Il faut rapatrier Carlos Ghosn!

Emmanuel Macron et Carlos Ghosn à l'usine Renault de Maubeuge le 8 novembre dernier. © LUDOVIC MARIN / AFP

S’il est fautif, le PDG de Renault-Nissan paiera cher. Mais, pour l’heure, stop au lynchage ! Le Japon doit nous rendre notre compatriote.

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Passé le moment de stupeur, il est temps de nous ressaisir. L’arrestation de Carlos Ghosn, le PDG de Renault-Nissan, n’est pas un acte anodin. Ce citoyen, jusqu’ici à l’honorabilité parfaite, est détenu par les autorités japonaises sur des accusations de dissimulation de revenus au Japon. Son numéro deux chez Nissan, Hiroto Saikawa, a rapidement pris les commandes du groupe Nissan et l’a accablé, se disant «  indigné  » de la conduite de Carlos Ghosn, et blâmant, au passage, le management solitaire de Ghosn, les «  dérives  » et le «  côté obscur  » du personnage…

Nous ne savons pas grand-chose à l’heure actuelle des faits reprochés et des éléments tangibles du dossier entre les mains de la police nippone. Mais en aucun cas le PDG de Renault-Nissan, ni aucun autre de nos compatriotes français au casier judiciaire vierge, ne peut être abandonné par la France. Non seulement la France ne peut pas lâcher l’un des siens, mais, en l’espèce, elle ne peut se permettre d’être naïve au point de ne pas vérifier elle-même que cette arrestation ne cache pas un complot industriel.

Le PDG de Renault, quel que soit celui qui occupe cette fonction, est en France un personnage à part. Il s’agit d’un symbole français qui mérite que nous lui apportions la plus grande protection. L’histoire a déjà été tragique pour ceux qui ont occupé cette charge. Le symbole que représente cette marque est tellement fort que le 17 novembre 1986, un commando d’Action directe a pris pour cible le patron de la régie Renault de l’époque. Georges Besse est mort sous les balles de ses assassins parce qu’il incarnait la France, la puissance publique industrielle de notre pays.

Or, qu’apprend-on ? Que le système judiciaire japonais permet aux policiers d’incarcérer un suspect pendant 23 jours consécutifs sans que son avocat puisse assister aux interrogatoires… Pardon, mais, le Japon a beau être une démocratie, cette procédure est totalement déséquilibrée au regard des droits de la défense. On imagine, en outre, que les enquêteurs disposaient d’éléments écrits avant de jeter Carlos Ghosn dans sa cellule du centre de détention de Kosuge. Ses éléments ne vont pas disparaître et Carlos Ghosn n’aura pas les moyens de les détruire. Alors pourquoi une garde à vue de dix jours comme on nous l’annonce ?

La France doit exiger son rapatriement

Ce traitement est intolérable au regard du droit français. On ne traite pas de la sorte un homme qui, jusqu’ici, n’avait jamais été pris en faute, qui a relevé une boîte (Nissan) à l’agonie pour en faire le leader mondial de la construction automobile.

La France ne peut pas laisser tomber Carlos Ghosn et doit exiger son rapatriement, quitte à ce que les enquêteurs nippons poursuivent leurs investigations en France. Le président de la République, Emmanuel Macron, ne peut pas rester indifférent au sort d’un compatriote, même si leurs relations ont été tendues par le passé (notamment à propos de la rémunération faramineuse du patron de Renault-Nissan).

Que l’on soit bien clair, il ne s’agit nullement de faire obstacle à la justice japonaise, mais, dans cette affaire qui touche aux intérêts industriels de la France, Carlos Ghosn ne peut pas être traité comme un trafiquant de drogue international. S’il a fauté, il paiera cher. Mais c’est à la France de s’assurer qu’il n’est pas victime d’une manipulation nippone. Et elle se doit, dans un premier temps, de le tirer de sa cellule, d’examiner ensuite les charges, et éventuellement de le punir. Les enjeux sont trop importants pour faire aveuglément confiance aux Japonais.