Introduction :
Joumana Bousaab-Mazigi est originaire de Ras Baalbeck, village frontalier occupé partiellement par Daesh et champ de bataille depuis plusieurs années. Elle est aussi la sœur du lieutenant martyr Georges Bousaab. A ces deux titres, elle est un témoin privilégié des derniers évènements auxquels a assisté le Liban et qui ont abouti à la libération de son territoire occupé par les forces terroristes islamistes. Elle nous livre ses sentiments et son analyse dans un entretien exclusif à Odiaspora.org.
Odiaspora : Vous êtes originaire de Ras Baalbeck, le village où une partie des combats a eu lieu et vous y êtes actuellement. Quel est le sentiment ambiant autour de vous après la fin de la bataille ?
JBM : Depuis le premier jour de la bataille, je me suis rendue à Ras Baalback. C’est à la fois un signe d’attachement à notre terre mais aussi un besoin d’être à côté de notre armée. Pouvoir aider la troupe tant moralement que matériellement nous procure un énorme sentiment de fierté.
Aujourd’hui le sentiment est que la bataille est finie, les pertes humaines sont relativement minimes ce qui constitue en soi une grande victoire pour l’armée qui a prouvé sa puissance qui rivalise avec les meilleures armées du monde.
L’ambiance dans notre village est très émouvante, tout le monde est dans la rue pour accompagner les troupes qui descendaient du front ; le village est devenu comme une ruche, fier des soldats qui sont eux-mêmes fiers de la population. Les militaires ont le moral au zénith, c’est la première fois depuis quatre ou cinq ans que l’armée a recouvré sa dignité, son honneur et sa liberté de décision pour libérer le territoire sans aucun calcul politique. Nous aurions souhaité voir tous les libanais dans notre village avec nous. Je recevais tous les jours une dizaine de personnes venant de Beyrouth pour partager ces moments exceptionnels.
Nous commençons à comprendre le vrai sens du patriotisme, de l’appartenance, d’être près de ses soldats, de son armée. Nous sommes conscients que si la décision d’intervenir avait été prise depuis quatre ou cinq ans nous aurions pu éviter beaucoup de martyrs, beaucoup de souffrance et de larmes.
Odiaspora : Le bonheur de la victoire est entaché par le martyr des militaires qui étaient kidnappés par Daesh. Vous êtes la sœur d’un héros de l’armée tombé en martyr à Abra et bien placée pour savoir que le retard dans la prise de décisions courageuses au bon moment rend le prix de la victoire plus lourd. Qu’elle est votre impression à ce niveau ?
JBM : Aujourd’hui c’est un grand jour pour nous avec cependant un sentiment de tristesse énorme dû à la nouvelle de l‘assassinat des soldats kidnappés. Si la décision politique avait été prise il y a trois ans ces soldats auraient été parmi nous aujourd’hui.
Le prix de la victoire est toujours cher, le tribut de cette libération a été payé par le sang des soldats mais les frontières des pays se dessinent toujours avec le sang des martyrs. Il y a un très fort sentiment de victoire entaché par la nouvelle du martyr des soldats kidnappés. Nous ressentons l’envie de célébrer mais nous n’en sommes pas capables à cause de cette nouvelle.
Les responsables politiques il y a quelques années ont commis un énorme péché en autorisant le retrait des terroristes de Ersal sans relâcher les soldats qu’ils avaient kidnappés. A ce moment-là, il y avait une complaisance, une fausse politique qui gérait le pays et qui a abouti au martyr des soldats ; les dirigeants de l’époque sont responsables de cette issue car la libération des soldats eût été possible mais les interventions politiques suite à la fameuse « médiation » des soi-disant ulémas musulmans a permis aux terroristes de se retirer du village en gardant avec eux les soldats kidnappés.
Odiaspora : Que faut-il faire pour éviter ce type de situations et donc ces drames ?
JBM : Pour éviter ces erreurs il faut interdire les interventions politiques dans l’action militaire car l’armée est capable de protéger le territoire, décider à quel moment et à quel endroit elle doit intervenir car elle est capable d’assumer ses responsabilités, protéger les frontières et honorer ses martyrs.
Odiaspora : Ressentez-vous de vraies différences avec la présidence du Général Michel Aoun ?
JBM : A certains moments, même le martyr n’avait pas de valeur. Actuellement, avec la nouvelle présidence le martyr est honoré, le soldat valorisé et son moral soutenu, l’armée entoure ses militaires et le plus important c’est que nous avons un président de la République issu de l’armée qui sait la protéger et qui lui a ramené sa dignité et son honneur.
Nous ne pouvons que reconnaître le rôle majeur joué par le commandant en chef de l’armée libanaise, le Général Joseph Aoun, qui a su prendre la décision courageuse, qui a promis de libérer le territoire et trouver une issue au drame des soldats kidnappés et qui l’a fait. Nous avions vraiment besoin d’un commandant en chef comme lui avec toutes ces qualités.
Mais sans la présence du chef supérieur des forces armées le président Michel Aoun nous n’aurions jamais pu vivre ces moments exceptionnels et nous n’aurions jamais pu libérer ces territoires pris par les terroristes.