La dernière réunion du Groupe international de soutien au Liban (GIS) qui s’est tenue vendredi à la demande de la France marque le retour en force de Paris sur la scène libanaise. Alors qu’au cours des dernières années, le rôle de la France au Liban s’était plus ou moins affaibli, en raison des développements dans la région, notamment en Syrie, la voilà qui reprend désormais l’initiative, en particulier depuis la solution trouvée à la crise provoquée par la démission du Premier ministre Saad Hariri à partir de Riyad.
Le président français Emmanuel Macron s’est en effet personnellement impliqué dans ce qu’on appelle désormais « l’affaire Saad Hariri », en réagissant rapidement pour tenter de trouver une issue acceptable pour toutes les parties, notamment l’Arabie saoudite. C’est après sa brève rencontre à l’aéroport de Riyad avec le prince héritier Mohammad ben Salmane que le président français a décidé d’agir. Il a contacté le lendemain le président libanais Michel Aoun, et au bout d’un long entretien téléphonique, il a été convenu que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil se rendrait à Paris dès le lendemain dans le cadre d’une tournée européenne. Selon des sources diplomatiques libanaises, la rencontre entre MM. Macron et Bassil a été fructueuse et il a été convenu que la meilleure solution serait que le président français invite le Premier ministre et les membres de sa famille en France pour lui assurer une sortie digne pour tout le monde.
Il faut préciser à cet égard que le président turc Recep Tayyip Erdogan s’était aussi proposé de le faire, mais la France était déjà sur le coup. Tout s’est déroulé donc selon le scénario établi et les protagonistes ont pris soin de ne rien entreprendre qui puisse irriter les dirigeants saoudiens ou présenter les choses comme si on leur avait forcé la main.
Les sources diplomatiques libanaises précitées ajoutent avoir senti que le président français prenait réellement à cœur le règlement de cette affaire et qu’il avait un réel souci d’aider le Liban dans cette période particulièrement délicate. C’est ainsi qu’il a tenu à convoquer au plus tôt une réunion du GIS, destinée, d’une part, à confirmer l’attachement international à la stabilité du Liban et, d’autre part, à marquer le retour en fonction du Premier ministre Saad Hariri. En même temps, le communiqué final à l’issue de cette rencontre devait marquer les grandes lignes de l’étape à venir au Liban.
Les parties concernées ont donc planché sur un communiqué qui puisse résumer la prochaine étape, et plusieurs points ont ainsi fait l’objet de grandes discussions. Selon les sources précitées, les débats ont pratiquement porté sur quatre points où il y avait des opinions divergentes. Sur deux d’entre eux, le Liban a obtenu gain de cause, sur le troisième, il a été surpris par une différence entre la version française et la traduction en arabe, et sur le quatrième, il considère qu’il s’agit d’une mention de routine.
Dans les détails, le premier point a porté sur le dossier des déplacés syriens et sur la nécessité du retour. L’ONU et la communauté internationale en général ont insisté, comme elles le font à chaque réunion internationale, sur « le retour volontaire des déplacés » chez eux, alors que le Liban proteste contre le mot volontaire. Finalement, dans le texte de la déclaration conjointe publiée à l’issue de la réunion du GIS, il est question « d’un retour sûr, digne et non coercitif, facilité par l’ONU ». Ce qui peut être considéré comme une grande victoire diplomatique pour le Liban, en raison de l’importance que représente pour lui ce dossier.
Le deuxième point est tout aussi délicat, et il porte sur les forces armées libanaises. Le représentant des États-Unis en particulier et la communauté internationale en général voulaient mentionner que les Forces armées libanaises (FAL) sont les seules forces armées du Liban, dans une allusion directe au Hezbollah, alors que le Liban a insisté pour nuancer la formulation. Finalement, la déclaration conjointe précise que « les FAL sont les seules forces armées légitimes du Liban »… Autrement dit, il peut y en avoir d’autres.
Le troisième point a porté sur le respect des résolutions du Conseil de sécurité. Les Américains et leurs alliés insistaient pour mentionner la résolution 1559 (qui prévoit le désarmement de toutes les milices), alors que le Liban préférait se contenter de la formule habituelle qui consiste dans « le respect de toutes les résolutions internationales, et en particulier la 1701 », parce qu’elle est la plus récente et fait l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté internationale et de l’ONU. Finalement, dans la version arabe de la déclaration conjointe, la formule libanaise a été retenue, alors que dans les versions française et anglaise, la 1559 est clairement mentionnée. On a parlé d’une erreur de traduction, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un document officiel.
Enfin, le quatrième point porte sur « la déclaration de Baabda », le Liban considérant qu’il est inutile d’en parler puisqu’il est longuement question de « la politique de distanciation », alors que la communauté internationale a estimé qu’il fallait la mentionner par respect du principe de la continuité de la politique internationale à l’égard du Liban. Finalement, elle est mentionnée dans la déclaration conjointe, mais de façon assez accessoire.
En dépit de ces détails, le Liban se considère satisfait de la réunion du GIS. Il apprécie surtout le rôle déterminant de la France et l’impulsion nouvelle donnée par le président Emmanuel Macron aux relations entre les deux pays