L’alliance entre le président Saad Hariri et le Dr Samir Geagea est à son plus bas niveau depuis 2005, les divergences de vues accumulées au fil des ans ont atteint leur paroxysme cette année.
La nouvelle loi électorale, dont le dossier a été ouvert il y a trois ans, a enregistré une première divergence d’intérêts entre le Moustaqbal et les Forces libanaises (FL). Le parti de Hariri a été pris au dépourvu par l’adhésion des FL au projet de loi orthodoxe proposé par le général Michel Aoun, projet qui fut le premier et unique fruit des réunions patronnées par le patriarche Béchara Raï, qui ont consacré la réconciliation des quatre pôles maronites. L’attitude des FL à l’époque avait été mal perçue par le Moustaqbal qui a considéré qu’elle affaiblissait son rôle de négociateur au niveau du débat sur la loi électorale et qu’elle servait le Hezbollah, d’une façon ou d’une autre. Cet écueil a finalement été contourné lorsque les FL ont renoncé à la loi orthodoxe et conclu une entente avec le Moustaqbal et le Parti socialiste progressiste (PSP) sur une formule mixte prévoyant l’élection de 68 députés au scrutin majoritaire et 60 à la proportionnelle.
Autre sujet de divergence, la présidentielle, qui a connu un virage subit et fondamental avec l’abandon par le Moustaqbal du candidat Geagea au profit du candidat Frangié à la suite d’un accord bilatéral avec ce dernier. Ce virage a provoqué comme un choc chez le chef des FL, sachant que l’entente conclue à Paris a été scellée sans aucune coordination avec lui, surtout qu’elle cède la présidence au camp du 8 mars et particulièrement à l’adversaire le plus acharné des FL. La réponse du Dr Geagea ne s’est pas fait attendre, provoquant surprise et consternation dans les milieux haririens, lorsqu’il a pris l’initiative d’avancer la candidature de son «concurrent», le général Aoun à la présidence. Ce développement aura suffi à rebattre les cartes présidentielles via l’émergence d’un «bloc chrétien» barrant le chemin de Baabda à Frangié. C’est le Dr Geagea qui a ainsi fait échec au plan mis au point par l’ex-Premier ministre, estime ce dernier. Un plan en deux points qui prévoyait: Frangié à Baabda et Hariri au Sérail.
Enfin, les municipales ont approfondi la crise de confiance et se sont achevées sur un échange d’accusations. A Beyrouth, les FL ne se sont pas vraiment activées pour soutenir la liste des Beyrouthins dont elles faisaient partie, accuse le Moustaqbal. En revanche, Maarab pointe du doigt le parti bleu qui est intervenu contre les FL dans plus d’une région (à Zahlé avec Myriam Skaff, à Kobayate avec Hadi Hobeiche, à Tannourine avec Boutros Harb et même à Bécharré). L’importance des municipales réside dans le fait qu’elles donnent un indice premier de la future relation entre les deux partis lors des prochaines législatives.
Parallèlement, il est clair que le Moustaqbal comme les FL veillent à juguler la tension, même si cela nécessite la publication d’un mémo interne par Geagea dans lequel il appellerait tous les cadres FL à s’abstenir d’attaquer ou de critiquer le Moustaqbal… cela afin de réaffirmer l’importance de la relation bilatérale et sa dimension stratégique dans le cadre de la coalition du 14 mars. On reconnaît l’existence des divergences, mais il existe aussi une volonté et une possibilité «d’organiser ces divergences» afin d’éviter la «rupture». Mais en dépit des ces assurances, la relation FL-Moustaqbal passe par une phase délicate. Le sort de cette relation sera déterminé à la lumière de deux échéances parallèles:
♦ L’échéance présidentielle avec deux éventualités: premièrement, le renoncement de Hariri à l’option Frangié au profit d’un président consensuel. Le Dr Geagea laissera-t-il alors tomber le général Aoun? Deuxièmement, l’appui de Hariri à Aoun. Sera-t-il suffisant à un retour à la case départ de la relation entre les deux partis?
♦ L’échéance législative à la lumière de la rupture des deux contrats du 8 et du 14 mars et la conclusion d’éventuelles nouvelles alliances: si Hariri décide de se passer de Geagea et de le remplacer par de nouveaux alliés (Frangié et Skaff) et d’anciens aussi (Kataëb et indépendants), le chef des FL a aussi des remplaçants. Il ne s’agit pas seulement du général Aoun, mais il peut infiltrer la scène sunnite via un allié principal… Achraf Rifi!
La «modération sunnite»
La situation dans laquelle se trouve le Moustaqbal aujourd’hui, certains en font assumer la responsabilité au Hezbollah qui n’a pas su traiter avec «la modération sunnite» incarnée par le Courant du futur. Les concessions proposées par Saad Hariri, dont la dernière est la désignation de Sleiman Frangié à la présidence, ont été accueillies de manière totalement négative par le Hezbollah, ce qui a ouvert la voie à une sorte de dérèglement au niveau de la base du Futur dont une partie s’est sentie attirée par les symboles radicaux, à l’instar du phénomène Rifi.