Journée mondiale de la femme

Redigé par Mme Thérèse Moufarej Malvezin

Barcelone – 20/03/23

Politicienne – ex ministre et deputée.

La journée internationale des femmes nous offre chaque année l’occasion de célébrer la place qu’occupent les femmes dans la société. Elle est l’occasion de faire le point sur la situation des femmes, de fêter les victoires et les avancées, mais aussi de mettre en avant la lutte pour les droits des femmes et pour plus d’égalité.

Nous donnons la parole aujourd’hui sur notre page internet www.odiaspora.org ( section espagnole) à Madame Nada boustani

ex ministre de l’energie et actuellement député libanaise de la region kesrwane el ftouh.

  1. Parlez-nous de votre parcours

Après des études supérieures et un début de carrière en France, ou j’ai travaillé dans le domaine de l’électricité, je suis retournée au Liban, pour aider à la reconstruction du secteur de l’électricité, ou le ministre Bassil avait initié le chantier de reconstruction.

Après 10 ans de conseil au ministère, j’ai été la première femme nommée ministre de l’Énergie et de l’Eau au Liban, tout en étant enceinte, et ainsi j’ai accouché pendant mon mandat, ce qui démontre qu’une carrière réussie est compatible avec une vie familiale.

Malgré le rôle politique actif de ma mère pendant la guerre civile, il m’a fallu plusieurs années d’apprentissage avant de me lancer complètement dans la vie politique ; En Mai 2022, j’ai été élu député au Parlement pour représenter la région du Kesserwan.

  1. Comment vous êtes arrivé à la politique ?

Après une License d’économie à l’Université Saint Joseph de Beyrouth, j’ai poursuivi mes hautes études à l’ESCP -Ecole Supérieure de Commerce de Paris- et me suis spécialisée en organisation et stratégie ; J’ai ensuite travaille a Paris avec des bureaux de conseil spécialisé dans le secteur de l’énergie.

Lorsque, j’ai lu dans les journaux que le nouveau ministre libanais de l’énergie travaillait pour instaurer de nouveaux plans pour redresser le secteur de l’énergie et de l’eau, je suis retourné au Liban pour faire part de la nouvelle équipe du ministère

Après neuf ans de travail, j’ai a été nommée ministre de l’Énergie et de l’Eau. Ma nomination a fait suite à un travail intensif sur des dossiers clés du ministère.

Cette nomination n’était pas une surprise, mais plutôt une suite logique couronnant mes efforts, et pour laquelle d’ailleurs je remercie le président Michel Aoun et le ministre Gebran Bassil, qui ont toujours encouragé et soutenu les femmes en leurs proposant des opportunités leur permettant de se prouver et de remplir leur rôle dans la société tout en étant bénéfique pour le pays; Et ainsi aujourd’hui, je suis député du parlement Libanais, représentantE de la Région du Kesserwan

3- Quand vous étiez au ministère de l’énergie, avez-vous expérimenté qu’il fallait être plus convaincante, travaillez plus, pour gagner la confiance des hommes ?

Rien au Liban n’encourage les femmes à entrer en politique ! Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une société patriarcale, qui n’accepte pas aisément l’égalité entre hommes et femmes.

J’ai été la première ministre de l’Énergie et de l’Eau, un ministère souverain, de plus, j’ai été nommée ministre à un jeune âge et j’étais enceinte de ma deuxième fille ; Beaucoup de facteurs qui ne plaisent pas à l’homme traditionnel, arrogant et masculin.

Lors des réunions du cabinet, certains d’entre eux m’interrompaient fréquemment et essayait même de m’arrêter de parler et d’expliquer mes propositions. J’avais souvent besoin de crier pour être entendue, mais ils me connaissaient mal, je persistais et finissais toujours mon idée.

Ainsi, une femme doit toujours se faire entendre et ne devrait pas s’arrêter aux obstructions qui l’empêche d’exprimer ses opinions ou de communiquer ses idées.

4- Qu’aviez-vous découvert de passionnant pendant votre mandat de ministre ?

L’accomplissement des projets, pouvoir finaliser les plans, tout était passionnant dans ce secteur vital pour toute économie, il faut dire que c’est le ministère de toutes les énergies, donc le secteur de l’avenir et grâce au support indéfectible du président de la République, nous avons pu finaliser les accords pour l’exploration du Gaz et du pétrole, et donc lorsque les ententes politiques l’ont permis tout était prêt pour le lancement, en espérant que ce secteur pourra un jour fonctionner correctement loin des querelles politiques. Je n’oublierai pas non plus le travail accompli pour encourager et développer une énergie renouvelable qui représente le futur propre du monde et de l’humain.

5- Pendant la compagne électorale, était-il difficile de convaincre les gens à voter pour une femme ?

Effectivement, j’ai beaucoup entendu cette phrase « Il n’y a plus d’hommes pour se présenter dans la région du Keserwan », mais cela au lieu de me décourager, a renforcé ma conviction, et m’a poussé à me battre pour leur prouver qu’une femme vaut un homme, sinon plus ; pourtant cela n’était pas le cas de la majorité, qui elle m’a encouragé.  

Ce qu’il faudra faire comprendre aux abstentionnistes, c’est que le vote est n’est pas lié à un homme ou une femme mais c’est un levier indispensable pour aller au bout de nos engagements, changer les choses en profondeur et avoir un impact.

