Homme de terrain, son histoire se confond quelque part avec celle de l’armée qu’il a rejoint en 1973 (date de son entrée à l’académie militaire) et qu’il a quittée à la fin de 2010, mais qui est toujours dans son cœur et dans son esprit. Antoine Pano, candidat au siège des minorités à Beyrouth I sur la liste de la coalition CPL-Tachnag-courant du Futur, est syriaque-orthodoxe, mais il refuse de se considérer comme une minorité, « car, au fond, dit-il, je représente la grande majorité des Libanais à travers ma longue carrière dans l’armée ».
Son parcours est celui de ces héros plus ou moins anonymes qui ont participé à la plupart des grandes batailles des dernières décennies au service de la patrie. Il en a d’ailleurs gardé des traces dans son corps, puisqu’il a été blessé à maintes reprises, ayant même reçu la médaille d’honneur des blessés. Des lignes de démarcation de la guerre dite civile en 1976 à l’invasion israélienne de 1982, au 13 octobre 1991 et, pour finir, à la bataille de Nahr el-Bared en 2007, il a joué un rôle déterminant dans les développements militaires des dernières décennies, grâce à son courage, mais aussi à son efficacité pratique et surtout à sa vision stratégique. Des histoires de la guerre, il en a des milliers, toutes plus passionnantes les unes que les autres et surtout très émouvantes. Jeune officier à peine sorti de l’École militaire, il a ainsi fait face aux combattants palestiniens de l’ALP (Armée de libération palestinienne) sur l’ancienne route de Saïda. Plus tard, en 1982, il a empêché une patrouille israélienne d’entrer au camp palestinien de Bourj Brajneh et, en 1991, il a été un des derniers officiers à refuser de déposer les armes face à l’avancée de l’armée syrienne à Kfarchima, au point que les soldats syriens avaient surnommé la position où il se tenait avec ses hommes « la colline Pano ».
Mais le véritable tournant de sa carrière militaire s’est déroulé en 1979, lorsqu’il a formé le premier régiment de défense, une unité spéciale qui devait par sa mixité donner un nouvel élan à l’armée libanaise. Ce régiment hors normes a rapidement rejoint la fameuse huitième brigade de l’armée dirigée par le colonel Michel Aoun. Immédiatement, une relation particulière s’est établie entre le jeune officier et son supérieur hiérarchique, qui dure encore aujourd’hui.
Antoine Pano se souvient encore de cette période unique, où cette brigade – qui a pris des positions stratégiques à Souk el-Gharb et dans la banlieue de Beyrouth – a été, à une époque, le dernier rempart de la légalité face aux milices locales, palestiniennes et autres. À partir de la huitième brigade, le jeune officier Pano n’a cessé de gravir les échelons, enchaînant les missions de plus en plus difficiles, toujours sous l’œil bienveillant du général Michel Aoun.
La relation entre les deux hommes ne s’est jamais démentie. Au point qu’à la première occasion fournie par la nouvelle loi électorale, le chef du bloc de la Réforme et du Changement, devenu président de la République, a demandé à son ancien officier de se lancer dans la bataille électorale, pour continuer à servir la patrie, mais cette fois au Parlement, non sur les fronts et autres champs de bataille. Antoine Pano a tout de suite accepté la proposition, d’abord parce qu’elle vient du président et ensuite parce qu’il estime qu’il est nécessaire de poursuivre sa mission au service du pays, dans le cadre des institutions politiques. Est-ce qu’il n’est pas ainsi en train de suivre la mode des généraux à la retraite qui veulent désormais faire de la politique ? Antoine Pano sourit et répond : « Et pourquoi pas ? Ces généraux à la retraite ont pour la plupart défendu le pays alors que la classe politique le mettait en danger ! » Pano est ainsi convaincu qu’il peut être utile au Parlement, à cause de son expérience militaire et aussi pour défendre les droits des forces militaires et sécuritaires qui, avec leurs familles, sont près d’un demi-million de personnes. D’autant que la classe politique a tendance à vouloir rogner leurs acquis, sous prétexte de faire des économies et de réduire le déficit.
Antoine Pano a ainsi à cœur les problèmes des militaires, surtout ceux qui sont sur les fronts, dans des circonstances difficiles et avec des moyens limités comme ce fut le cas lors de la longue et coûteuse bataille de Nahr el-Bared. Le général François Hajj lui avait demandé de prendre en charge ce front 20 jours après le déclenchement de la bataille. Il y avait déjà 60 martyrs de l’armée libanaise. En très peu de temps, Pano a réorganisé les forces, restant sur place avec les soldats et parvenant finalement à détruire l’émirat islamique qui était en gestation dans le nord du pays. À la suite de cette bataille, il a d’ailleurs été invité à donner une conférence sur Nahr el-Bared aux États-Unis, devant un parterre de spécialistes. Selon lui, cette bataille a permis à l’armée libanaise de se transformer réellement en troupe combattante professionnelle et elle a aussi convaincu les États-Unis de donner à l’armée des armes qualitatives. Elle a aussi contribué à l’élection du commandant en chef de l’armée de l’époque Michel Sleiman à la présidence de la République, mais cela c’est une autre histoire…
Aujourd’hui, Antoine Pano regarde résolument vers l’avenir. Sa candidature aux législatives dans cette circonscription n’est pas à ses yeux un couronnement de carrière, mais une poursuite de son combat pour le Liban. Tout naturellement, il a intégré récemment les rangs du CPL parce qu’il voit dans ce parti le reflet du président et dans son chef, Gebran Bassil, l’instrument d’exécution de la vision du chef de l’État. Il ne cache pas sa fierté de pouvoir contribuer à ce grand projet de relance des institutions de l’État, et son propre défi, c’est de pouvoir ramener les jeunes au pays (dont ses deux enfants). Il veut commencer à Achrafieh, dont il connaît toutes les ruelles et les impasses, ayant des souvenirs dans chacune d’elles, certains heureux, d’autres tristes. À l’image de la vie qu’il veut voir s’épanouir partout au Liban.
Scarlett HADDAD | OLJ