Saad Hariri doit pouvoir “retourner librement” au Liban, déclare Édouard Philippe.
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui a entamé mardi matin une tournée européenne sur fond de crise avec l’Arabie saoudite, depuis la démission surprise du Premier ministre, Saad Hariri, qui se trouve depuis à Riyad, a été reçu dans l’après-midi à l’Elysée par le président français, Emmanuel Macron.
“J’ai remercié Emmanuel Macron pour l’initiative qu’il entreprend pour le Liban face à cette situation exceptionnelle”, a déclaré M. Bassil à l’issue de la réunion lors d’une conférence de presse tenue à l’ambassade de Beyrouth à Paris. “Nous avons affirmé que c’est le Liban qui décide de sa politique interne et externe et ce conformément à la volonté de son peuple qui élit ses représentants, a-t-il ajouté. Le Liban tient à sa décision libre.”
Depuis sa démission annoncée le 4 novembre depuis l’Arabie saoudite, d’où il a dénoncé la “main mise” de l’Iran sur son pays, Saad Hariri n’est pas rentré au Liban pour présenter officiellement sa démission. Et ce malgré les appels unanimes de la classe politique libanaise, y compris de la part du Courant du Futur, le parti de M. Hariri. Ces derniers jours, plusieurs hauts responsables libanais ont même affirmé que le Premier ministre est retenu contre son gré dans la capitale saoudienne. Mais dans une première interview depuis sa démission, Saad Hariri a affirmé dimanche qu’il allait rentrer “très bientôt” dans son pays, assurant être “libre” en Arabie saoudite. Mardi, il a de nouveau annoncé son retour “dans les deux prochains jours”, après une rencontre avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à Riyad.
“La France et nous-mêmes attendons le retour de M. Hariri dans son pays comme il l’a promis dimanche et à nouveau aujourd’hui pour en finir avec cette situation anormale, a dit M. Bassil. Pour le chef de la diplomatie, “c’est à M. Hariri de décider librement s’il souhaite rester Premier ministre”. “Il y a des règles constitutionnelles qu’il faut respecter pour qu’il présente sa démission, ou la retire. Ce qui nous importe, c’est qu’il soit dans des conditions libres et non comme aujourd’hui dans une situation ambiguë et pas normale”, a-t-il souligné. Et d’insister : “La seule chose qui prouve qu’il est libre de rentrer c’est qu’il rentre”.
“Recourir aux lois internationales”
Interrogé par un journaliste sur l’éventualité que le Liban saisisse le Conseil de sécurité si M. Hariri n’est pas de retour au Liban la semaine prochaine, M. Bassil a répondu : “Le Premier ministre a lui-même défini le délai de son retour (quelques jours, ndlr) et le président a parlé d’un délai d’une semaine, sinon on devra recourir aux lois internationales”. Et de poursuivre : “Nous ne voulons aucun mal au royaume et aucune ingérence dans ses affaires, mais nous voulons aussi protéger le Liban et nous espérons ne pas avoir à recourir aux lois internationales”. “Le Liban tient à maintenir de bonnes relations avec l’Arabie et à la résolution des crises dans le cadre des relations bilatérales”, a-t-il ajouté.
Et M. Bassil de lancer : “Le Liban n’est pas un pays qui exporte le terrorisme et la violence ou qui s’ingère dans les affaires des autres pays. Le Liban veut vivre en paix et veut préserver son unité et sa stabilité”.
“Retourner librement”
Parallèlement à la réunion de l’Elysée, la crise politique libanaise a été évoquée à l’Assemblée nationale française lors de la séance de questions des députés. C’est dans ce cadre que le Premier ministre français Édouard Philippe a déclaré que son homologue libanais Saad Hariri devait pouvoir “retourner librement” dans son pays.
“L’enjeu est que M. Hariri puisse retourner librement dans son pays pour clarifier sa situation conformément à la Constitution libanaise”, a dit M. Philippe, en expliquant que la démission de Saad Hariri, en direct d’Arabie saoudite, ouvrait “une période d’incertitude qu’il (fallait) clore rapidement”.
Édouard Philippe a assuré que la France portait “une attention toujours particulière au Liban”, un pays “qui, dans une région en guerre, reste à l’évidence un modèle de diversité qu’il faut absolument préserver”.
“Face à cette situation, la France agit pour que les partis libanais, tous ceux qui exercent une influence au Liban, s’engagent pour que la situation revienne au plus vite à la normale”, a-t-il ajouté.
Selon lui, “il est également important que tous les partis libanais s’engagent à respecter la paix civile, à maintenir le Liban à l’écart des crises régionales et à éviter les ingérences. C’est indispensable pour le bien du Liban, c’est indispensable pour le bien de toutes ses communautés”.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian doit se rendre en Arabie saoudite mercredi et “examinera avec les autorités saoudiennes les moyens de sortir de la situation actuelle”, a rappelé le chef du gouvernement. “Nous prenons et nous allons prendre les initiatives nécessaires pour que le Liban reçoive tout le soutien international qu’il mérite”, a-t-il assuré.
Le Premier ministre a aussi rappelé que le président Emmanuel Macron s’était entretenu le 9 novembre avec le prince héritier d’Arabie Saoudite à Riyad à ce sujet, et que l’ambassadeur de France à Riyad avait également “rendu visite au Premier ministre libanais à son domicile récemment”.