L’explosion sur la route de Zahlé qui a fait un mort et onze blessés le 31 août continue d’occuper les milieux sécuritaires qui précisent que l’enquête n’a pas encore réussi à identifier l’auteur qui a actionné la charge explosive de loin et ses éventuels complices.
Mais ce qui est déjà sûr, c’est que la nature de la charge explosive et sa puissance (4kg) montrent la faiblesse des moyens des coupables.
On est bien loin des précédentes explosions dans plusieurs régions du pays dans lesquelles des explosifs sophistiqués et en grandes quantités étaient utilisés. Selon une source sécuritaire qui suit le dossier, cela ne signifie pas nécessairement que les auteurs de l’attentat n’appartiennent pas à la même mouvance que ceux qui ont déjà été découverts et qui sont proches de Daech et de Nosra.
Cela pourrait simplement vouloir dire que la lutte systématique contre les cellules « dormantes » ou « en réveil », menée par les différents services de sécurité libanais, est efficace et elle a réussi à mettre en difficulté les terroristes, les empêchant de communiquer entre eux et surtout de se procurer des explosifs puissants. La source sécuritaire précitée est convaincue que la cible des criminels était les bus des partisans du mouvement Amal qui se rendaient de Baalbeck à Tyr pour assister à la cérémonie organisée par le président de la Chambre à l’occasion de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr. Même si la charge explosive utilisée est (relativement) petite et les matières dont elle est composée ne sont pas des plus puissantes, elle aurait pu causer d’importants dégâts, si elle avait été actionnée au moment du passage des deux bus bourrés de partisans d’Amal.
De plus, le lieu choisi pour l’attentat est à lui seul un message de la plus haute importance adressé par les criminels au Hezbollah et à Amal. C’est en quelque sorte une réédition, plus « soft » de la tentative des partisans d’Ahmad al-Assir de couper la route reliant la banlieue sud de Beyrouth au sud du pays. Mais il s’agit cette fois de couper la route qui va de la Békaa du Nord, elle aussi considérée comme une région à majorité chiite, à la capitale et au Sud. Si 4 kg d’explosifs ne sont pas suffisants pour couper une telle route vitale pour relier les deux formations chiites avec leurs partisans du Sud et de la Békaa, elle est quand même de nature à créer une instabilité et une peur des déplacements qui ne peut que contribuer à la radicalisation des positions et à augmenter les tensions entre les sunnites et les chiites.
L’objectif des terroristes est donc clair et il est le même depuis des années : essayer par tous les moyens d’alimenter la discorde confessionnelle, pour mettre en principe le Hezbollah en difficulté, mais aussi pour détruire le modèle libanais de coexistence qui est en contradiction totale avec les complots visant à effriter la région.
Cet attentat intervient aussi après la vague d’arrestations dans le camp de Aïn el-Héloué, ou plus exactement le phénomène de repris de justice qui se sont livrés aux autorités après des menaces précises de l’armée et des services d’aller les chercher sur place. Ce qui avait permis au commandant en chef de l’armée de déclarer à la télévision que la situation sécuritaire était grave et le complot contre la stabilité au Liban important, mais il a été déjoué.
L’explosion de Zahlé a donc montré que les terroristes ont encore les moyens d’agir, même de façon limitée. La source sécuritaire précitée relève aussi, à cet égard, le fait que les terroristes n’ont pas utilisé des kamikazes comme ils le font généralement et comme ce fut le cas à Qaa, il y a un peu plus de deux mois. Ce qui pourrait signifier que les terroristes ne parviennent plus à recruter au Liban des candidats pour mener des attentats-suicide et qu’ils ont du mal à les faire venir de Syrie en raison de la fermeture de la plupart des voies de passages à la frontière libano-syrienne du côté du jurd de Ersal et du Qalamoun syrien.
Les combattants de Nosra et de Daech qui continuent à se cacher dans cette zone sont plus que jamais dans une situation difficile, surtout depuis l’accord de Daraya et de Moaddamiyé dans le rif de Damas (Ghouta ouest) qui limite encore plus leur espace géographique. Selon cet accord, les combattants des différentes factions de l’opposition syrienne se sont retirés de ces deux localités, sans être inquiétés, alors que l’État syrien en a repris le contrôle. Après cet accord, les combattants du jurd n’ont pratiquement plus d’autre choix que de se tourner vers Ersal et les camps de réfugiés qui l’entourent et leur marge de manœuvre se réduit de plus en plus.
Le secrétaire général du Hezbollah avait déclaré, dans son dernier discours, que l’armée libanaise est parfaitement en mesure de régler « l’abcès de Ersal », mais il lui manque une décision politique en ce sens. En attendant une telle décision, l’armée fait de son mieux pour limiter « la nuisance » des combattants, aidée, aussi curieusement que cela puisse paraître, à la fois par les combattants du Hezbollah déployés dans certaines secteurs à la frontière et par les services secrets américains qui lui donnent des informations précises sur les déplacements des terroristes.
Cette coopération indirecte est l’indice de l’attachement de la communauté internationale, États-Unis en tête, à la stabilité du Liban, pour ne pas ajouter une complication à toutes celles qui existent déjà dans la région. Mais elle ne signifie nullement que les États-Unis ont renoncé à leur plan d’affaiblir le Hezbollah par tous les moyens économiques et politiques..