Le vice-président de la Chambre voit dans les législatives du 6 mai « le triomphe de la loi dite orthodoxe ».
Élie Ferzli. Un nom que beaucoup associent à la période de la tutelle syrienne, l’homme étant connu pour entretenir de très bons rapports avec la famille Assad. Treize ans après le retrait des troupes syriennes du Liban, à la faveur de la révolution du Cèdre de 2005, Élie Ferzli, élu le 6 mai au siège grec-orthodoxe de Zahlé, revient par la grande porte au Parlement. Mieux encore : il est à nouveau vice-président de la Chambre, un poste qu’il a occupé de 1992 jusqu’en 2005. Il poursuit ainsi un parcours qu’il avait entamé tôt, lui qui a grandi dans une famille baignant dans la politique. Son oncle paternel avait d’ailleurs été élu vice-président de la Chambre à plusieurs reprises.
« Après avoir fait des études en mathématiques élémentaires, mon père voulait m’éloigner du domaine politique. Il m’a donc poussé à suivre des études de médecine, d’autant que mon grand-père était médecin. J’ai donc fait deux ans de médecine », souligne-t-il, en précisant qu’une séance consacrée à la dissection d’une souris l’a poussé à changer son cursus. « Je ne voulais pas d’une carrière médicale. Ce n’était ni mon ambition ni ma vocation », insiste M. Ferzli, 68 ans, sur un ton nostalgique. Il n’a donc pas tardé à prendre le chemin dont il rêvait : la politique. Il suit des études de droit, avant de se lancer dans la vie publique. « Dans les années 70 du siècle dernier, j’ai tissé des liens d’amitié avec Joseph Skaff, alors député de Zahlé », se souvient le vice-président de la Chambre, marié à Olga Skaff depuis 1972.
Première rencontre avec Ghazi Kanaan
Au fil des années, Élie Ferzli voit son rôle à Zahlé prendre plus d’ampleur. « Entre 1975 et 1983, je me suis tenu aux côtés des gens. Je leur rendais des services », raconte cet amateur de cinéma, de musique et de poésie. Sauf que la bataille de Zahlé (2 avril 1981) menée par le fondateur des Forces libanaises, Bachir Gemayel, contre les troupes syriennes, allait profondément modifier la donne. Une toute nouvelle phase du parcours de M. Ferzli débute. « C’est à l’issue de cette bataille que nous avons senti un sérieux danger. J’ai donc œuvré, avec plusieurs évêques de la région, dans le cadre de négociations avec les Syriens, pour garder la Békaa loin des querelles qui opposaient les factions libanaises. » Un pari gagné.
Mais l’importance de cette période dans l’itinéraire politique d’Élie Ferzli ne saurait être réduite à cet épisode de la guerre du Liban. Et pour cause : c’est durant cette période qu’il rencontre Ghazi Kanaan, alors puissant chef des SR syriens au Liban. « Notre toute première rencontre a eu lieu à Chtaura (Békaa), le 1er juillet 1983 », précise M. Ferzli. C’est le début d’une importante relation avec Damas. Si importante que l’actuel vice-président de la Chambre ne tardera pas à être placé à la tête des figures libanaises proches du régime syrien.
Vice-président de la Chambre
Tentant de donner à son parcours politique une nouvelle dimension, Élie Ferzli fait son entrée à l’hémicycle en 1990. Il est désigné à l’un des sièges grecs-orthodoxes de la toute première Assemblée qui a vu le jour après la guerre civile. Un an plus tard, et en dépit du boycottage chrétien, Élie Ferzli est élu député grec-orthodoxe de la Békaa-Ouest, à l’issue des législatives de 1992. « Le boycottage chrétien était une grave erreur. J’ai présenté ce point de vue lors de la réunion qui s’était tenue à Bkerké afin de discuter des choix des chrétiens pour les législatives de 1992. La décision de boycotter le scrutin n’a été prise que 24 heures plus tard, après mon intervention », raconte M. Ferzli.
