La plupart des parties internes veulent le maintien de l’actuel gouvernement

Il faudra sans doute attendre la semaine prochaine pour connaître le scénario final de la sortie de crise, en raison du départ du chef de l’État pour Rome, dans le cadre d’une visite officielle de trois jours. Mais les milieux politiques estiment en général que le plus gros travail a été fait et qu’il ne s’agit plus que d’une question de mise en scène crédible pour sauver la face de tous les protagonistes.

Comme le dit une personnalité politique qui a suivi de près les derniers développements, il s’agit de concevoir un scénario un peu plus crédible que celui adopté pour la démission du Premier ministre à partir de Riyad qui a été si peu peaufiné que ni le Liban ni la communauté internationale n’ont pu l’accepter.

Même si le Premier ministre a publiquement déclaré qu’il ne compte pas évoquer les circonstances de son dernier séjour à Riyad, les détails commencent à circuler sur des traitements peu adéquats surtout à l’égard du Premier ministre d’un autre pays. Indépendamment de ces détails, il y avait donc un véritable plan visant à renverser la situation au Liban, élaboré entre Beyrouth et Riyad et dont « le parrain » était en quelque sorte le ministre saoudien chargé des Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhane. Au cours de ses visites répétées au Liban, depuis notamment l’élection du président Michel Aoun à la tête de l’État le 31 octobre 2016, Thamer al-Sabhane avait monté un réseau de relations dans le double monde de la politique et des médias pour frapper un coup fort lorsque les circonstances le permettraient. En effet, il apparaît de plus en plus clairement que les dirigeants saoudiens avaient appuyé ce qu’on a appelé « le compromis présidentiel » à contrecœur, et ce parce que, à l’époque, ils étaient inquiets au sujet de l’élection présidentielle américaine (qui a eu lieu le 4 novembre 2016, soit quelques jours après celle qui s’est déroulée au Liban) et sur les effets de la loi sur le 11 septembre 2001, adoptée quelques mois auparavant par les deux Chambres américaines.

Mais l’élection de Donald Trump et sa décision de se rapprocher des dirigeants saoudiens tout en pointant du doigt l’Iran ont redonné de l’espoir et la volonté de réagir à Riyad, et en particulier au prince héritier Mohammad ben Salmane qui voulait porter un coup fort à l’Iran et à ce qu’il considère comme « son instrument » au Liban, le Hezbollah. C’est là que serait intervenu le ministre Sabhane avec un plan qu’il croyait infaillible. Ce plan reposait sur les points suivants : Saad Hariri est contraint à démissionner en plaçant le plafond très haut, affirmant notamment qu’il ne peut y avoir un gouvernement avec la participation du Hezbollah, ce dernier doit retirer ses troupes de Syrie et accepter un mécanisme qui aboutit à ce qu’il dépose les armes à l’intérieur du Liban. Immédiatement, des rassemblements populaires devaient s’organiser à Beyrouth et à Tripoli pour appuyer ces revendications. Ce qui ferait monter la tension d’un cran, et le chef de l’État n’aurait d’autre choix que d’accepter la démission et de procéder à des consultations parlementaires qui aboutiraient à la désignation de Baha’ Hariri à la tête du gouvernement. Ce dernier refuserait d’inclure des membres du Hezbollah dans son gouvernement, mais au contraire renforcerait la présence de l’ancien directeur des FSI, le général Achraf Rifi, ainsi que celle des Forces libanaises et de leur chef Samir Geagea. Bref, un gouvernement dit de « faucons », dont la mission serait d’isoler le Hezbollah et de le priver de la légitimité populaire et politique dont il jouit actuellement, en prélude à son affaiblissement.

Les événements ne se sont pas déroulés de cette manière, grâce d’abord à la réaction immédiate du président de la République épaulé par le président de la Chambre à partir du Caire et par la famille Hariri elle-même. Ils ont soulevé un élan populaire en faveur du Premier ministre Saad Hariri, tout en mobilisant la communauté internationale pour réclamer son retour au Liban. La France et l’Égypte ont été les plus promptes à réagir, mais elles avaient derrière elles l’ensemble de la communauté internationale. Finalement, le ministre Sabhane a payé le prix de l’échec de son plan ambitieux, étant devenu soudain silencieux. Et aujourd’hui, c’est sous un plafond bien plus bas que celui contenu dans la « démission de Riyad » que se déroulent les concertations.

Il n’est par exemple plus question d’un gouvernement sans le Hezbollah, ni de demander au Hezbollah de déposer ses armes. Les concertations de Baabda ont essentiellement porté sur la politique dite de distanciation, tout en précisant que cette politique ne peut pas s’étendre au conflit avec Israël. Il s’agit donc pour le Liban de rester à l’écart des conflits arabes et du conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Comme par hasard, le secrétaire général du Hezbollah a annoncé dans son dernier discours que son parti ne participe pas à la guerre au Yémen ni à la révolte à Bahreïn. La guerre en Irak contre le terrorisme étant pratiquement achevée, il s’apprête à en retirer ses troupes. Quant à la Syrie, ce n’est plus qu’une question de temps. De son côté, Walid Joumblatt a déclaré qu’il n’est pas sage de soulever la question des armes du Hezbollah à l’heure actuelle, et le Premier ministre n’a pas caché son souhait de rester à la tête du gouvernement. La plupart des parties internes semblent donc disposées à faire des concessions pour maintenir ce gouvernement en place jusqu’aux élections législatives, sous le plafond de la sécurité et de la stabilité assuré notamment par la communauté internationale.