Les regards sont à nouveau tournés vers Aïn el-Heloué depuis les derniers incidents qui s’y sont déroulés. Malgré les contacts entrepris pour remédier aux séquelles des échauffourées et les efforts déployés particulièrement par Azzam Ahmad, responsable du dossier palestinien au Liban, qui a débarqué à Beyrouth venant de Ramallah à la demande du président Mahmoud Abbas, la situation ne semble pas sous contrôle.
La tension qui règne dans les camps de Saïda, depuis les événements qui ont précédé l’assassinat du cadre du Fateh, Fathi Zeidan, a poussé les autorités libanaises à tirer la sonnette d’alarme et à inviter les forces palestiniennes à la vigilance et à l’action pour prendre en main et consolider la sécurité dans leurs camps.
Dans cette perspective, des sources palestiniennes estiment que la franchise et la responsabilité qui ont caractérisé les propos du chef des Renseignements de l’armée au Sud, le général Khodr Hammoud, devant l’importante délégation de la sécurité palestinienne à la dernière réunion à la caserne Zgheib à Saïda, reflètent bien les appréhensions des Libanais. Ceux-ci sont conscients du danger qui menace à ce stade et plaident pour une présence plus efficace et plus musclée sur le terrain de la force sécuritaire palestinienne mixte.
Daech, comme le montrent les derniers rounds de violence dans le camp, infiltre Aïn el-Heloué par le biais de groupes palestiniens et de Syriens venus de Syrie ou d’autres factions déjà présentes sur place. L’influence de ces groupes, qui tentent d’attirer des clans et familles dans de nouveaux quartiers, connaît une véritable croissance. L’idéologie islamiste gagne du terrain, les bandes arrivées de l’étranger sont financées pour recruter des jeunes désœuvrés qui, appâtés par le gain, sont prêts à les suivre.
Le camp de Aïn el-Heloué glisse graduellement dans le giron de Daech. La formation des «Jeunes musulmans», qui contrôle actuellement de nombreux quartiers, fraternise avec l’organisation terroriste. On cite spécialement ceux de Tira-Safsaf-Minchiyé, une partie de Hittin et le camp des Tawarek. Ce qui, au total, représente plus de la moitié de Aïn el-Héloué vivant désormais sous la coupe de Daech et al-Nosra. La carte de la répartition des groupes se présente comme suit:
♦ Oussama Chéhabi: rattaché au Front al-Nosra. Il dirige un groupe de 30 éléments.
♦ Bilal Badr: 50 éléments, favorable à al-Nosra.
♦ Haytham el-Chaabi: 40 disciples, al-Nosra.
♦ Mohammad el-Chaabi: Daech.
♦ Jamal el-Ramid surnommé el-Chichani: émir de Daech dans le camp.
♦ Hilal Hilal, à la tête du groupe militaire de Daech.
♦ Toufic Taha et Raëd Jawhar: ils mènent deux groupuscules liés à Daech.
Le Fateh affaibli
L’apathie et la faiblesse, dont font preuve le Fateh et l’Autorité palestinienne, finiront par faciliter l’extension de l’organisation terroriste vers d’autres parties du camp, dans le cadre d’un plan préétabli pour le contrôler tout entier.
♦ Le mouvement Fateh est divisé en deux factions qui se rapprochent et collaborent en phase avec les intérêts de l’Autorité palestinienne à Ramallah.
♦ L’alliance des partis qui rassemble les Brigades de Syrie, le Jihad islamique, le Front de libération et le Front de la lutte – le Commandement général et al-Saïka, est actuellement dirigée par le Hamas.
♦ Les forces islamiques regroupent le mouvement de Jamal Khattab, Osbat al-Ansar, Abou Tarek Saadi et comptent quelque 300 combattants. Ces forces font leur possible pour alléger la tension et construire des ponts entre les organisations radicales et les brigades.
Les données, que possède l’institution militaire, et qui sont recoupées avec celles des Américains, indiquent que le but de Daech est d’étendre son hégémonie sur l’ensemble du camp de Aïn el-Heloué. Le général Kamil Daher, chef des Renseignements militaires de l’Armée libanaise, a communiqué ces informations aux responsables des mouvements palestiniens, les mettant en garde contre toute éventuelle scission au sein d’une quelconque organisation qui aura pour effet de jeter une partie de ses combattants dans les bras de Daech.
La subversion de Mohammad Dahlan
Selon un rapport qui a filtré d’une capitale européenne, Mohammad Dahlan s’est rendu en Arabie saoudite où il lui a été demandé d’agir pour assurer la domination du Front al-Nosra sur le camp de Aïn el-Heloué et de transporter ainsi la crise au cœur du fief du Hezbollah, le sud du Liban. Pour accomplir cette mission, les ressources financières sont disponibles puisque l’application du plan commence par la distribution de fonds et d’armes à celui qui rejoint al-Nosra.
Rappelant l’épisode passé, lorsque Jamila, la femme de Dahlan, est arrivée dans le camp pour distribuer cinq millions de dollars, dont une grande partie a été versée à el-Lino, le rapport révèle que les principaux exécutants du plan, cette fois, sont Oussama Chéhabi et Bilal Badr, déjà affiliés à al-Nosra.
Si le plan réussit à être implanté à Aïn el-Heloué, les Palestiniens vivront une troisième Naqba, insiste le rapport, après celles de 1948 et de 1967. La prise de contrôle du camp par al-Nosra signifie sa destruction, encore plus que Nahr el-Bared.
Le cas el-Lino
Le général Mohammad Mahmoud Issa (el-Lino) est un cas particulier et indépendant dans le camp. Il fait partie du Fateh, mais agit séparément et se rebelle contre la politique de son mouvement qu’il accuse d’avoir renoncé à ses valeurs. El-Lino dirige le Courant de la Réforme démocratique, il est rattaché à Mohammad Dahlan, qui réside actuellement en Egypte et qui est en mauvais termes avec l’Autorité palestinienne. Le courant d’el-Lino compte 350 éléments armés, entraînés au combat, et constitue une composante puissante de l’équation actuelle dans le camp, en ce sens qu’il a pu combler le vide laissé par le Fateh et contrôler parfaitement les zones qui tombent sous sa domination (Saffouri, Hay el-Zeit, Sikké-Loubia et Jabal al-Halib).