6- Vous êtes vous heurté à des refus ?

Bien sûr ! mais je ne me rends pas facilement, et parfois il suffit de quelques échanges et d’un dialogue ouvert pour pousser l’autre personne à réfléchir et à accepter de remettre en question certaines idées reçus.

7- Une fois élu est- il difficile pour une femme de faire sa place parmi les hommes ?

Partout, les femmes doivent surmonter des obstacles inconnus des hommes tant dans leur vie professionnelle que dans leur vie personnelle. Il est difficile pour la femme d’être mère tout en faisant carrière dans une société patriarchale parce que nous sous-estimons toujours en tant que femmes nos capacités et nous ne croyons pas assez en nous-mêmes, et quand l’occasion se présente, nous avons peur et nous sommes inquiètes, et cela est le résultant du manque d’encouragement et de confiance. Moi je me bats pour que cette situation change et que cette mentalité évolue

8- Et quant à la parité à l’assemblée ?

Bientôt J’espère, dans tous les cas le parti auquel j’appartiens, fait tout pour renforcer le rôle de la femme dans la société, et pour qu’elle prenne part aux rôles qui lui sont destinées dans la société, mais il faut aussi que les femmes se battent, qu’elles veuillent y aller, ce n’est pas non plus un travail facile, il faut avoir un bagage solide, une éducation bien bâti, car comme on l’a dit précédemment, ce travail nécessitera plus d’effort pour une femme que pour un homme.

9- Quelles qualités apportent les femmes ?

Les femmes ont réalisé des progrès remarquables dans de nombreuses professions, la participation des femmes en politique fait toute la différence. Elles apportent des compétences et des points de vue différents qui permettent de façonner un nouvel ordre politique. La présence des femmes dans les Parlements a influencé la manière dont fonctionne cette institution, comme le langage et les comportements des parlementaires, la priorité accordée aux questions et aux politiques, l’intérêt porté à tous les aspects de l’administration, notamment l’élaboration des budgets, l’introduction de nouvelles législations, et la réforme des lois existantes. Même si les femmes ne constituent pas un groupe homogène, elles tendent à donner plus d’importance aux droits des femmes.

10- Selon vous, quel est le plus grand défi du fait d’être une femme aujourd’hui ?

Le plus grand défi pour les femmes c’est de trouver l’équilibre, entre travail, vie de famille et accomplissement personnel.

Les femmes s’engagent pleinement dans leurs travails, et en même temps se débattent férocement pour offrir a leur famille et surtout a leurs enfants tout ce dont ils ont besoin, et dans les deux cas on leurs demande plus qu’aux hommes ; Prenez le cas d’un homme qui fait carrière, il va déléguer presque complètement ses responsabilités familiales a sa femme, alors qu’une femme n’a pas et ne veut pas de ce luxe, elle reste impliqué dans les détails de la vie de ses enfants, elle doit guider et gérer sa maison même a distance, et en même temps elle doit se battre doublement dans son travail pour s’imposer ; ce qui fait qu’elles finissent par sacrifier tout ce qui mène a leur accomplissement personnel, et donc à réduire les moments de resourcement et de loisir, ce qui a la longue génèrera de la fatigue, de la démotivation.

11- Selon vous, quel est le stéréotype le plus dangereux à propos des femmes ?

« Le sexe faible » est le stéréotype le plus dangereux, c’est le meilleur moyen pour garder une femme au deuxième plan, pour la priver des rôles qu’elle peut et qu’elle doit jouer. Il est vrai qu’elle reste le symbole de la tendresse et de l’amour car elle est mère et sacrifice, mais je suis convaincu que c’est elle la force qui pousse le monde autour d’elle a toujours se dépasser

12- L’égalité femmes-hommes, ou en est-on dans le monde de travail ?

Les femmes et les filles représentent la moitié de la population et donc la moitié de son potentiel. L’égalité des sexes, en plus d’être un droit humain fondamental, est essentielle à la mise en place de sociétés et au développement du potentiel humain. De plus, l’expérience durant les crises a démontré que les femmes contribuent à la productivité et la croissance économique. Mais, malheureusement, la femme est privée de certains des droits qui lui reviennent. Et c’est ce que nous travaillons à changer grâce à notre rôle dans la commission parlementaire des affaires féminines et de l’enfance.

13- Et l’équilibre vie pro-vie perso ?

C’est une bataille de tous les jours et il faut apprendre à trouver et à jongler avec cet equilibre.

Bien sûr il serait impossible à réaliser sans l’engagement des gens qui m’aiment et me soutiennent, ma famille et en particulier mon mari, qui me soutient, m’encourage et me pousse tous les jours a me dépasser et aller plus loin.

14- Quel conseil donneriez-vous à nos lecteurs pour traiter au mieux le sujet de l’égalité femmes-hommes ?

Les femmes doivent se battre et se donner les moyens d’y arriver, mais les hommes doivent aussi se battre pour elles, car ils ne se battent pas seulement pour une idée, ils se battent en fait pour leurs femmes, pour leurs mères mais aussi et surtout pour leurs filles, pour élargir leurs horizons et leurs permettre d’évoluer comme elles le méritent.

En fait les femmes et les hommes doivent se battre pour plus de justice et pour une société mieux faite qui perdrai sa moitié si elle garde la femme a l’ombre, et j’irai encore plus loin en affirmant avec Aragon que : »La femme est l’avenir de l’Homme »…