La bataille du jurd de Ras Baalbeck et du Qaa touche à sa fin. L’armée libanaise, qui n’a même pas eu besoin de renforts supplémentaires ni même de l’unité de réserve envoyée sur place, est sur le point de remporter une victoire éclatante en ayant réussi en quelques jours à chasser les combattants de Daech du territoire libanais.
La dernière phase de l’opération reste toutefois la plus délicate, sachant que le dernier périmètre de 20 km² est plus difficile d’accès que la surface déjà libérée, puisque les soldats libanais mènent l’offensive de bas en haut, les cimes les plus élevées étant encore entre les mains des terroristes des deux côtés de la frontière entre le Liban et la Syrie. Si, officiellement, il n’y a pas de coordination entre l’armée libanaise d’un côté et l’armée syrienne et le Hezbollah de l’autre, Daech, lui, n’a pas ce genre de considérations, ayant un même commandement pour l’ensemble du jurd, dirigé par Mouaffak el-Jorbane, dit « Aboul-Souss », et ses combattants se battent en rangs unifiés, selon une même stratégie.
Selon les experts militaires, les jihadistes ne se battent pas vraiment, se contentant de guetter l’approche des militaires pour leur tirer dessus, dans l’espoir de causer le plus grand nombre de victimes, avant de se replier vers des positions plus éloignées. Cette tactique adoptée depuis le début de l’offensive de l’armée, appelée « l’aube du jurd », avait un objectif : déstabiliser l’armée en lui infligeant le maximum de pertes humaines et militaires. Mais elle n’a pas réussi en raison de la vigilance de la troupe qui a estimé dès le départ que la force de l’ennemi est dans sa volonté de faire le plus de mal possible et dans sa mobilité. En même temps, elle est un signe de faiblesse chez Daech puisqu’elle montre qu’il ne croit pas à une possible victoire préférant améliorer les conditions de sa reddition.
Après l’achèvement de la troisième phase de l’opération, l’armée a choisi de prendre une pause pour justement évaluer la suite du plan et consolider les positions prises à l’ennemi. À ce stade, les combattants de Daech se retrouvent coincés donc dans une superficie d’un maximum de 60 km², 20 au Liban et 40 en territoire syrien. Les deux zones se font face et se résument à deux cimes très élevées, Halimat Qaraa au Liban et Halimat el-Qabou en Syrie. Entre les deux, il y a des vallées et des monts qui portent les mêmes noms. Ainsi, la plaine de Martbaya est en Syrie, alors que la vallée du même nom est au Liban. C’est dire que la géographie des lieux est pratiquement similaire des deux côtés de la frontière. Jusqu’à présent, la majorité des combattants a préféré se replier du côté syrien du jurd, et, selon les experts militaires, l’armée syrienne et le Hezbollah auraient sciemment laissé un couloir de repli aux combattants de Daech qui devraient se retrouver coincés dans un petit espace et contraints soit à négocier dans de mauvaises conditions, soit à mourir. À cet égard, l’armée libanaise a déclaré à maintes reprises qu’elle ne comptait pas mener des négociations avec les terroristes, sachant que le seul point qui reste encore en suspens est celui du sort des neuf militaires entre les mains de Daech depuis août 2014.
L’armée qui a mené jusqu’à présent – et qui compte le faire jusqu’au bout – une opération « propre », sans carnage ni bavures et sans otages, préfère rester très prudente tant qu’aucune indication sérieuse sur le sort des militaires otages ne lui est pas parvenue. Au début de l’offensive simultanée, menée des deux côtés de la frontière, un chef militaire de Daech, surnommé Abou el-Baraa, qui s’est rendu au Hezbollah, a donné des informations sur le lieu où étaient supposés se trouver les neuf soldats, mais un convoi de la Sûreté générale, accompagné d’ambulances de la Croix-Rouge, a eu beau sillonner le coin désigné, il n’a rien trouvé. Un autre informateur, dont les autorités ont préféré taire le nom, a fait d’autres révélations, mais, là aussi, aucun indice consistant n’a pu être recueilli. Le mystère reste donc entier, mais l’armée a mis un point d’honneur à découvrir la vérité avant la fin de cette opération. Si elle ne peut pas négocier avec les terroristes, il n’y a pas de problème à ce que d’autres le fassent et communiquent les informations au directeur général de la Sûreté, le général Abbas Ibrahim, en charge de ce dossier.
En attendant, le plan initial se poursuit donc avec l’objectif de libérer le territoire avec un minimum de pertes. Les 5 soldats de l’armée tombés sur le champ de bataille ont ainsi été, pour la plupart, fauchés par des mines et des charges explosives plantées par les terroristes dans ce vaste espace souvent à découvert. Alors que les pertes des terroristes du côté libanais s’élèveraient à 35, l’armée prend soin de ne pas publier des photos de cadavres pour ne pas prendre le risque de provoquer des polémiques inutiles.
Du côté syrien, les combats n’ont pas marqué de pause, et l’espace dans lequel se sont réfugiés les jihadistes ne cesse de se réduire. Certains médiateurs affirment que les combattants ont réclamé un cessez-le-feu et des négociations qui leur permettraient de se réfugier à Deir ez-Zor. Mais, jusqu’à présent, les conditions qu’ils posent ne sont pas jugées acceptables, selon les mêmes négociateurs. La situation devrait se clarifier au cours des prochains jours