Avec le limogeage de Abdel Menhem Youssef, le pouvoir prend ses premières marques

Le Conseil des ministres a tenu hier au palais de Baabda sa première séance après avoir obtenu la confiance du Parlement.

À l’heure où le président de la République, Michel Aoun, s’était engagé à consacrer son mandat à la lutte contre la corruption, le gouvernement Hariri a démis de ses fonctions le PDG d’Ogero et directeur de l’exploitation et de la maintenance au sein du ministère des Télécoms, Abdel Menhem Youssef. Une longue polémique avait longuement opposé ce dernier au chef du Parti socialiste progressiste (PSP), le député Walid Joumblatt, ainsi qu’au courant aouniste, notamment à l’ancien ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui. Imad Kreidieh succédera à M. Youssef à la tête d’Ogero, alors que Bassel Ayoubi dirigera le département de l’exploitation et de la maintenance au ministère des Télécoms.

Interrogées à ce sujet par L’Orient-Le Jour, des sources ministérielles ont indiqué que la décision n’a pas été prise dans le cadre de la polémique opposant M. Youssef à certaines composantes gouvernementales. Il s’agit, selon elles, d’un changement voulu par le Premier ministre, Saad Hariri, et avalisé par le chef de l’État.
Alors que les proches du nouveau pouvoir ont vu dans cette décision la première marque de leur bataille contre la corruption, les sources ministérielles précitées n’ont pas manqué de réduire la décision gouvernementale à une « mesure administrative qui met un terme à de longues épreuves vécues au sein du ministère des Télécoms ».

Dans les mêmes milieux, on assure que seule la procédure de nomination des successeurs de Abdel Menhem Youssef a fait l’objet d’une opposition de quelques ministres : la règle veut en effet que le Conseil des ministres nomme les successeurs de M. Youssef en choisissant parmi trois noms présentés par le ministre des Télécoms. Or, cette procédure n’a pas été appliquée lors de la séance gouvernementale d’hier.
Les ministres ont planché, en outre, sur une série de dossiers importants, dont l’exploitation du pétrole (lire par ailleurs), ainsi que les appels d’offre liés au contrôle mécanique. Le ministre d’État à la Planification, Michel Pharaon, a soulevé aussi la question des fonds dus au service de la Sûreté de l’État, bloqués depuis des mois. De sources bien informées, on apprend que MM. Aoun et Hariri ont promis de prendre ce dossier en charge.

Après une minute de silence observée pour le repos de l’âme des trois victimes de l’attentat d’Istanbul, le président de la République a présenté ses vœux pour les fêtes de fin d’année. Il a toutefois noté que l’attaque contre la boîte de nuit Reina, qui a coûté la vie à trois Libanais, a provoqué une grande tristesse chez les citoyens.
Michel Aoun s’est par ailleurs félicité des mesures prises par les différents services des forces de l’ordre pour garantir la sécurité des citoyens lors du réveillon du Nouvel An. Il a déclaré aussi qu’il présidera aujourd’hui une séance du Conseil supérieur de Défense, pour donner ses directives aux divers appareils de sécurité.
Prenant la parole, Saad Hariri a souligné qu’« en ce qui concerne l’attentat d’Istanbul, l’État libanais a pris les mesures adéquates et fait son devoir envers les citoyens ». Le chef du gouvernement a proposé dans ce cadre la formation d’un comité d’urgence comprenant les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Santé ou leurs représentants, qui sera chargé d’élaborer un plan pour faire face aux catastrophes. Le Premier ministre a profité également de son intervention en Conseil des ministres pour proposer la mise en place d’une commission regroupant les ministres du Tourisme, des Télécoms, de l’Économie, de l’Industrie, de l’Agriculture, des Affaires étrangères et des Travaux publics ou leurs représentants, pour étudier les dossiers économiques.

Pour ce qui est des décisions, le Conseil des ministres a avalisé les décrets relatifs au dossier du pétrole, ainsi qu’un décret portant sur l’organisation de la direction générale de la Défense civile. Il a approuvé aussi le paiement des salaires des membres de la commission chargée d’étudier les demandes de recouvrement de la nationalité libanaise.

 

« Nous vous promettons des surprises »
Cette série de décisions importantes a fait dire à certains que le tout premier gouvernement du mandat Aoun a tenu hier une séance « fructueuse ». Le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, a même été jusqu’à adresser ses « triples félicitations » aux Libanais. « Félicitations pour le pétrole, les télécoms et le recouvrement de la nationalité », a-t-il dit sur son compte Twitter, remerciant par la même occasion « tous ceux qui ont contribué à ces accomplissements exceptionnels ».

Même son de cloche chez un ministre proche du chef de l’État, interrogé par L’OLJ : « La mise sur pied du dossier du pétrole est un saut qualitatif dans l’histoire politique du Liban. » « Nous répondons aux demandes les plus élémentaires du peuple », a-t-il indiqué, estimant qu’« il est temps de faire preuve de sérieux quant aux attentes populaires après de longues années de blocage et de paralysie ». « Nous vous promettons des surprises et de belles choses », a encore dit ce ministre proche de Baabda.
Ce tableau marqué du sceau de l’optimisme aouniste n’occulte aucunement les accusations lancées récemment contre la nouvelle équipe ministérielle, selon lesquelles le gouvernement n’est pas équilibré, ce qui pourrait entraver son rendement : « Même si sa façade montre qu’il est uni, ce cabinet reste celui de toutes les contradictions », a-t-on noté.