L’évêque maronite d’Alep en visite à Paris, déplore un deux poids deux mesures dans la façon dont les médias occidentaux relatent la guerre à Alep, ville divisée en deux, l’est tenu par les rebelles, l’ouest par le régime.
Le 7 décembre 2015, Monseigneur Tobji, a été nommé évêque maronite d’Alep. Sa communauté est restreinte, « avant la guerre, nous comptions 50 000 familles maronites en Syrie et 800 à Alep. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 400. Un chiffre précis parce que nous leur distribuons chaque mois un paquet alimentaire. Certaines familles maronites sont parties au-delà de la mer, pour toujours. Elles ne reviendront pas. D’autres sont au Liban ou déplacées dans le pays, elles reviendront ».
Deux poids deux mesures dans l’information
Avant de devenir évêque, cet Aleppin d’origine était curé de la cathédrale maronite. Il est en France, à Paris pour des conférences qui lui permettront d’expliquer la situation qui prévaut en Syrie mais aussi dans la partie ouest de la ville où il vit et dont on ne parle pas souvent, constate-t-il. Il s’émeut de ce « deux poids deux mesures » dans l’information.
« Quand nous avons été assiégés en 2013 pendant neuf mois par les terroristes (les rebelles qui tiennent l’est de la ville, NDLR), nous n’avons pas vu beaucoup d’informations relatant la situation catastrophique dans laquelle nous étions. Nous n’avions plus d’eau, plus d’électricité, et la route ayant été coupée par les rebelles, nous n’avions plus de ravitaillement. Avons-nous fait la une des journaux en Occident ? Non ».
L’ouest a été assiégé aussi en 2014 puis il y a encore deux mois. Depuis, le régime syrien a repris la route qui permet d’approvisionner la partie ouest. « Mais tous les jours, nous avons au moins une dizaine de morts du fait des obus tirés par les terroristes », poursuit Monseigneur Tobji. « Nous nous réfugions toujours dans les caves quand les obus tombent».
Certes, il reconnaît que la situation est difficile pour ceux qui habitent les quartiers est de la ville, tenus par les rebelles, qu’ils désignent comme des « terroristes », et bombardés par l’aviation syrienne et russe. « Il y a des civils innocents qui ne méritent pas cette situation. »
Il confirme que le gouvernement syrien leur a proposé de quitter l’est pour se réfugier à l’ouest de la ville. « Mais ils sont pris en otage par les groupes armés qui ne les laissent pas traverser la ligne de démarcation».
Cohabitation entre chrétiens et musulmans à l’ouest d’Alep
Alep comptait quatre millions d’habitants avant la guerre. Ils sont aujourd’hui 1,5 million à l’ouest, dont environ la moitié sont des déplacés venus de l’est de la ville. Où ils seraient encore entre 250 000 et 300 000.
« À l’ouest, les déplacés tous musulmans, sont aidés par les organisations Caritas, JRS (Jesuit refugee service) et les églises d’Alep. On ne fait pas de différence entre les Chrétiens et les Musulmans, assure-t-il. Cette cohabitation et le fait que, nous les chrétiens, nous les aidions, peut changer leur regard. C’est aussi un témoignage que la coexistence qui prévalait avant peut survivre à cette guerre. »
Alors que les armes se font toujours entendre, cet homme d’Église veut croire qu’il existe une solution : « c’est simple, cessez de vendre des armes et arrêter de payer les salaires des terroristes. Que la Turquie leur ferme sa frontière au lieu de les laisser la traverser ». Pour lui, la seconde ville du pays est le « nœud » de la guerre. « Quand les canons se tairont à Alep, la guerre sera terminée en Syrie.