Stephan Turk, le bijoutier niçois qui a tué son braqueur : «J’avais peur de mourir, j’ai tiré instinctivement»

Stephan Turk encourt jusqu'à trente ans de réclusion./ Photo AFP

Stephan Turk, le bijoutier niçois qui avait tué un de ses braqueurs en septembre 2013, comparaît depuis hier devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes pour «homicide volontaire» : la légitime défense n’ayant pas été retenue.

«J’ai un passé honnête, c’est tout parti en 3 minutes à cause de voyous» : à l’ouverture de son procès hier à Nice, le bijoutier Stéphane Turk, qui comparaît libre, a nié avoir voulu tuer le jeune qui venait de braquer sa boutique en septembre 2013.

«J’avais peur de mourir, j’ai tiré instinctivement», a-t-il assuré devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes qui le juge jusqu’à vendredi pour homicide volontaire et détention illégale d’arme. Au moment des faits, le commerçant avait reçu le soutien d’une partie de l’opinion publique et de la classe politique, qui s’étaient emparés du fait divers pour manifester leur exaspération face à la délinquance.

Accusé d’avoir tiré dans le dos de son agresseur qui s’enfuyait avec le butin à bord d’un scooter conduit par un complice, condamné à dix ans de prison en appel, Stéphane Turk, né à Beyrouth, naturalisé français et âgé aujourd’hui de 72 ans, encourt 30 ans de réclusion.

«Je tire 2 ou 3 fois, je compte pas les balles»

S’exprimant avec un fort accent, l’ancien commerçant raconte d’une traite tout le braquage survenu le matin du 11 septembre 2013. «Brusquement j’entends un bruit (…) : il vient chez moi, il m’attaque immédiatement, moi j’essaie de me défendre mais il rentre une deuxième personne.»

Blessé dans l’agression – «c’est resté gonflé des mois», assure-t-il en montrant son flanc gauche –, il avait suivi ses agresseurs puis ouvert le feu dans leur direction alors qu’ils prenaient la fuite sur un scooter.

«Je tire instinctivement, deux ou trois fois, je compte pas les balles», poursuit Stéphane Turk, en polo bleu ciel et blouson foncé, assurant avoir tiré vers le bas du deux-roues et avoir eu peur pour sa vie. Il affirme également avoir craint que le scooter ne fasse demi-tour pour lui tirer dessus.

«Je ne suis pas un assassin»

Sur le banc des parties civiles, les membres de la famille d’Antony Asli, qui avait déjà un casier judiciaire chargé au moment de sa mort, à l’âge de 19 ans, secouent la tête en entendant les dénégations de l’ancien commerçant.

Leurs avocats critiquent une enquête de personnalité qu’ils jugent trop favorable.

«Pourquoi aviez-vous une arme avec de vraies balles et un gros calibre dans votre magasin ?», demande le président Patrick Veron à Stéphane Turk. «Tous les bijoutiers à côté, nous sommes ciblés par les voyous, même le boucher, ils attaquent tout le monde.» Mais c’est avec une autre arme, de calibre 7.65, qu’il a tiré en septembre 2013 : «Je sais pas si elle marche ou pas, c’est à un ami», se défend-il.

Interrogé sur son degré de familiarité avec les armes, il renvoie à son passé au Liban, avant qu’il ne fuie la guerre civile pour s’établir en France en 1983 : «Jamais en France, j’ai pratiqué les armes, au Liban, il y en avait partout, au Liban, même un enfant de 10 ans connaît les armes.» «Je ne suis pas un assassin», murmure-t-il entre deux phrases.

Le dossier d’accusation rappelle que selon le Code pénal français, «la légitime défense ne peut s’appliquer lorsque l’agresseur prend la fuite» et «la légitime défense des biens ne peut jamais justifier un homicide volontaire».


Pourvoi rejeté pour le cafetier de Lavaur

Le cafetier de Lavaur, Luc Fournié, qui avait été condamné en appel à dix ans de prison par la cour d’assises de Haute-Garonne pour avoir tiré sur deux ados qui s’étaient introduits dans sa boutique en 2009 et avoir tué l’un d’eux, a vu son pourvoi rejeté par la Cour de cassation. Son avocat, Me Catala, avait annoncé qu’il saisirait la Cour européenne des droits de l’homme et demanderait un recours en grâce au président de la République.