Outre sa première victoire électorale, l’année 1992 a été marquée par l’accession d’Élie Ferzli à la vice-présidence de la Chambre. Un poste qu’il conservera jusqu’en 2004. Il démissionne au profit de Michel Murr, pour devenir ministre de l’Information au sein du cabinet de Omar Karamé, qui ne tarde pas à jeter l’éponge, le 28 février 2005, soit deux semaines après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
S’il perçoit sa démission comme « une erreur historique », Élie Ferzli estime que son expérience parlementaire aux côtés du président de la Chambre, Nabih Berry, a été « excellente ». « Normalement, le vice-président de la Chambre ne fait que remplacer le chef du législatif quand il est absent », dit-il, avant d’ajouter : « Mais Nabih Berry m’a accordé certaines prérogatives qui ont conféré une certaine importance à ce poste », précise M. Ferzli, sans trop s’étendre sur la question. Il se dit fier d’avoir contribué au dialogue entre M. Berry et quelques ordres religieux.
Élie Ferzli échoue à se faire réélire lors du scrutin de 2005, organisé trois mois après l’assassinat de Hariri. « C’est aussi une erreur historique », dit-il.
Les divergences avec Damas
Quand il évoque cette période, Élie Ferzli semble soucieux de mettre l’accent sur ses divergences avec Damas. Une façon pour lui de se démarquer de l’étiquette « syrienne » qu’on lui associe souvent. « La période 2000-2005 a témoigné d’un grand désaccord entre les Syriens et moi, notamment au sujet de la prorogation du mandat d’Émile Lahoud », insiste-t-il, faisant état d’une divergence de vues avec Ghazi Kanaan et Émile Lahoud sur la façon d’édifier un État au Liban. « J’ai essayé de convaincre Bachar el-Assad de ne pas proroger le mandat Lahoud, mais en vain. Le président syrien était conscient du fait que les grandes puissances avaient pris la décision de soutenir le retrait des ses troupes du Liban », raconte le vice-président de la Chambre qui estime, toutefois, que la présence des troupes d’Assad au Liban était, à un moment donné, nécessaire.
« La victoire de la loi orthodoxe »
En dépit de sa défaite de 2005, M. Ferzli se lance dans la bataille électorale de 2009, sans succès. Mais il ne se retire pas pour autant de la vie politique.
Loin de là. Il préside le Rassemblement orthodoxe et parraine une proposition de loi électorale dite « orthodoxe ». En vertu de ce texte, chaque électeur vote pour le candidat appartenant à sa communauté religieuse. Le texte se heurte à l’opposition de l’écrasante majorité des formations politiques, dans la mesure où il est, selon elles, en contradiction flagrante avec l’article 95 de la Constitution (prévoyant l’abolition du confessionnalisme politique). Il bénéficie, cependant, de l’appui du Courant patriotique libre – fondé par le chef de l’État Michel Aoun – qui brandissait alors le slogan des « droits des chrétiens » et disait lutter pour les préserver.
En dépit des réactions mitigées à la loi dite orthodoxe, Élie Ferzli en reste fier. « Les élections législatives du 6 mai peuvent être assimilées à une victoire de ce texte, dans la mesure où il a donné à chaque citoyen la possibilité d’accorder sa voix préférentielle à un candidat appartenant à sa communauté », souligne le vice-président de la Chambre, qui se félicite du fait que le Parlement issu de ce scrutin est « celui qui assure la meilleure représentation des Libanais ». Une façon pour Élie Ferzli de répondre à tous ceux qui déplorent un déséquilibre au niveau de la composition de la nouvelle Chambre, en faveur du Hezbollah et de l’axe syro-iranien. Mais bien au-delà de ces questions qui, selon lui, seraient liées à la politique politicienne, il souligne que le point le plus important réside dans le fait que « le scrutin s’inscrit à l’actif d’un président chrétien fort qui est parvenu à nouer des alliances tant avec les chiites qu’avec les sunnites, et à assurer la bonne représentativité des chrétiens au sein du gouvernement. Et il s’agit là d’une première ». « L’accession de M. Aoun à la tête de l’État a rendu à la présidence son prestige », estime-t-il d’un ton empreint d’optimisme et d’assurance. Une assurance qui transparaît quand il évoque son « retour à la vice-présidence de la Chambre ». Une victoire dont il était sûr. Aujourd’hui, il en est fier…