La tentative de putsch militaire qui a secoué la Turquie dans la nuit de vendredi à samedi a été mise en échec, a annoncé le général Umit Dündar, chef de l’armée turque par intérim, indiquant que 104 putschistes avaient été abattus.
“Cette tentative de coup a été mise en échec”, a-t-il dit devant la presse à Istanbul confirmant que 90 personnes – 41 policiers, deux soldats et 47 civils – “sont tombées en martyre” dans les violences.
Un peu plus tard, le Premier ministre a fait état de 161 morts, sans compter ceux des putschistes et de 1440 blessés.
Binali Yildirim, qui s’exprimait devant la presse à Ankara, a indiqué que 2.839 militaires avaient été arrêtés en lien avec cette tentative qu’il a qualifiée de “tache” sur la démocratie turque. La situation est “entièrement sous contrôle”, a-t-il ajouté.
Selon les médias turcs, les autorités turques ont également arrêté 2745 juges, après l’échec du putsch.
Des photographies et des vidéos postées en ligne pnt montré des scènes de violences contre les militaires putschistes capturés.
Des SMS signés Erdogan
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de son côté exhorté les Turcs sur Twitter à rester dans les rues, mettant en garde contre une “nouvelle flambée”.
En pleine tentative de putsch, des habitants ont reçu des SMS signés par le président Recep Tayyip Erdogan les appelant à “préserver la démocratie” et à descendre dans les rues, rapportent des utilisateurs turcs de Facebook.
Personne ne savait toutefois s’il s’agit vraiment d’un message officiel du leader turc.
“Enfants de la nation turque! (…) Je vous invite à descendre dans les rues contre ces petites cliques qui pensaient vaincre la nation turque. Conservez votre gouvernement et votre nation!”, lit-on dans le message.
Au lieu du numéro de téléphone de l’expéditeur, le SMS indique ses initiales et son nom: RTERDOGAN.
Retour d’Erdogan
Deux heures environ après l’annonce du coup d’Etat, le président Erdogan avait prédit son échec, la voix blanche à la télévision et s’exprimant depuis un endroit non précisé, avec un portable via FaceTime.
Avant l’aube. il est arrivé à Istanbul, où il a été accueilli par de nombreux partisans. L’homme fort de Turquie passait depuis quelques jours des vacances avec sa famille dans une station balnéaire de l’ouest du pays.
Devant la presse à l’aéroport Atatürk, Erdogan a affirmé que l’hôtel où il se trouvait en vacances à Marmaris, station balnéaire du sud-ouest de la Turquie, avait été bombardé après son départ.
Selon lui, il s’agit “d’une trahison” menée depuis plusieurs heures par des soldats putschistes, qu’il a accusés d’être liés à son ennemi juré Fethullah Gülen, un orateur exilé depuis des années aux Etats-Unis.
Le régime turc qui a toujours accusé Gülen d’être à la tête d’une “organisation terroriste” avait par le passé demandé à Washington de l’expulser, ce que les Américains ont toujours refusé.
“Je réfute catégoriquement ces accusations”, a rétorqué l’imam Fethullah Gülen dans un communiqué. “J’ai souffert de plusieurs coups d’état militaires au cours des 50 dernières années et trouve donc particulièrement insultant d’être accusé d’avoir un quelconque lien avec cette tentative”.
Samedi matin, les capitulations se sont multipliées.
Dont une unité de l’armée turque composée de près de 60 soldats rebelles, qui avaient investi dans la nuit l’un des ponts suspendus enjambant le Bosphore à Istanbul.
Une scène diffusée en direct à la télévision.
Des photographies diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des scènes de violences contre les militaires putschistes capturés.
Les forces de sécurité turques ont arrêté 1.563 personnes, pour la plupart des militaires, en lien avec cette tentative.
Les putschistes ont, dans un communiqué publié sur le site internet de l’état-major des armées, justifié leur “prise de pouvoir totale dans le pays” par la nécessité “d’assurer et de restaurer l’ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l’Homme et les libertés et laisser la loi suprême du pays prévaloir”.
“Tous nos accords et engagements internationaux restent valides. Nous espérons que nos bonnes relations continueront avec les autres pays”, poursuit le texte, cité par l’AFP.
Le chef de l’armée libéré
Entre-temps, le chef d’état-major des armées turques, le général Hulusi Akar, a été libéré des militaires putschistes qui le retenaient sur une base aérienne située dans la banlieue d’Ankara samedi et conduit dans un lieu sûr, ont rapporté les chaînes de télévision.
