Le secrétaire général du Hezbollah a tiré la sonnette d’alarme concernant la question des législatives en affirmant que le Liban est “au bord du gouffre”.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est efforcé mardi de rassurer les différents pôles politiques libanais concernant la querelle autour de la loi électorale, en vue des législatives censées se tenir en juin, en affirmant que sa formation ne cherchait pas à imposer la proportionnelle aux autres, alors que les discussions font du surplace.
“La loi électorale est, dans une certaine mesure, une question de vie et de mort pour certains. Il est indiscutable que le vote d’une telle loi est d’une grande importance”, a reconnu le leader chiite, lors d’une allocution télévisée retransmise en direct mardi après-midi à l’occasion de “La journée des résistants blessés”. Il faisait allusion aux propos de son allié chrétien, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.
En l’absence d’accord sur une nouvelle loi électorale, le scrutin risque de ne pas se tenir. La loi actuelle, dite de 1960, est fondée sur la majoritaire plurinominale, un mode de scrutin critiqué officiellement par la plupart des formations politiques. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a fixé au 15 mai prochain une séance parlementaire consacrée au vote d’une prorogation de la législature, qui s’achève le 20 mai. La Chambre a déjà prorogé son propre mandat par deux fois, en 2013 et en 2014.
“Comme d’habitude au Liban, lorsque nous sommes face à une question sérieuse, les divergences et les débats sont pris comme prétexte pour régler ses comptes avec les autres pôles politiques”, a regretté le chef du Hezbollah.
“Dans certains articles de presse, on accuse le Hezbollah de ne pas laisser les chrétiens élire leurs députés. Ou ‘encore que le Hezbollah ne veut pas d’une nouvelle loi électorale qui permette au Courant patriotique libre et aux Forces libanaises d’avoir le tiers de blocage au Parlement”, a-t-il ajouté.
Il a dans ce contexte rappelé que lorsque la proposition de loi dite orthodoxe, qui permet à chaque communauté d’élire ses propres députés, a été formulée, son parti avait donné son accord.
“Cette proposition permettait au CPL et aux FL d’avoir plus que le tiers de blocage au Parlement. Je dis donc à ceux qui nous accusent, et plus généralement aux chrétiens du Liban, que nous ne sommes pas derrière le blocage”, a insisté le chef du parti chiite.
“Laissez de côté le duopole Hezbollah-Amal”
“On a également accusé le Hezbollah de vouloir imposer la proportionnelle aux Libanais, notamment aux chrétiens. Or, depuis que nous sommes entrés au Parlement en 1992, nous parlons de la proportionnelle, notamment pour le scrutin de 1996. Il s’agit d’une conviction intime du parti, car la proportionnelle est le mode scrutin qui assure la meilleure représentation nationale”, a martelé Hassan Nasrallah.
Et d’ajouter, à l’adresse des formations chrétiennes : “Prenez vos aises et laissez de côté le tandem Hezbollah-Amal. Vous voulez la majoritaire, la proportionnelle, le mode de scrutin mixte, ou d’autres lois. Soit. Quel que soit le mode de scrutin, le tandem chiite n’a aucun problème. Notre approche du dossier législatif est patriotique. Nous n’évoquons pas la proportionnelle pour faire pression, mais pour apporter des clarifications concernant ce mode de scrutin et rassurer (les autres pôles politiques). Nous aurions pu appeler à des manifestations pour imposer la proportionnelle, mais nous ne l’avons pas fait. Nous ne voulons imposer à personne la proportionnelle ou d’autres modes de scrutin”.
“Le Liban est au bord du gouffre”
“Toutes les communautés au Liban ont des appréhensions, notamment en raison des circonstances régionales, a estimé Hassan Nasrallah. C’est pour cela que ces communautés cherchent des assurances. Mais il faut reconnaître que les chrétiens et les druzes ont davantage d’appréhensions que d’autres communautés. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas appeler à adopter une loi électorale à laquelle s’oppose toute une communauté. Si une proposition est rejetée par tous les chrétiens, ou une grande partie de cette communauté, nous ne pouvons pas appeler à une majorité au sein du Parlement pour voter une telle proposition de loi. Il en est de même lorsqu’il s’agit de la communauté druze. C’est pour cela que nous appelons à l’entente, au dialogue, afin d’obtenir des résultats. Et cela est possible mais nécessite un long souffle et davantage de concessions”.
