Les propos tenus par le Premier ministre Saad Hariri, lundi soir à la Maison du centre, concernant sa volonté de « lâcher le morceau » contre les « partis politiques » qui « l’ont poignardé dans le dos » dans ses relations avec l’Arabie saoudite ont continué hier à faire couler beaucoup d’encre.
M. Hariri avait indiqué qu’il déballerait tout lors d’un entretien avec Marcel Ghanem dans le cadre de l’émission Kalam el-Nass, et le journaliste-vedette avait précisé mardi, sur son compte Twitter, qu’il recevrait le président du Conseil le jeudi 21 décembre dans son talk-show.
Cependant, M. Ghanem a annoncé hier matin sur son compte Twitter qu’« à la demande du Premier ministre Saad Hariri, qui avait annoncé son intention de lâcher le morceau à travers Kalam el-Nass avec Marcel Ghanem, l’émission avec M. Hariri a été reportée à une date très prochaine qui sera annoncée en temps dû ».
Le principal concerné semblait en effet s’être rétracté hier, ou avoir décidé de reporter ce déballage, sur base de conseils qui lui auraient été prodigués en ce sens par ses proches conseillers et par certains milieux diplomatiques, selon des sources bien informées.
Il a ensuite critiqué les médias pour avoir « développé ces questions de conflits entre moi et certains alliés ». « Telle n’est pas ma politique et nous devrions avoir une discussion claire sur la façon d’aller de l’avant pour le pays. Toute cette histoire d’alliés et d’ennemis n’est absolument pas vraie », a-t-il précisé.
Il reste que les propos de M. Hariri ont creusé un petit peu plus le fossé entre lui et plusieurs de ses anciens alliés. Avec les Forces libanaises, par exemple, et alors qu’il était question d’une dynamique d’assainissement des relations entre les deux anciens partenaires au sein du 14 Mars, une polémique a éclaté hier suite à des propos tenus par le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, qui ont provoqué la colère du responsable du département de la communication et des médias au sein des FL, Charles Jabbour.
Dans un entretien situé dans la foulée des propos de Saad Hariri au sujet des « traîtres », M. Ahmad Hariri avait affirmé que sa formation « attend des réponses de la part des FL ». « Nous avons des interrogations au sujet de leur rôle (aux FL) avec les Saoudiens », a déclaré Ahmad Hariri, sans pour autant concentrer ses attaques sur le parti dirigé par Samir Geagea.
« Saad Hariri possède toutes les données et il dira tout en temps dû (…) », avait dit Ahmad Hariri, affirmant que son courant œuvrait « pour assurer le consensus politique, et pas de conflit, ni avec les FL ni avec les Kataëb ou d’autres ».
« Nous ne sommes pas concernés par certains qui veulent devenir des indicateurs pour le compte de l’Arabie et qui sont de la quincaillerie politique », a ajouté Ahmad Hariri, lâchant ses foudres contre l’ancien ministre Achraf Rifi. « Beaucoup pensent incarner le phénomène Rafic Hariri, alors qu’ils le connaissaient à peine et se tenaient à sa porte. Je parle ici de Rifi et d’autres. Il y en a beaucoup comme lui, qui ont vendu les provisions que Saad Hariri avait mises à leur disposition pour acheter des couteaux afin de le poignarder », a ajouté Ahmad Hariri.
« Nous n’acceptons pas de faire l’objet de soupçons de la part de quiconque, a ajouté M. Jabbour. Ce que Saad Hariri a entendu en Arabie saoudite est exactement ce que le Premier ministre Hariri avait entendu à plusieurs reprises durant les six derniers mois », a poursuivi le responsable FL. « Si le courant du Futur ne veut pas entendre, c’est son problème, mais il n’a pas le droit de lancer des accusations à tort et à travers pour des considérations bien déterminées (…). Si la relation du Futur avec l’Arabie est ébranlée, qu’il fasse une révision de son parcours au lieu de faire assumer la responsabilité à d’autres », a-t-il ajouté.
À son tour, le responsable des médias au sein du courant du Futur, Abdel Salam Moussa, a répondu à son homologue FL en indiquant qu’Ahmad Hariri avait dit, durant son entretien, que les propos de Saad Hariri n’étaient dirigés ni contre les FL ni contre Samir Geagea. « Nous allons considérer que la réaction de M. Jabbour n’a pas eu lieu. La relation avec les FL est plus claire et plus profonde que d’être traitée par les cris », a noté M. Moussa.
« Quel est le but de la campagne contre les FL ? Est-ce de créer une diversion vis-à-vis de la question de la distanciation ? » s’est interrogé de son côté le vice-président du Conseil, Ghassan Hasbani, dans un entretien accordé à Radio Liban Libre. « Certains tentent de créer une rupture entre nous et le Futur, et il y a eu des tentatives de prendre ce courant ailleurs politiquement, par le passé. Jusqu’à aujourd’hui, le public du courant du Futur se demande où sont passés les principes de liberté et de souveraineté, et où nous allons », a indiqué M. Hasbani, appelant à « mettre fin à cette crise et à un discours plus calme ».
Une nouvelle tentative de calmer le jeu entre les deux formations serait actuellement en cours, par le biais du ministre de l’Information, Melhem Riachi, et du ministre de la Culture, Ghattas Khoury.
Rifi, Souhaid et Daher
Pour sa part, Achraf Rifi, qui avait accusé mardi sur Twitter Saad Hariri « d’avoir choisi la soumission et la trahison », a appelé hier ses partisans à ne plus répondre aux campagnes menées contre lui. « La confrontation principale est avec le projet de tutelle, pas avec ceux qui ont décidé de lui servir de bouclier », a-t-il indiqué.
« Le climat d’accusations ne sert que le Hezbollah », s’est contenté de dire l’ancien député Farès Souhaid, qui se trouve en visite au Vatican, sur son compte Twitter.
Quant au député Khaled Daher, il a appelé, dans une conférence de presse à Tripoli, à « libérer Saad Hariri, qui a été kidnappé par le Hezbollah ». « Que souhaite annoncer Saad Hariri quand il affirme vouloir lâcher le morceau ? Lâchera-t-il le morceau sur les assassins de Rafic Hariri et des autres martyrs de la liberté et de l’indépendance ? Ou encore sur la présence des milices iraniennes et irakiennes au Liban ? Ou bien annoncera-t-il sa démission face à la présence du Hached el-Chaabi en territoire libanais ? » s’est demandé M. Daher, en appelant le Premier ministre à « mettre le holà aux agissements des mercenaires et des gangs qui veulent établir leur hégémonie sur le Liban ».