Anatomie du vote à Beyrouth I

Le ministère de l’Intérieur a publié hier les résultats détaillés des élections législatives tenues dimanche dernier. L’heure est à l’analyse des résultats, à commencer par Beyrouth I.

La compétition électorale dans cette circonscription, qui regroupe Achrafieh – Rmeil – Saïfi et Medawar, revêt une importance certaine. Et pour cause : la bataille a opposé les principales formations chrétiennes (en l’occurrence les Forces libanaises, les Kataëb et le Courant patriotique libre) à des personnalités indépendantes à l’instar du ministre d’État à la Planification, Michel Pharaon, et l’homme d’affaires Antoun Sehnaoui. Sur cet échiquier s’est également greffé le parti Tachnag (allié au CPL, de même que le courant du Futur), mais aussi la coalition « Koullouna Watani » qui regroupe des factions de la société civile et des personnalités indépendantes.

Ces candidats se sont répartis sur cinq listes. L’une est née de l’alliance entre les FL, les Kataëb, Michel Pharaon et l’homme d’affaires Antoun Sehnaoui, représenté par le candidat Jean Talouzian. En face, et à la faveur du compromis politique qui a donné le coup d’envoi au sexennat du général Michel Aoun, le Courant patriotique libre s’est présenté côte à côte avec le courant du Futur et le parti Tachnag, sachant que l’annexion de Medawar à la circonscription majoritairement chrétienne a fait des Arméniens et, dans une moindre mesure des sunnites, des électeurs décisifs.

Tentant de profiter de la proportionnelle initiée par la nouvelle loi électorale, des composantes de la société civile rassemblées sous le label Koullouna Watani ont composé leur liste, de même que notre consœur Michèle Tuéni (la liste Nous sommes Beyrouth) et d’autres personnalités indépendantes qui se sont regroupées dans une liste baptisée « La fidélité à Beyrouth ».

 

Les chiffres officiels  
Pour ce qui est des chiffres, 137 733 électeurs inscrits devaient prendre part au scrutin. Mais seules 44 714 personnes ont voté, et l’on compte 313 bulletins blancs et 1 048 annulés. Les suffrages exprimés s’élèvent donc à 43 666, répartis comme suit : 313 bulletins blancs, 16 772 pour la liste « Beyrouth I » (FL-Kataëb-Pharaon-Antoun Sehnaoui), 18 373 pour la liste « Beyrouth I forte », née de l’alliance tripartite CPL-Futur-Tachnag, contre 6 842 pour le label « Koullouna Watani », 1 272 pour « Nous sommes Beyrouth » et enfin 94 voix pour « La fidélité à Beyrouth ». Le coefficient électoral s’élève donc à 5 458,25. Les listes « Nous sommes Beyrouth » et « La fidélité à Beyrouth » n’ayant pas atteint ce coefficient, qui est le seuil d’éligibilité, n’ont donc emporté aucun siège.

Après l’élimination de ces deux listes, le nouveau coefficient électoral devient de 5 287,5. C’est sur base de ce chiffre que l’on calcule le nombre de sièges emportés par chaque liste qualifiée. Il s’agit du résultat de la division du score de chaque liste par le nouveau coefficient électoral. La liste « Beyrouth I » a obtenu 3,17, soit trois sièges, alors que la liste parrainée par les aounistes et les haririens a obtenu 3,47, soit 3 sièges aussi, et une seule place pour Koullouna Watani. Il reste un siège qui revient à la liste ayant obtenu la décimale la plus élevée, à savoir la liste CPL et alliés.

Le vote préférentiel 
C’est à ce stade qu’intervient le vote préférentiel pour déterminer les nouveaux élus. Les gagnants sont le général à la retraite Jean Talouzian (arménien-catholique, mouvance FL, et qui était présent hier à la toute première réunion du bloc parlementaire du parti, tenue à Meerab) qui a obtenu 4 166 votes; du député Nadim Gemayel (maronite, Kataëb), avec 4 096 voix; et de Imad Wakim (grec-orthodoxe, FL) qui a remporté la compétition avec 3 936 suffrages. Du côté du CPL, il y a le vice-président du parti, Nicolas Sehnaoui, qui succédera à Michel Pharaon au siège grec-catholique de la capitale, après avoir obtenu 4 788 voix préférentielles (contre 3 214 voix pour M. Pharaon).

Quant aux sièges arméniens, le parti Tachnag a réussi à en rafler deux (arméniens-orthodoxes) qu’occuperont Hagop Terzian et Alexandre Matossian (avec 3 451 et 2 376 voix respectivement).  Quant au troisième siège arménien-orthodoxe, la société civile à réussi à l’emporter, menant Paula Yacoubian à l’hémicycle, à l’issue du scrutin dans le cadre duquel elle a obtenu 2 500 voix.

Pour ce qui est des minoritaires, et à l’issue d’une vive polémique, le candidat aouniste Antoine Pano a détrôné la journaliste Joumana Haddad (de la liste Koullouna Watani). M. Pano a obtenu 539 votes préférentiels contre 231 seulement pour Mme Haddad, selon le ministère de l’Intérieur.

S’il est vrai que l’application du système de vote préférentiel à un scrutin tenu conformément à la proportionnelle réduit les avantages de celle-ci, il permet de définir les poids politique et populaire des protagonistes qui ont pris part à la compétition. Ainsi, les candidats CPL Nicolas Sehnaoui et Antoine Pano ont obtenu un total de 5 327 voix, à l’heure où leurs concurrents FL Imad Wakim et Riad Akel ont enregistré un score de 4 364.

Si on prend en compte l’ensemble de la mouvance FL-Kataëb, il faut ajouter à ce score les 4 096 voix obtenues par Nadim Gemayel, dans la mesure où les deux partis convergent sur les grandes lignes politiques, et l’on obtient à 8 460 voix. Un chiffre auquel il conviendrait d’incorporer le score de Jean Talouzian, ce dernier puisant son électorat dans les mêmes milieux. Reste à souligner que la victoire et le score relativement élevé de M. Talouzian reflètent une parfaite mobilisation électorale pour une personne qui vient de faire son entrée dans le domaine politique.