données est « inévitable ».
L’imminence de cette liste a fait proposer par des juristes américains une législation, la Loi Anti-Boycott d’Israël, qui pourrait imposer des amendes importantes et des peines de prison à des sociétés et à leur personnel pour participation à un boycott d’Israël et de ses colonies, supposément encouragé par une organisation internationale.
La désespérance d’Israël
L’intensité de la pression américaine, et la longue histoire de la complaisance de la soi-disant communauté internationale envers Israël, font qu’il ne peut pas être garanti que les représentants de l’ONU ne vont pas capituler de nouveau.
Il y a deux ans, le Secrétaire Général de l’ONU d’alors, Ban Ki-moon avait cédé à la pression israélienne et américaine et avait retiré Israël d’une liste de graves violeurs des droits des enfants.
En mars, Antonio Guterres, le successeur de Ban, s’était plié devant la pression des États Unis et avait étouffé un rapport qui avait établi qu’Israël pratique l’apartheid contre les Palestiniens.
Une des conclusions de ce rapport est que les recherches et analyses juridiques de services de l’ONU, comme le Centre des Nations Unies Contre l’Apartheid, ont été des ressources essentielles pour les militants de la société civile dans leurs efforts visant à « légitimer le boycott, le désinvestissement et les sanctions et à contribuer à la formation d’ensemble d’un mouvement transnational contre l’apartheid en Afrique du Sud ».
Le rapport a encouragé une approche semblable en vue de mettre fin à l’apartheid israélien. La militante historique Adri Nieuwhof a récemment écrit pour Electronic Intifada que l’enregistrement par l’ONU des sociétés, athlètes et professionnels du spectacle complices de l’apartheid sud-africain avait donné un élan important à la campagne internationale de solidarité.
« Le fait qu’Israël veuille tuer dans l’œuf la base de données prévue est le signe d’une désespérance » a écrit Nieuwhof. « Israël est déjà un État paria dans l’esprit des gens ordinaires dans le monde. Si les crimes d’Israël ne cessent pas, son isolement ira croissant ».
« Nous espérons que le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU restera ferme et publiera la liste complète des entreprises opérant illégalement dans ou avec les colonies israéliennes sur de la terre palestinienne volée et qu’il développera cette liste suite à l’appel du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de mars 2016 » a déclaré Omar Barghouti cofondateur de BDS.
« Si elle est mise en œuvre correctement, cette base de données de l’ONU des entreprises complices de certaines des violations par Israël des droits humains, peut augurer d’un début de la fin de l’impunité criminelle d’Israël ».