“Le temps est limité, et le pays est au bord du gouffre”, a dans ce contexte mis en garde le chef du Hezbollah. “Si nous ne votons pas une nouvelle loi, toute les options restantes sont mauvaises : la prorogation, le vide ou les législatives selon la loi de 1960 sont de mauvaises options. Ne prenez pas cela à la légère car personne au monde ne se soucie de notre pays. Le Liban est au bord du gouffre. A quoi sert de rejeter la responsabilité sur les autres ? Cela n’est pas une plaisanterie. Les choses doivent être abordées sérieusement”.
Le leader druze Walid Joumblatt a salué dans un tweet les propos de Hassan Nasrallah, les qualifiant de “précis” et estimant qu’ils “couvrent tout le problème en ce qui a trait à l’importance du consensus et de la nécessité de sortir du cercle vicieux”.
“Les frontières libanaises ne sont plus menacées militairement”
Sur le plan sécuritaire, Hassan Nasrallah s’est félicité de la situation aux frontières libanaises.
“On peut dire aujourd’hui que les frontières libanaises, du Sud à la Békaa, en passant par le Nord et le littoral, à l’exception des hauteurs de Ersal, ne sont plus menacées militairement. Cela veut dire qu’il n’y a plus de villages, collines ou autres positions occupés par des groupes armés à partir desquels ces derniers peuvent lancer des attaques”, a affirmé le leader chiite.
Ersal, localité frontalière de la Syrie, est depuis 2014 le théâtre d’affrontements réguliers mais limités entre des jihadistes d’une part, et l’armée libanaise et le Hezbollah d’autre part.
“Même la menace sécuritaire a considérablement faibli, car ces groupes ne parviennent plus à envoyer des véhicules piégés depuis ces régions. Mais une menace relativement minime persiste”, a-t-il nuancé.
Le conflit en Syrie
Le chef du Hezbollah a ensuite abordé la question de la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011, et à laquelle participe officiellement le parti chiite depuis 2013 aux côtés du régime du président Bachar el-Assad. Il a toutefois occulté l’énorme explosion qui a eu lieu le 27 avril près de l’aéroport international de Damas. La Syrie a accusé son voisin israélien d’avoir provoqué cette explosion, et selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et des sources rebelles hostiles au régime Assad, un dépôt d’armes, vraisemblablement appartenant au Hezbollah, en avait été la cible.
Israël, qui confirme rarement ses nombreuses attaques lancées en territoire syrien depuis le début de la guerre civile en 2011, a laissé entendre qu’il pourrait en être l’auteur.
Hassan Nasrallah s’est toutefois attardé sur l’attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun qui a eu lieu le 4 avril dans la province syrienne d’Idleb (nord-ouest) et qui a fait 87 morts. Le régime Assad a été accusé par plusieurs pays occidentaux, notamment le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les Etats-unis,d’être responsable de cette attaque. En réponse, le 7 avril, 59 missiles de croisière Tomahawk ont été tirés par deux navires américains en Méditerranée vers la base aérienne d’al-Chaayrate près de Homs (centre), d’où selon le Pentagone les avions ayant mené l’attaque chimique présumée avaient décollé.
“On accuse le régime syrien, mais personne ne veut d’investigations”, a regretté Hassan Nasrallah. Nous réclamons une enquête, mais ils (les pays occidentaux hostiles au régime Assad, ndlr) n’acceptent pas de le faire. L’administration Trump, comme à son habitude, s’arroge en tant que juge et parti et bombarde le pays, avec la bénédiction des pays du Golfe. Et ces frappes visent à soumettre ceux qu’elles visent”, a estimé le chef du Hezbollah.