Un cèdre est tombé

Article publié il y a dix ans l’occasion de la disparition du grand Mansour Rahbani

Un Grand de notre pays est parti aujourd’hui.

Il s’agit de Mansour Rahbani.

Un des pères fondateurs du Liban moderne, du Liban de nos rêves, de nos espoirs et de celui de notre lutte quotidienne.

Mansour est parti rejoindre son autre moitié, Assi, qui l’a quitté 23 ans auparavant.

Ces deux là étaient certes des maîtres en musique, en théâtre et en poésie. Ils avaient façonné la chanson libanaise et au delà, imprimé leur image de marque sur tout l’art oriental.

Mais ils étaient beaucoup plus que des artistes.

Ils étaient des résistants. Ils avaient refusé toute oppression et chanté la liberté jusqu’à la sacralisation.

Ils étaient des rebelles. Ils avaient crée leur monde à eux, depuis qu’ils étaient deux garçons perdus dans la forêt de Antélias, jusqu’à leur intronisation sur le royaume de l’art libanais, en refusant de chanter devant les chefs.

Ils étaient des humanistes, avaient érigé l’Homme au centre de leur combat et rendu à l’art sa simplicité, sa bonté naturelle et sa profondeur.

Ils étaient des enfants de leur terroir, ayant chanté leur histoire, leur vécu, leur joie et leur malheur, n’oubliant jamais leurs racines.

Ils étaient des inconditionnels du Liban, de sa gloire, de ses richesses, de sa beauté. Ils l’avaient chanté partout dans le monde à tel point que le fait d’entendre Feyrouz, leur diva adulée, correspondait à un voyage au Liban.

Leur amour du Liban greffé sur leur génie naturel a constitué l’alchimie qui a mis en place les fondements d’un Liban nouveau, plus beau, plus pur, plus naturel, loin des conflits et des intérêts, proche de son histoire et de ses valeurs. Ils avaient semé les graines de ce pays et l’avaient arrosé, pendant des décennies, avec leurs mélodies envoutantes et leurs mots magiques.

La graine a poussé et un peuple en entier est né à nouveau grâce à eux.

Que de chansons qui traversent mon esprit en écrivant ces mots.

Assi et Mansour étaient notre voix lorsque les autres nous avaient confisqué la nôtre ; ils étaient notre défense lorsqu’on étaient terrés dans nos abris et notre lueur d’espoir qui nous avaient jamais quitté pendant les moments les plus sombres, nous rappelant qui nous sommes et nous promettant de meilleurs lendemains.

Les pays ont des drapeaux, des images, un hymne national, une histoire, une géographie. Assi et Mansour étaient tout cela en même temps.

Adieu Mansour ; reposez vous bien dans la terre du pays que vous avez adoré. Nous ne vous remercierons jamais assez pour ce que vous avez fait.

Et passez le bonjour à Assi.

Dr Elie HADDAD