Ce dernier avait été retenu par les rebelles tout au long de la nuit avant d’être libéré lors d’une opération militaire menée contre une base aérienne de la banlieue d’Ankara.
“Le coup a été avorté grâce à une solidarité totale entre notre commandant-en-chef et président, notre Premier ministre et les forces armées turques”, a indiqué le général qui remplace à priori temporairement le chef d’état-major, le général Hulusi Akar.
Le sort du général, remplacé peu auparavant par un général d’armée car il était incapable de remplir ses fonctions, était devenu un mystère, le président turc Recep Tayyip Erdogan déclarant ne pas savoir où il était retenu.
Les évolutions de vendredi soir
Vendredi, des putschistes de l’armée ont tenté de prendre le pouvoir en Turquie avec des avions de chasse et des chars, entraînant une violente riposte d’Ankara et le retour précipité de vacances du président Recep Tayyip Erdogan.
Cinq généraux et 29 colonels ont été démis de leurs fonctions sur ordre du ministre de l’Intérieur Efkan Ala, a précisé l’agence progouvernementale Anadolu.
Après que son Premier ministre Binali Yildirim a assuré que tout était “largement sous contrôle”, le président turc Recep Tayyip Erdogan était moins affirmatif, déclarant samedi avant l’aube qu’il “y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple” et que “si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve”.
La situation dans ce grand pays de 80 millions d’habitants, membre-clé de l’Otan, restait confuse six heures après l’annonce de la tentative de coup d’Etat.
Des coups de feu sporadiques étaient toujours audibles au petit matin dans plusieurs quartiers d’Ankara et d’Istanbul, après une nuit marquée par des explosions causées, selon les médias, par des bombardements aériens.
Appel à abattre les avions des putschistes
Le Premier ministre Yildirim a ordonné samedi à l’armée d’abattre les avions et les hélicoptères se trouvant aux mains des militaires putschistes, a indiqué un responsable turc.
“Des avions de combat ont décollé de leur base d’Eskisehir”, dans l’ouest de la Turquie, pour combattre les appareils rebelles, a précisé ce responsable.
Le parlement bombardé
Le Parlement, autour duquel des chars ont été déployés, a été bombardé dans la capitale Ankara, où 17 policiers ont été tués, a annoncé l’agence Anadolu.
A Istanbul des soldats ont ouvert le feu sur la foule, faisant des blessés, a constaté un photographe de l’AFP.
Des avions de chasse F-16 ont abattu un hélicoptère des putschistes, selon la télévision turque, après qu’un couvre-feu et la loi martiale ont été instaurés.
‘Prise de pouvoir totale’
La chaîne publique turque de télévision avait diffusé peu avant minuit (21H00 GMT) un communiqué émanant des “forces armées turques”, faisant état de la proclamation de la loi martiale et d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire national.
“Nous ne permettrons pas que l’ordre public soit dégradé en Turquie (…) Un couvre-feu est imposé sur le pays jusqu’à nouvel ordre”, a indiqué un communiqué signé par le “Conseil de la paix dans le pays”, qui dit avoir “pris le contrôle dans le pays”.
Le Premier ministre a averti ceux impliqués dans cette action “illégale” qu’ils paieraient “le prix le plus élevé”.
Les ponts enjambant le Bosphore entre l’Asie et l’Europe à Istanbul ont été fermés dans les deux sens.
A Istanbul, des grandes artères menant notamment à la place Taksim, dans le centre de la première métropole de Turquie, étaient bloquées par les forces de
l’ordre et la présence policière était importante dans les rues.
Les télévisions ont montré des foules importantes réunies près de l’aéroport Atatürk à Istanbul, se réjouissant de la tentative de coup d’Etat.
Mais d’autres, notamment place Taksim, protestaient en masse contre le putsch.
Réactions internationales
Le président américain Barack Obama a appelé à soutenir le gouvernement turc “démocratiquement élu”, “faire preuve de retenue et éviter violence ou bain de sang”.
La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a également exhorté à la “retenue” et au “respect des institutions démocratiques”.
Son homologue russe Sergueï Lavrov, dont le pays vient de se réconcilier avec la Turquie, a demandé d’éviter “tout affrontement meurtrier”.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a jugé “crucial de réinstaurer le pouvoir civil et l’ordre constitutionnel rapidement et pacifiquement”.
En Iran voisin de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a exprimé sa “grande inquiétude”