Ils sont venus, ils sont tous là, vieux avec leurs souvenirs, leurs émotions et les larmes de la victoire retrouvée et jeunes n’ayant connu du 13 octobre 1990 que les récits de leurs aînés. Cette journée de vœux populaires au palais de Baabda, rebaptisé comme pendant les années 89-90 « Maison du peuple », a été surtout marquée par la décision du président Michel Aoun de faire participer ceux qui ne l’ont jamais quitté, contre vents et marées, à son accession à la tête de la République.
Il n’a jamais cessé de croire à son rêve et à la justesse de sa cause et ils n’ont jamais cessé de croire en lui, heureux simplement de pouvoir l’apercevoir et l’entendre les interpeller, reprenant la formule qui a marqué leurs esprits : « Grand peuple du Liban ». Ces milliers de citoyens qui ont répondu à l’invitation lancée par la présidence de la République en ce dimanche 6 novembre n’en demandaient pas plus. Ou peut-être juste un peu. Élie Kahwagi, comme tant d’autres militants de la première heure, aurait voulu pouvoir dresser rien que pour une nuit les tentes dans la cour du palais pour revivre vraiment la période de septembre et octobre 1990 et effacer définitivement les images de la défaite. Au cours d’une réunion préparatoire, il a même lancé cette idée, mais pour des raisons de sécurité, elle a été écartée. Il a fallu donc se contenter de ce qui était possible. Il faut dire que le président Aoun a bravé, pour ses partisans, les consignes de sécurité, insistant pour être en contact direct avec eux, à partir d’une tribune installée à l’entrée du palais, sans même un vitrage blindé pour le protéger.
Lorsqu’il apparaît en costume civil, sans cravate, et qu’il commence à parler, lançant la phrase tant attendue, la plupart des présents ont les larmes aux yeux, ne pouvant plus contrôler leur émotion. Des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants, tous écoutent avec avidité, comme si le temps pour eux s’est arrêté. Plus tard, lorsqu’ils retrouvent leur voix, ils racontent que ce moment a effacé toutes les vexations subies pendant des années, la peur des persécutions et des arrestations pour un coup de klaxon ou pour un tract distribué, ainsi que les moqueries essuyées depuis 2005 parce qu’ils continuaient à croire en leur leader. En quelques secondes, ils ont revécu 27 ans de lutte et de militantisme, jalonnés de guerres, de coups ddurs, de mise au ban, sans que jamais l’espoir du changement ne disparaisse. L’un des présents, qui a vécu la période de 1989-1990, confie que pour lui, « la boucle est bouclée ». Pour eux, c’est un phénomène unique en son genre au Moyen-Orient, un leader qui réussit à conserver ses partisans et à maintenir en eux la flamme de la lutte et de la foi, pendant plusieurs décennies et malgré les revers, pour leur offrir finalement la victoire.
Les partisans du général devenu président précisent qu’avec lui, ils ont vécu de nombreux moments forts, certains dramatiques et d’autres heureux, comme son retour au pays le 7 mai 2005. Mais ils sont tous d’accord pour affirmer que cette fois-ci, la joie est multipliée par cent. Ne craignent-ils pas de perdre leur chef, maintenant qu’il est devenu président de tous les Libanais ? Ils répondent simplement : « Nous l’avons toujours vu ainsi, même lorsqu’il était combattu et qu’on cherchait à l’éliminer politiquement. Grâce à lui, un rêve immense, à l’échelle de la nation, s’est réalisé et ce bonheur, c’est à lui qu’on le doit. »
Pour cet homme entre deux âges au visage marqué des rides de la souffrance, la plus grande joie est de voir le nombre de jeunes qui participent à cette manifestation. « Eux n’ont pas eu la chance de connaître le général dans les années 80 et 90, dit-il. Et pourtant leur émotion est immense, c’est cela la grandeur de cet homme qui a tellement marqué ses partisans qu’ils ont réussi à transmettre à leurs enfants le flambeau intact. »
Le discours terminé, les partisans traînent les pieds sur le chemin du retour. Ils ont du mal à quitter la cour et la route menant vers le palais présidentiel, souhaitant que cette journée ne finisse jamais…
Le 6 novembre restera donc dans leurs esprits comme le symbole de la joie. Mais pour eux, elle ne sera pas la dernière étape de leur parcours. Nadim estime ainsi que c’est l’ouverture d’une nouvelle page, avec de grandes responsabilités. Mais il n’a pas d’inquiétudes particulières, convaincu que le plus dur est passé. Les aounistes des années 90 ne sont pas lassés de mener des batailles. L’élection présidentielle du 31 octobre qu’ils considèrent comme une victoire leur a permis de recharger leurs batteries et ils sont prêts à concrétiser maintenant leur rêve d’un État fort et juste en se concentrant sur les élections législatives prévues en mai 2017. « Même s’il n’y aura peut-être pas de grands changements au niveau des gens, l’esprit sera différent », affirment-ils. Ils ne craignent pas d’être déçus ou découragés, convaincus qu’avec un chef comme Michel Aoun, qui n’a jamais renoncé à ses rêves, la victoire nationale ne peut qu’être au bout du chemin.
Avec cette manifestation qui s’est couronnée par le discours présidentiel dans la cour du palais, ils ont tourné la page du passé, pour mieux se consacrer au futur qu’ils espèrent plein de promesses. Ils resteront prêts à répondre à tout appel que leur lancera le président qui, disent-ils, a allumé en eux, pour toujours, la flamme de la lutte et l’espoir de la victoire