Jarablus libérée, la frontière turco-syrienne est entièrement sécurisée, selon le premier ministre turc Binali Yildrim. Cependant, Ankara ne songe pas à quitter la Syrie, au contraire! L’armée turque a ouvert un nouveau front samedi au niveau de la ville d’Al-Rai, une autre ville frontalière située à l’ouest de Jarablus.
Les médias turcs parlent ainsi d’un 2e front contre Daech. Bien qu’officiellement l’opération Bouclier de l’Euphrate ait pour but l’élimination de Daech, les autorités turques ne cachent pas qu’elle vise également les formations militaires kurdes.
Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS, spécialiste de la Question kurde, explique que les manœuvres de la Turquie témoignent du changement de sa stratégie en Syrie. “Le but essentiel de la Turquie il y a trois ans, c’était vraiment la chute du régime de Bachar al-Assad… A cette époque-là les Kurdes ne représentaient pas un enjeu, ils étaient marginalisés et n’avaient pas une position importante dans la guerre. Après Kobané et après le soutien des Occidentaux… les Kurdes sont apparus comme une force importante aussi bien militaire que politique. Aujourd’hui l’objectif essentiel de la Turquie n’est plus de faire chuter Bachar al-Assad mais d’empêcher que les Kurdes deviennent une force importante au Nord de la Syrie”.
Selon les experts, il ne s’agit pas d’un 2e front mais d’une nouvelle intervention visant à ne pas permettre aux Kurdes de créer un corridor qui réunirait les enclaves kurdes. Le désarmement du canton kurde d’Afrine et le renforcement de l’opposition syrienne seraient donc dans l’intérêt d’Ankara. Il n’est pas non plus à exclure que la Turquie envisage toujours de créer une zone tampon au Nord de la Syrie.
La prolongation du Bouclier de l’Euphrate turc est intervenue au moment des négociations sur la Syrie entre les deux acteurs majeurs, la Russie et les USA. V.Poutine a rencontré B.Obama en marge du G20 dimanche pour discuter notamment de la situation et de la coopération en Syrie. Les médias français relatent l’échec de ces négociations.
Pour Karim Pakzad, c’est l’opération turque mais aussi les succès de l’armée syrienne à Alep qui brouilleraient les cartes.
“Effectivement, l’opération turque a brouillé un peu les cartes. Mais il y a aussi la reprise des localités à Alep par le gouvernement syrien avec le soutien de la Russie et de l’Iran… Si le régime arrive à contrôler totalement Alep, alors ça sera une défaite énorme pour l’opposition soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et les USA. Puisque le rapport de forces change, les Etats-Unis prennent leurs distances dans les négociations avec la Russie”, conclut l’expert