Inspirée de la pièce de théâtre d’Eric Emmanuel Schmitt ‘Petits Crimes conjugaux’, traduite en libanais, et mise en scène par Joe Kodeih sous le titre ‘Bte2toul’, la pièce a tenu l’affiche au théâtre Gemmayzé durant plus de 20 représentations à guichet fermé. Elle joue actuellement la prolongation les jeudis uniquement pour six représentations au moins. A découvrir.
Homme de théâtre aux multiples casquettes comme metteur en scène, acteur ou scénariste, Joe Kodeih se dit ‘ouvert’ à tout ce qui lui plait ou l’interpelle. On le connaît fort bien dans l’un ou l’autre des activités de scène.
‘‘Eric Emmanuel Schmitt est pour moi dit-il un des écrivains modernes incontournables. J’ai voulu traduire et mettre en scène sa pièce de théâtre’’. Un choix judicieux car cette œuvre est constamment à l’affiche et ne laisse jamais le public indifférent. En 2003, elle a été jouée à Paris au théâtre Edouard VII par Charlotte Rampling et Bernard Giraudeau.
Synopsis : Farid est victime d’un mystérieux accident. Amnésique, étranger à lui-même, il revient chez lui auprès de Leyla, sa femme depuis quinze ans. Qui est-il ? Qui est-elle ? Comment vivait leur couple ? A partir de ce que Leyla lui raconte, il tente de recomposer son existence. Mais si elle mentait ? Est-il bien tel qu’elle le décrit ? Est-elle seulement sa femme ? Un suspense étonnant sur le couple à la recherche de la vérité. Une comédie existentielle pleine de surprises où le marivaudage alterne avec la guerre totale.
Pour son adaptation sous le titre de ‘Bte2toul’, elle a été traduite littéralement en libanais par Joe Kodeih et Marie Christine Tayah et produite par Solange Trak.
La pièce se déroule dans le living du couple, meublé d’un canapé rouge aux ressorts défoncés, envahi de livres dans la bibliothèque et sur le bureau de travail, de tableaux de peinture et d’un bar. Leyla (Bernadette Houdeib) y arrive en premier, retire son manteau à carreau, apparaît dans une jolie petite robe bleu pétrole, et se déchausse… Arrive aussitôt Farid (Talal el-Jurdi) chapeau et costume portant sa valise, rentrant de l’hôpital après deux semaines d’hospitalisation. Le dialogue s’engage entre eux pour plus d’une heure de temps. Un dialogue à la fois profond, léger, amer, accessible, avec de multiples redondances, des détournements de situation, un jeu de tiroir entre les deux personnages qui fait tout l’intérêt et l’intensité de la pièce de Schmitt.
Evidemment, dans une œuvre faite d’un dialogue à deux le choix des acteurs est essentiel Et c’est ce qui a donné sa force à ‘Bte2toul’.
‘‘Bernadette Houdeib est pour moi, affirme Joe Kofeih, une de nos meilleures interprètes au Liban et mon choix s’est tout de suite porté sur elle. On avait déjà collaboré ensemble. Elle a proposé pour partenaire Talal el-Jurdi qui a accepté sur le champ malgré d’autres engagements de tournages qu’il avait et a parfaitement su dépasser les clichés de ses rôles antérieurs, pour entrer dans la peau du personnage. Ils ont réussi à incarner sur scène les multiples visages de Leyla et Farid, tour à tour sérieux, tendres, agressifs, nostalgiques, faisant quelques pas de danse… Je leur ai laissé une grande liberté de jeu et j’ai plaisir à les regarder chaque soir’’.
La pièce a très bien passé la rampe, et l’authenticité du jeu des deux acteurs a réussi à dégager la force du dialogue et des sentiments multiples qui y sont sous-jacents. Joe Kodeih souligne ‘‘ pour moi il y a trois acteurs : les deux sur scène et le public qui devient complice tantôt de l’un ou tantôt de l’autre personnage et qui se demande qui dit vrai qui dit faux ?…’’
Concernant son œuvre, Eric Emmanuel Schimtt affirme : ‘‘Je n’ai jamais compris à quel genre appartenait la vie conjugale. Tragédie ou comédie ? Ma seule certitude reste qu’elle appartient au genre dramatique ‘’…Il ajoute à propos de l’adhésion du public aux ‘Petits crimes conjugaux’ : ‘‘Alors que j’imaginais que l’histoire n’intéresserait que des spectateurs ayant l’âge de mes personnages, je découvris, que beaucoup se retrouvaient en eux. À la sortie du théâtre, les couples qui venaient me parler réagissaient différemment selon leur génération : les gens de vingt ans me disaient ‘Quelle cruauté’, ceux de quarante ‘Quelle justesse’, ceux de soixante ‘Quelle tendresse !’. Ils avaient tous raison ! A vingt ans, on voudrait que l’amour soit simple. A quarante, on découvre qu’il est complexe. A soixante, on sait qu’il est beau parce que complexe’’.
Au spectateur libanais tout âge d’en juger. A chacun d’entre nous sa réaction !
Nelly Helou
‘Bte2toul’
Théâtre Gemmayzé
Les jeudis à 20h30
(76) 409109
Tarifs: 30.000 LL ; 50.000 LL